La BCE n’avait certainement pas d’autre choix en termes de communication que d’augmenter son taux directeur principal de 50 points de base, à 3 %, conformément à ce qu’elle avait laissé augurer. Toute autre décision aurait remis en cause sa crédibilité.
La BCE droite dans ses bottes
L’inflation reste à des niveaux douloureusement élevés (elle devrait être confirmée en dernière estimation à 8,5 % sur un an en zone euro). Surtout, l’inflation sous-jacente (hors pétrole et alimentation qui permet de savoir si les pressions inflationnistes sont durables) ne montre pas de signe de baisse réelle. Face à une inflation en partie structurelle, la seule réponse est d’augmenter le loyer de l’argent. Pour apaiser les inquiétudes concernant le secteur bancaire (qui sont très nettement exagérées), la BCE a indiqué mettre à disposition du système financier des mesures de liquidité, si nécessaire (ce qui n’est pas encore le cas). On peut penser à la prolongation des opérations de refinancement à très long terme (TLTRO) qui permettent aux banques de se refinancer à bas coût et qui arrivent à échéance en juin prochain, par exemple. C’était la meilleure chose à faire.
Le (petit) bémol
Contrairement à ce qui avait prévalu jusqu’à présent, la BCE laisse planer le doute sur l’évolution à court terme de la politique monétaire. L’enjeu est surtout de savoir si elle va continuer sur un rythme de hausse des taux de 50 points de base ou plutôt réduire l’amplitude à 25 points de base. L’absence d’indication à cet égard s’explique par la complexification inédite de l’environnement économique. La croissance a calé au quatrième trimestre 2022 (contraction de l’activité en zone euro), l’inflation ne diminue pas suffisamment vite, les marchés financiers sont très volatils et les conditions financières se sont dégradées ces derniers jours. Avancer dans le smog ne peut se faire qu’à petits pas. La BCE réitère être data-dependent, c’est-à-dire ajuster sa politique monétaire en fonction des indicateurs économiques qui vont être publiés (enquêtes d’opinion, inflation, indicateurs d’activité PMI etc.). Le forward guidance (communication précise des banques centrales sur leurs intentions) qui est né en 2008 est mort. C’était un attribut essentiel de la politique monétaire ces dernières années afin de canaliser au mieux les attentes des marchés. Etant donné le contexte, il était difficile de faire autrement.
La réaction de l’EUR/USD
L’EUR/USD a connu une volatilité inhabituellement élevée ces dernières séances (range de fluctuations de 210 points pour la seule séance d’hier !). Les craintes sur le secteur bancaire ont été le détonateur. Mais, plus fondamentalement, la baisse de l’euro lors de la séance d’hier (-1,43 %) s’explique par un positionnement extrême des opérateurs de marché. Lorsqu’il y a une telle configuration à l’achat ou à la vente sur un actif, le moindre événement inattendu (le détonateur que nous avons évoqué) peut entraîner d’importants débouclages de positions et donc un bond de la volatilité. S’ensuit une phase de rebond généralement. C’est justement ce qu’on observe aujourd’hui puisque l’EUR/USD est en légère hausse (+0,26 %). A court terme, l’évolution de la paire va fortement dépendre de l’issue de la réunion de la Réserve Fédérale américaine de mercredi prochain (hausse du taux directeur prévue entre 25 et 50 points de base). La volatilité ne devrait donc pas disparaître du jour au lendemain sur la paire.
Prochain rendez-vous de la BCE : 4 mai 2023 (pas de réunion de politique monétaire en avril)
Notre prévision : maintien du rythme de hausse des taux à 50 points de base.