Le bilan économique contrasté des années Macron

Même si le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron n’est pas terminé, on peut déjà prédire que le bilan économique des deux septennats sera contrasté, avec des succès, mais aussi des échecs et la persistance de sérieuses faiblesses dans l’économie Française.

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Par Pierre Maurin Modifié le 20 février 2024 à 9h23
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emmanuel, macron, bilan, années, quinquennat, présidence - © Economie Matin
1%La croissance de la France a été revue à 1% pour 2024.

La croissance du PIB a été positive pendant le quinquennat de Macron, avec une moyenne annuelle de 1,3%. Cette performance est légèrement supérieure à la moyenne de la zone euro (1,1%) sur la même période et s’explique notamment par la mise en place de quelques réformes comme la baisse des impôts sur les sociétés et la réforme du marché du travail qui a provoqué une création d’emplois. En 2022, la dynamique a encore été positive, mais freinée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine et la hausse de l’inflation, notamment sur l’énergie et les matières premières. La croissance est aujourd’hui inférieure à 1% en 2023 et le sera à nouveau en 2024.

Sur le plan de la création d’emploi, certes environ 2 millions d’emplois ont été créés depuis 2017, le taux de chômage est de 7,4% environ en ce début d’année 2024. Cette dynamique n’est pas uniforme, avec une croissance forte avant la crise sanitaire, 764 500 emplois salariés créés entre début 2017 et fin décembre 2019, une destruction de 315 000 emplois salariés en 2020, à nouveau une reprise forte en 2021 et 2022 et depuis 2023, une décélération. L’ambition d’atteindre en 2027 un taux de chômage autour de 5 % de la population active, contre 7,4 % actuellement, se heurte au ralentissement de la croissance et ne sera pas atteint. Enfin, même si le bilan en nombre de créations est positif, le taux de salariés payés au SMIC est passé de 12% à 17%, soit une « smicardisation » rampante de la société française. Cela veut dire que les emplois créés ne sont pas toujours des emplois fortement qualifiés, c’est aussi la conséquence de l’indexation des salaires sur l’inflation au cours de ces dernières années. En progressant plus vite que l’ensemble des salaires, le smic a rattrapé des millions de salariés dont le salaire était légèrement au-dessus, et qui sont devenus ou redevenus smicards. L’option qui serait la plus pertinente serait d’alléger les cotisations sur les bas salaires au-dessus du smic et créer davantage d’incitations à mieux payer les salariés via des primes avec des cotisations limitées, mais cela pourrait peser sur le financement des régimes sociaux.

Sur le plan du pouvoir d’achat, les ménages français ont gagné en moyenne 0,9% par an de revenu disponible entre 2017 et 2022, c’est certes un peu plus élevé que les quinquennats de François Hollande et Nicolas Sarkozy, mais ce pouvoir d’achat cache des disparités importantes entre les salariés et les professions indépendantes. Par ailleurs, ce pouvoir d’achat qui a continué à croître durant les années Covid est avant tout soutenu par les transferts publics et il s’est stabilisé entre 2021 et 2023 avec l’épisode inflationniste. Enfin, depuis 2019, les revenus réels des indépendants ont fortement baissé, (-19 %), avec un effet particulièrement marqué sur la période 2022-2023 (-12 %), ce qui est particulièrement pénalisant pour ces professions qui travaillent souvent bien au-delà de 35 heures par semaines. Les revenus du travail, on le constate ne permettent plus de faire progresser le pouvoir d’achat, ce sont plutôt les revenus du patrimoine, et principalement la distribution des dividendes qui sont les gagnants en termes de pouvoir d’achat. On peut s’en réjouir, c’est aussi la résultante d’entreprises bien gérées et bien diversifiées à l’étranger, qui dégagent des bénéfices, permettant de rémunérer les actionnaires. Toutefois, il est fort dommage de constater que les travailleurs du secteur public, parapublic et les employés de PME/PMI n’en bénéficient pas, car ils ne disposent pas des mécanismes de participation existant dans les moyennes et grandes entreprises. Les taux de marges des PME/PMI qui sont légèrement au-dessus de 30% sont aussi plus faibles en France que dans les autres pays Européens et ne font pas bénéficier les salariés de ces entreprises de ces mécanismes de participation.

Le niveau de la dette publique a augmenté pendant le quinquennat de Macron, passant de 97% du PIB en 2017 à 113% en 2022. Cette augmentation est due en partie à la crise sanitaire et aux mesures de soutien mises en place par le gouvernement à cette époque, Elle est aussi due à l’incapacité du gouvernement d’engager une réforme profonde de l’état et notamment d’initier une déconcentration des pouvoirs avec la construction avec les élus locaux et régionaux de pactes « girondins ». Il est nécessaire de confier les services de l'emploi, les Agences Régionales de santé, la formation professionnelle et l’apprentissage aux régions avec des contrats d'objectifs. Seule cette réforme profonde de l’état, recentré sur ses fonctions régaliennes pourra créer des marges de manœuvre et nous permettre de baisser nos dépenses publiques de 4 à 5 points de PIB et de s’approcher de l’objectif de 50%. C’est le grand échec de ce gouvernement qui n’a pas su prendre en compte cette priorité et n’a pas eu le courage politique de mener cette réforme pour le bien du pays.

Les autres échecs demeurent, c’est le cas de notre commerce extérieur qui culmine à près de 100 milliards d’euros à la fin 2023, comme nous le disions précédemment, si nos entreprises ont perdu de leur compétitivité sur certains marchés étrangers, c’est en raison de coûts de production plus élevés que dans d'autres pays. Nous sommes aussi présents dans des secteurs où la concurrence est forte et les marges bénéficiaires sont assez faibles, comme l'automobile. Nous avons aussi un réseau de PME plus petites et moins exportatrices que d'autres pays, comme l'Allemagne ou l’Italie. Et ces problèmes persistent, malgré toutes les mesures prises par le gouvernement et son agence Business France, notamment dans le financement de programmes de promotion à l’étranger pour booster le commerce extérieur.

Cet échec du commerce extérieur est partiellement compensé par l’image plus positive de la France pour attirer des investisseurs étrangers. Le Président Macron n’a pas oublié son activité passée de banquier d’affaires et sa volonté de convaincre des grands patrons mondiaux d’investir en France, L’attractivité de la France s’est améliorée, l’augmentation des investissements directs étrangers aussi avec 1725 projets en 2023 et le 2ème écosystème Technologique en Europe, mais les freins persistent, comme la disponibilité du foncier et tout un tas de normes et d’autorisations qui prennent en moyenne 18 mois pour installer une usine. Nous verrons si la loi PACTE II s’attaque à ces freins et permet de réduire les délais d’implémentation de projets d’implantations industrielles et d’infrastructures d’énergies renouvelables pour décarboner notre économie ou si elle se heurte aux complexités de la technostructure française.

En somme, le bilan économique de la France sous la présidence d’Emmanuel Macron est mitigé, avec des avancées en matière de créations d’achat et d’attractivité, mais aussi des défis liés à la dette et au déficit commercial. Quant à la croissance, elle est en France alimentée en grande partie par la dette et notamment les investissements d’avenir et le Plan France 2030 qui va mobiliser plus de 54 milliards d’euros et qui s’ajoute au plan France Relance qui avait déjà mobilisé plus de 100 milliards d’euros en 2020. Nous verrons si ce sursaut en faveur des investissements d’avenir privilégié par la France est salutaire et permet de réussir la course à la transformation, même si elle creuse la dette pour les générations futures !

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Pierre Maurin est entrepreneur, Vice-Président des Centristes Paris et Membre du Comité Exécutif de Les-IDées.fr. Délégué Economie et Emploi Les Centristes Elu du 9ème arrondissement de Paris.

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