La récente étude menée par l’École Supérieure des Professions Immobilières (ESPI) pour l’UNAM, dévoilée le 28 novembre dernier, s’inscrit dans un contexte marqué par deux problématiques majeures : la raréfaction des sols constructibles et les difficultés rencontrées par les politiques nationales d’accompagnement du logement. Face à ces enjeux, l’étude souligne l’importance de connaître et de spatialiser précisément les besoins en logement pour adapter les réponses politiques et opérationnelles à la diversité des territoires français.
Immobilier : besoins de logement en France : une analyse territorialisée
En effet, suite à cette étude, il faudrait produire environ 400 000 logements par an pour répondre aux besoins des territoires d'ici 2030. Des cartes réalisées à l’échelle des communes montrent que les besoins en logement liés au desserrement des ménages (divorces, décohabitation) sont devenus prépondérants.
L'étude « Analyse des besoins en logement en France à l’horizon 2030 : méthode et résultats » réalisée par l'École Supérieure des Professions Immobilières (ESPI) pour l'Union Nationale des Aménageurs (UNAM) vise à répondre à l'inquiétude des professionnels de l'aménagement face à la réduction des droits de construire, malgré une demande persistante de logements. Elle apporte des données précises sur les zones présentant les besoins en construction les plus forts, dans un contexte où la loi Climat & Résilience et la doctrine "zéro artificialisation nette" imposent des défis supplémentaires, en exigeant la compensation des terrains construits par des processus de renaturation d'ici 2050.
Démontrer les besoins continus en logement en France
Pour reprendre les propos de l’ancien Ministre délégué chargé du Logement, Patrice Vergriete, selon lequel « les besoins en logement ne sont pas comparables selon que l’on est à Vesoul, Toulon ou Brest », le rapport de l'ESPI souligne l'importance de reconnaître l'hétérogénéité des besoins en logement en France, qui varient significativement d'une région à l'autre. Le rapport conteste l'idée que la demande de nouveaux logements diminuerait avec la stagnation démographique, montrant au contraire que les évolutions des modes de vie (comme les divorces, l'indépendance des jeunes, ou le vieillissement de la population) maintiennent une forte demande. Ainsi, il est estimé nécessaire de produire environ 400 000 logements par an jusqu'en 2030 pour répondre adéquatement à ces besoins et ceci par la mise en place de politiques de logement adaptées localement.
Une méthodologie appuyée sur le concept de « demande potentielle »
La méthodologie de l'ESPI s'appuie sur le concept de "demande potentielle" pour anticiper les besoins en logement et orienter les politiques publiques et projets immobiliers. Cette approche évalue les besoins en se basant sur les tendances actuelles de la démographie et du marché du logement, ce qui va bien au-delà de la simple croissance démographique. Il faut prendre simultanément en compte plusieurs facteurs dynamiques, dont l'évolution démographique, les résidences secondaires, les logements vacants, le renouvellement du parc immobilier et le desserrement des ménages. Ces éléments fournissent une vision globale des besoins en logement, en prenant en compte tant l'augmentation du nombre de ménages que les changements dans leur composition. Bien que cette méthode permette une analyse fine adaptée aux spécificités locales, elle est parfois limitée par la difficulté d'accès à des données détaillées, notamment sur le renouvellement du parc immobilier.
Une innovation : la prise en compte différenciée de la vacance du logement
L'étude introduit une innovation dans l'analyse de la vacance du logement en distinguant la vacance conjoncturelle, liée à la rotation normale du marché, de la vacance structurelle, due à des problèmes comme l'obsolescence ou la mauvaise localisation. Cette approche originale permet d'évaluer avec précision la demande réelle en logements et d'orienter les stratégies de développement et de rénovation. Alors que le taux national de vacance dépasse les 8%, avec plus de 3 millions de logements comptabilisés comme « vacants », seuls 400 000 logements vacants seraient potentiellement récupérables pour le marché principal, puisque le reste correspond à des logements en cours de vente ou de location, ou bien ne correspond pas aux besoins du marché. Ce levier est donc limité et ne permet de répondre que très partiellement aux besoins locaux.
Une autre exigence : intégrer la privation de logement et les populations hors-ménage
L'étude de l'ESPI innove également en intégrant, dans l’estimation des besoins, les personnes sans logement permanent. Contrairement à la demande potentielle, qui repose sur une estimation de flux annuels supplémentaires, la privation de logement consiste à résorber un déficit dans les stocks en logements, ce qui dépend du rythme choisi par les politiques publiques dans ce domaine. On identifie plus d'un million de personnes en situation de privation de logement (ex : sans domicile fixe, en hôtel ou en habitation de fortune, ou contraintes de se loger chez un tiers), équivalent à 690 000 logements manquants.
Enfin, l’étude considère les populations dites « hors-ménage », qui habitent dans des formes de logement en communauté (ex : cités universitaires, EHPAD). Cela représente 1,6 million de personnes, dont la croissance prévisible nécessitera encore 10 000 logements supplémentaires par an pour répondre à leurs besoins spécifiques.
En conclusion, le rapport de l'ESPI confirme un besoin constant de production de logements en France estimé à environ 400 000 unités annuelles, principalement dû au desserrement des ménages. L'étude se distingue par sa capacité à analyser les besoins en logement à toutes les échelles territoriales, offrant une vision précise des demandes locales et des types de logements nécessaires. Par anticipation d’une future décentralisation des politiques du logement, elle confirme ainsi l'importance de politiques de logement adaptées aux spécificités de chaque territoire pour répondre aux besoins des populations, dans le contexte d'une évolution des modes de vie et des contraintes environnementales.