Bercy a annoncé la fin progressive du bouclier tarifaire sur le prix de l’électricité. Ceci se traduira par une augmentation de 10% au 1er août 2023 du prix du kWh et représente un alourdissement de 150 euros pour un ménage moyen qui verra sa facture annuelle atteindre 1.850 euros (pour un contrat de 9 kVA). Cette hausse suit une hausse de 15 % (février 2023) et devrait précéder une hausse de 18,5% début 2024.
La mort programmée du bouclier tarifaire de l’électricité, un nouveau coup dur pour les ménages
La dérive du prix de l’électricité payée par les ménages, passé de 0,15 €/kWh (2016) à 0,245€/kWh (2024), est la conséquence très directe de la politique européenne à laquelle se soumet la France et qui superpose à deux phénomènes a priori indépendants.
Le déploiement forcené imposé par l’Europe des moyens de productions intermittents et non pilotables (ENR : éolien et solaire) :
Même si notre mix de production électrique est l’un des plus décarbonés d’Europe, nous nous voyons imposer par l’Europe un déploiement de plus en plus significatif des ENR non pilotables dans notre mix énergétique.
Nous nous étions engagés à atteindre 23% en 2019 et nous n’avons atteint que 19%. Nous devrons donc nous acquitter d’une pénalité de 500 M€ en achetant des certificats verts à des pays pourtant 4 fois plus polluants que nous… Malgré cette alerte, sous la pression de l’Europe, le gouvernement vient d’accepter en juin 2023 un nouvel objectif de 42,5% à horizon 2030 !
Si un pays accorde une part grandissante dans son réseau électrique à des moyens non pilotables, les prix de son électricité devront en subir des impacts cumulatifs directs ou indirects :
- Les moyens ENR non-pilotables sont subventionnés par des contrats d’achat de long terme (20 ans) ; ces contrats d’achat se situent à des niveaux très largement au-dessus des coûts de revient réels de production. Ce mécanisme de soutien alimente un écosystème spéculatif au profit d’intérêts privés, majoritairement étrangers, et permet la constitution, en quelques années, de fortunes privées gigantesques,
- Les autres moyens de production pilotables voient leur prix de revient exploser parce qu’ils doivent interrompre leur service au profit des ENR quand il y a du vent ou du soleil,
- Le doublement des capacités ENR par des moyens pilotables parce qu’il faut bien servir de l’électricité aux ménages même quand il n’y a ni vent ni soleil,
- Le développement d’un nouveau réseau coûteux, fragile et générateur de nouvelles pertes électriques (effet Joule) à cause de l’éparpillement des moyens de productions ENR sur le territoire.
Tous ces coûts supplémentaires, à la charge de la Collectivité Nationale, sont noyés dans le maquis de taxes, contributions, accises ou impôts divers dont Bercy a le secret.
L’organisation du marché européen de l’électricité
Alors que l’électricité devrait un bien public national, l’Europe a considéré au contraire que l’électricité devait être une marchandise comme une autre et a imposé des règles communes.
Ce « supra-gouvernement » a exigé que soit mis en place un mécanisme européen de fixation du prix de l’électricité et la France s’est pliée à l’oukase.
L’Allemagne a fait imposer son modèle
De sorte qu’aujourd’hui’hui en France, le prix de gros de l’électricité dépend du prix du kWh du gaz… même si notre mix électrique ne dépendait du gaz qu’à hauteur de 7,2% en 2018. A cause de l’indisponibilité temporaire des centrales nucléaires, cette part était montée à 12,1% en 2022 mais elle est redescendue à 6% depuis le début de l’année.
Si un pays accepte de s’affilier à ce mécanisme européen abracadabrantesque, il doit accepter de voir son prix de marché totalement déconnecté du coût de revient réel de la production de son mix électrique.
Ce fut le cas de la France qui n’a jamais rien refusé aux diktats européens.
Depuis début 2022, le gouvernement essaie de masquer cette dérive du prix de l’électricité par des baisses de taxes mais cette dépense de bouclier tarifaire a déjà coûté 8 milliards d’euros au budget de l’État et la limite de l’exercice est bien sûr la ressource budgétaire d’un état surendetté.
Le gouvernement réduit progressivement ce bouclier mais sans s’attaquer aux vraies raisons de cette explosion des prix : déploiement incontrôlé des ENR intermittentes non pilotables et alignement sur le mécanisme européen du prix de l’électricité.
Des nouvelles règles de prix de marché sont en train de se discuter à Bruxelles ; les lobbies éoliens s’en félicitent… on craint le pire.