Boissons, tabac… une avalanche de taxes votée au Sénat

Le Sénat, le 21 novembre 2024, a acté des augmentations de taxes sur plusieurs produits de grande consommation, à savoir les sodas, les édulcorants, le tabac et les jeux d’argent. Ces modifications s’inscrivent dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 et visent à répondre à un double objectif : d’une part, dissuader les consommateurs d’opter pour des produits jugés nocifs pour la santé et, d’autre part, combler les déficits grandissants de la Sécurité sociale. Mais à quel prix ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 22 novembre 2024 à 6h30
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150 MILLIONS €La taxation des boissons devrait rapporter 150 millions d'euros par an.

Une forte hausse des taxes sur les boissons sucrées… et même les édulcorants !

Les sodas et autres boissons sucrées deviennent une cible prioritaire dans la lutte contre l’obésité et les maladies chroniques. La taxation actuelle, jugée insuffisante, a été drastiquement revue à la hausse par les sénateurs. Les nouvelles mesures imposent une taxation progressive basée sur la teneur en sucre. Par exemple, les boissons faiblement sucrées (moins de 5 grammes de sucre pour 100 ml) seront désormais taxées à hauteur de 4 centimes par litre, tandis que celles contenant plus de 10 grammes de sucre par 100 ml devront s'acquitter d'une taxe de 35 centimes par litre. Il s'agit là d'une augmentation majeure par rapport au barème précédent, où la taxe maximale atteignait 28 centimes.

Pour la première fois, les édulcorants de synthèse, utilisés dans les boissons dites "light" ou "zéro sucre", sont également concernés. La sénatrice Élisabeth Doineau a défendu cette mesure en arguant que ces substituts n’étaient pas une solution miracle et qu’ils pouvaient présenter des risques pour la santé. L’augmentation des taxes a néanmoins été critiquée, notamment par le gouvernement, qui souligne la difficulté d’évaluer avec précision la quantité d’édulcorants dans chaque produit. Les industriels, quant à eux, dénoncent une attaque injustifiée, affirmant que cela pénalisera autant les consommateurs que l’innovation dans le secteur agroalimentaire.

« Le Syndicat des Boissons Sans Alcool (SBSA) dénonce une stigmatisation insupportable et incompréhensible. Ces décisions vont déstabiliser toute la filière de production de boissons en France, et lourdement impacter, en amont, l’un des premiers débouchés des betteraviers français et, en aval, les différents partenaires de la logistique et de la distribution (grossistes, CHR etc.). Les producteurs de boissons dénoncent en outre les propos tenus dans l’hémicycle à l’encontre de leur profession. Le SBSA rappelle que le secteur des boissons sans alcool représente plus de 11 000 emplois directs, et donc autant de femmes et d’hommes qui s’investissent au quotidien pour fabriquer des produits appréciés des Français. Si le SBSA partage les objectifs affichés de lutte contre l’obésité et le diabète, il marque son plus total désaccord concernant les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs sanitaires. En effet, les nouvelles mesures prises n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact préalable », peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé le 21 novembre 2024.

Tabac : un fardeau qui s’alourdit encore avec des taxes

Le tabac, déjà lourdement taxé, subit une nouvelle hausse. Le prix moyen d’un paquet de cigarettes passera à 12,70 euros en 2025, soit une augmentation de 40 centimes par rapport à ce qui était prévu. Objectif affiché : porter ce prix à 13 euros d’ici 2027. Si les défenseurs de cette augmentation estiment qu’elle pourrait réduire le nombre de fumeurs en France, ses détracteurs soulignent qu’elle frappe principalement les ménages les plus modestes. À titre d’exemple, une famille où un membre fume un paquet par jour dépensera environ 146 euros par mois, contre 138 euros actuellement. Sans compter que l’augmentation du paquet ne fera qu’augmenter le marché parallèle, notamment dans les régions frontalières avec Andorre, le Luxembourg, l’Italie ou l’Allemagne, où le paquet de cigarettes coûte jusqu’à 50 % moins cher.

Les jeux d’argent : des millions en jeu

Les loteries, les casinos et les paris sportifs sont également ciblés par des hausses fiscales. Les augmentations varient selon le type de jeu mais elles devraient en moyenne représenter une augmentation de 10 % des taxes actuelles. Cette décision, qui a reçu l’aval du gouvernement, vise à capter une partie des gains des opérateurs de jeux pour financer les déficits publics. Les paris hippiques ont néanmoins été épargnés suite à une levée de boucliers de la filière équine.

Budget 2025 : entre santé publique et injustice sociale

L’argument central avancé par le Sénat est la protection de la santé publique. La taxation renforcée des produits sucrés et du tabac vise à limiter leur consommation et, par extension, à réduire l’incidence des maladies chroniques comme l’obésité, le diabète, et les cancers liés au tabac. Pourtant, ces mesures soulèvent plusieurs questions. D’abord, leur efficacité est loin d’être prouvée. Les consommateurs les plus fidèles à ces produits sont souvent les moins sensibles aux variations de prix, ce qui pourrait limiter l’impact espéré. Ensuite, le poids de ces augmentations fiscales risque de retomber lourdement sur les ménages à faible revenu, pour lesquels ces produits représentent une part importante du budget alimentaire et de loisirs.

Du côté des industriels, la grogne monte. Les producteurs de boissons sucrées dénoncent un « acharnement fiscal » et préviennent que ces taxes entraîneront inévitablement une augmentation des prix pour les consommateurs finaux. Certains rappellent également que la réforme risque d’entraîner des pertes d’emplois dans le secteur, notamment dans les usines de production et d’embouteillage.

Si ces mesures fiscales visent à corriger des comportements de consommation jugés problématiques, elles risquent également d’exacerber les inégalités sociales et de mettre sous pression des secteurs économiques déjà fragiles. Alors que les recettes attendues de ces augmentations sont estimées à plusieurs centaines de millions d’euros, la question demeure : ces taxes seront-elles suffisantes pour combler les déficits croissants de la Sécurité sociale et, surtout, pour provoquer un changement durable des habitudes de consommation ?

Récapitulatif des augmentations de taxes votées par le Sénat

Produit Taxation actuelle Nouvelle taxation (2025) Augmentation en euros Recettes attendues (annuelles)
Boissons faiblement sucrées (par litre) 3,5 centimes 4 centimes +0,5 centime 50 millions d’euros
Boissons très sucrées (par litre) 28 centimes 35 centimes +7 centimes 100 millions d’euros
Tabac (par paquet de cigarettes) 12,30 euros 12,70 euros +0,40 euro 200 millions d’euros
Jeux d'argent Variable (selon le type) Augmentation moyenne de 10 % Variable 50 millions d’euros

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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