Baisse des taux de la BCE : quelles conséquences pour les épargnants ?

Du 27 juillet 2022 au 20 septembre 2023, à dix reprises, la Banque Centrale Européenne a relevé ses taux directeurs, les portant de -0,5/0,75 à 4/4,75 %. Cette hausse a été réalisée afin d’endiguer la vague inflationniste générée par la crise sanitaire et par la guerre en Ukraine.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Philippe Crevel Publié le 6 juin 2024 à 4h30
baisse, taux, directeurs, bce
baisse, taux, directeurs, bce - © Economie Matin
4%Les taux des crédits immobiliers sont tombés sous la barre des 4%.

Le taux d’inflation en rythme annuel était passé, en zone euro, de 0,9 %, au mois de janvier 2021, à 10,6 % au mois d’octobre 2022. Au mois de mai, le taux d’inflation était revenu à 2,6 % et l’inflation sous-jacente à 2,9 %. Malgré un léger regain d’inflation au mois de mai, ce dernier ne devrait pas conduire à un report de la décision de la baisse des taux directeurs. La Banque Centrale Européenne devrait, en revanche, procéder à une baisse modérée ses taux (-0,25 à -0,5 point).

Quelles conséquences ?

La baisse des taux directeurs a été largement anticipée par les investisseurs et par les établissements financiers.

Pour les emprunteurs

Les taux des crédits immobiliers sont orientés, depuis plusieurs mois, à la baisse. Les taux des nouveaux crédits à l’habitat pour les ménages sont passés de 4,2 à 3,9 % du mois de janvier à mars (source Banque de France). Le taux moyen du marché des crédits à 10 ans est passé, du 31 décembre 2023 au 31 mai 2024, de 3,9 à 3,65 % (source Empruntis).

Dans les prochains mois, en fonction des annonces du Comité de politique monétaire de la BCE, ce mouvement de baisse devrait se poursuivre. Avec des taux directeurs pouvant revenir dans la fourchette 3,25/4 %, les taux de crédits pourraient revenir autour de 3,2 % (3 % pour les crédits à 10 ans).

Cette baisse des taux de crédits devrait favoriser une reprise du marché immobilier au cours du second semestre, avec une augmentation du nombre de transactions et une stabilisation des prix.

Pour les entreprises, cette baisse des taux est également une bonne nouvelle. Elle pourrait les inciter à accroître leur effort d’investissement.

Pour les épargnants

La baisse des taux d’intérêt n’aura pas de conséquence sur la rémunération du Livret A et du Livret de Développement et Solidaire, bloquée à 3 % jusqu’au 1er février 2025.

Le taux du Livret d’Épargne Populaire (LEP) est, en revanche, amené à baisser, non pas en raison des taux d’intérêt mais de l’inflation. Le taux du LEP est le taux plus élevé entre celui de l’inflation des six derniers mois et celui du Livret A majoré de 0,5 point. Compte tenu de la baisse de l’inflation, c’est ce second taux qui pourrait s’appliquer, sachant que le gouvernement peut en retenir un autre. L’application de la formule pourrait conduire à passer le taux du LEP de 5 à 3,5 %. Le gouvernement pourrait choisir un taux intermédiaire, de 3,75 ou 4 %. Il convient de souligner que le LEP a renoué avec une collecte nette négative en avril (-270 millions d’euros).

Pour les produits d’épargne réagissant directement aux fluctuations des taux des marchés monétaires, comme les contrats à terme ou les SICAV monétaires, leur rémunération s’est stabilisée au cours du premier trimestre 2024. Elle est en baisse légère depuis. Avec la diminution des taux directeurs, le taux des contrats à terme de moins de deux ans devrait passer de 3,8 % à 3 %, entre mars et décembre 2024. La collecte des dépôts à terme est en baisse depuis le début de l’année, après avoir battu des records en 2023. La rémunération des livrets bancaires ordinaires, qui est restée faible depuis deux ans, autour de 0,9 %, ne devrait pas évoluer fortement.

L’assurance vie devrait être le placement gagnant de la baisse des taux directeurs. Les fonds euros de l’assurance vie dépendent davantage des taux longs, ceux pratiqués notamment pour les obligations d’État, que des taux des marchés monétaires. Dans les années 2010, les taux longs avaient baissé, en raison des politiques de rachats d’obligations menées par les banques centrales. Celles-ci n’ayant pas l’intention de procéder à de tels rachats, la hiérarchie des taux devrait être mieux respectée. En outre, les besoins de financement, en particulier ceux des États, étant importants, les taux longs devraient rester soutenus. Avec la baisse de l’inflation, les ménages devraient réorienter une partie de leur épargne de précaution vers des placements de long terme.

Depuis 2020, ils ont privilégié les placements liquides, par crainte de l’avenir. La hausse du taux du Livret A, à partir de 2022, a accentué cette préférence. Depuis le début de l’année 2024, une inflexion est constatée. La collecte de l’assurance vie est en forte hausse. Sur les quatre premiers mois de l’année, la collecte nette dépasse 12,6 milliards d’euros contre 8,3 milliards d’euros pour la même période de 2023.

Dans le même temps, celle du Livet A se normalise (7,5 milliards d’euros de janvier à avril 2024 contre 22 milliards d’euros sur la même période en 2023). Les fonds euros qui étaient en décollecte nette depuis novembre 2021 ont affiché, en mars et avril, une collecte nette positive. Les assureurs, voulant profiter de l’embellie obligataire, proposent des taux bonifiés pour attirer les épargnants. Dans ce contexte, le rendement des fonds euros devrait se situer autour de 3 % en 2024.

Pour les actions, les investisseurs ont largement anticipé la baisse des taux directeurs, ce qui a conduit les indices à battre des records en avril et en mai, aidés, par ailleurs, par la bonne tenue des résultats des entreprises. Le mouvement d’appréciation pourrait se poursuivre dans le cours de l’année, mais à un rythme moins soutenu.

La baisse des taux directeurs constitue une bonne nouvelle pour les emprunteurs et également pour les épargnants qui optent pour les placements longs.

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Depuis 2004, Philippe Crevel occupe les fonctions de Secrétaire général du Cercle des Epargnants, un think tank consacré à l'épargne et à la retraite. Il est également conseiller auprès de la direction générale de Generali depuis 2007. Il est le représentant de Generali au sein de la Commission « développement durable » de l'Association Française de l'Assurance (AFA) qui réunit les assureurs et les mutualistes. Membre du comité scientifique du Fonds GIS Future, Fonds ESG de Generali Investments, Philippe Crevel est administrateur de la Mutuelle de l'Ile de la Cité.

Aucun commentaire à «Baisse des taux de la BCE : quelles conséquences pour les épargnants ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis