Aux élections européennes, les buralistes font entendre leurs voix

À l’approche des élections européennes, la Confédération des buralistes a rendu public un Livre blanc à destination des candidats. La filière, qui représente 80 000 emplois, 23 000 points de vente et près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, veut faire entendre sa voix face au fléau du commerce parallèle. Au programme : fiscalité, traçabilité et contrôle des approvisionnements nationaux.

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Par Rédacteur Publié le 1 juin 2024 à 8h00
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5 MILLIARDS €Les marchés parallèles du tabac font perdre 5 milliards d'euros à l'Etat.

Dans les coulisses de la Commission européenne et loin de l’attention médiatique, des débats agitent les parlementaires et hauts fonctionnaires européens. La révision des deux directives de référence sur les produits et la fiscalité du tabac devrait ainsi se jouer dans les mois à venir. Un sujet hautement sensible, l’UE s’étant fixé l’objectif d’une « Génération Sans Tabac » à compter de 2040. Les conclusions des buralistes rejoignent, peu ou prou, celles d’un autre livre blanc sur le tabac, cette fois publié par plusieurs eurodéputés, dont Anne-Sophie Pelletier, ainsi que des experts de la lutte contre le tabac.

Limiter le commerce transfrontalier

Parmi les principaux objectifs portés à la fois par le gouvernement et les buralistes français : l’harmonisation de la fiscalité à l’échelle européenne d’une part et la limitation des approvisionnements des marchés nationaux « aux stricts besoins de la consommation locale ». Ces mesures sont, selon les principaux connaisseurs du secteur, deux des principaux freins au commerce parallèle transfrontalier. Un fléau largement alimenté par les industriels du tabac, qui abondent les pays limitrophes de la France pour encourager les Français à aller se fournir chez les voisins. « Les fabricants de tabac surapprovisionnent les vendeurs de tabac des pays limitrophes de la France : Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne et Andorre, pour alimenter les fumeurs des pays à fiscalité plus forte », expliquaient, il y’a quelques mois, plusieurs parlementaires français à l’origine d’une proposition de loi pour « empêcher les cigarettiers d’alimenter le commerce parallèle ». Cette proposition de loi, dite « Loi Valletoux » du nom du député devenu ministre de la Santé qui en est à l’origine, est largement soutenue par les buralistes. Le cas du Luxembourg, qui reçoit plus de 3 milliards de cigarettes par an de la part des industriels, alors que 600 millions seraient nécessaires pour la population locale, est particulièrement révélateur.

Autre demande centrale, l’abaissement du seuil de 4 cartouches à une seule pour les achats transfrontaliers. Ce seuil, en vigueur jusqu’en mars dernier, a été supprimé en raison des franchises dans la « directive sur les droits d’accises ». Cheval de bataille des cigarettiers, ce texte a permis de faire sauter la limite que les autorités françaises avaient souhaité imposer pour limiter cet afflux incontrôlé de tabac en provenance des États frontaliers. La suppression de ce seuil avait alors ému les spécialistes de la santé publique. « Le cancer du fumeur coûtera moins cher dans les régions frontalières » tempêtait récemment le Professeur Dautzenberg, l’un des principaux spécialistes français de la lutte contre le tabagisme, sur les réseaux sociaux.

La Confédération des buralistes veut « éliminer toutes formes de commerce illicite »

Si, en France, le nombre de débits de tabac suit une tendance baissière, de l’autre côté des frontières, des multicartouches et des paquets de plusieurs kilos de tabac sont en vente pour attirer les fumeurs français. Une réalité qui pousse les buralistes à exiger, non seulement des ventes proportionnées, mais encore une traçabilité des produits du tabac indépendante, un autre point sensible aujourd’hui en débat. La Confédération des buralistes exige ainsi de l’Union européenne de « faire adopter un système de traçage ». Comment ? En alignant les règles européennes sur le Protocole de l’OMS « visant à éliminer toutes les formes de commerce illicite », adopté en 2012, signé et ratifié par la France, mais aussi par l’Union européenne. Il exige, entre autres, l’adoption d’un système de traçabilité totalement indépendant des industriels du tabac.

Ce qui est, selon plusieurs observateurs, loin d’être le cas aujourd’hui du système européen confié à Dentsu Tracking. « À l’origine, Codentify (le nom de ce système, ndlr) a été développé par Philip Morris International (PMI), et concédé gratuitement sous licence à ses concurrents. De cette façon, l’outil de contrôle du commerce illicite est confié aux cigarettiers, alors que l’industrie du tabac a été condamnée à plusieurs reprises pour l’avoir elle-même organisé ou facilité », souligne le Comité national contre le tabagisme.

Mise en place d’un cadre réglementaire commun pour les produits alternatifs du tabac

Sur des sujets plus annexes, la Confédération des buralistes réclame la mise en place d’un cadre européen commun pour la vente réglementée et contrôlée du CBD, mais aussi pour les autres produits alternatifs, comme la vapoteuse ou le tabac chauffé, visant à accompagner l’arrêt du tabac. Enfin, les buralistes exigent logiquement l’interdiction de toute forme de vente en ligne de tous les produits du tabac, mais aussi du vapotage.

Le commerce parallèle représente, pour le gouvernement français, une perte colossale chaque année. Selon les données d’un rapport parlementaire rendu public en 2021, elles seraient ainsi de 2,5 à 3 milliards d'euros pour le fisc français, mais aussi de 2 à 2,4 milliards d’euros pour la Sécurité sociale et presque 600 millions d’euros en TVA non recouvrée. Une manne de près de 6 milliards d’euros qui, chaque année, ne rentre pas dans les caisses de l’Etat.

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