Le réseau autoroutier français, bien que globalement en bon état selon l’Autorité de régulation des transports (ART), se prépare à affronter une nouvelle période complexe : la remise en état massive des infrastructures avant la fin des contrats de concession, prévue entre 2031 et 2036.
Autoroutes : il faut plus de 10 milliards pour les remettre en état
Le modèle concessif, qui repose sur un système où « l’usager est le payeur », est décrit par l’ART comme efficace. Cependant, il est aujourd’hui mis à l’épreuve par la complexité des obligations contractuelles et l’urgence des besoins d’investissement. Les sociétés concessionnaires, parmi lesquelles Vinci, Abertis et Eiffage, devront consacrer des ressources considérables pour honorer leurs engagements. Selon l’ART, il faudrait investir plus de 10 milliards d’euros dans le réseau autoroutier français.
Des travaux sur les autoroutes pour plus de 10 milliards d’euros
Le montant de 10,3 milliards d’euros avancé par l’ART englobe plusieurs aspects essentiels de la remise en état du réseau autoroutier. En premier lieu, les chaussées et les ouvrages d’art, qui bien qu’en bon état relatif par rapport au réseau non concédé, nécessitent des travaux préventifs et correctifs pour garantir leur durabilité. Ces travaux sont évalués à environ 1,2 milliard d’euros. Il s’agit d’interventions de sécurité, pour l’essentiel, pour éviter que des dégradations mineures ne se transforment en problèmes structurels coûteux et dangereux.
À cela s’ajoutent des investissements destinés à respecter des engagements pris dans les contrats de concession mais qui n’ont jamais été réalisés. Par exemple, certains tronçons devaient passer de deux à trois voies pour fluidifier le trafic, mais ces élargissements ont été reportés, voire annulés. L’ART estime que le coût de ces travaux, en fonction des interprétations, pourrait varier entre 0,4 et 5,1 milliards d’euros. L’autorité recommande que la fourchette haute soit retenue, car elle serait plus favorable aux usagers.
Autoroutes : des responsabilités floues entre l’État et les concessionnaires
L’un des enjeux majeurs soulevés par l’ART concerne la définition des obligations des concessionnaires à l’approche de la fin des contrats. Les termes actuels des contrats sont jugés « incomplets » et « ambigus », ce qui laisse une marge d’interprétation considérable sur ce que chaque partie doit assumer. Par exemple, la notion de « bon état » au moment de la restitution des infrastructures n’est pas précisément définie. Cela pourrait conduire à des différends entre l’État et les sociétés concessionnaires, ces dernières cherchant potentiellement à minimiser les travaux pour réduire leurs coûts.
Pour éviter de tels litiges, l’ART appelle à une clarification urgente des responsabilités. L’État doit notifier un programme d’entretien détaillé aux concessionnaires au moins sept ans avant la fin des contrats. Ces derniers seraient alors tenus de le mettre en œuvre durant les cinq dernières années de la concession.
Les implications pour les usagers et le financement des travaux
Le financement des travaux repose en grande partie sur les péages payés par les automobilistes. Ce modèle, bien qu’efficace, est régulièrement critiqué pour son impact sur les usagers. Les péages français figurent parmi les plus élevés d’Europe, et leur augmentation prévue de 0,92 % en 2025 pourrait accentuer ce fardeau financier. Les critiques dénoncent une double peine pour les automobilistes : payer des tarifs élevés tout en finançant, par ces mêmes péages, des travaux qui auraient dû être anticipés.
Cependant, l’ART souligne que les revenus tirés des péages permettent d’assurer un entretien de qualité et de financer les investissements nécessaires. Par ailleurs, une partie de ces fonds pourrait être réaffectée à des projets favorisant la mobilité durable, tels que le développement d’aires de covoiturage. Cette réorientation des priorités reflète une volonté de répondre aux défis environnementaux tout en modernisant le réseau.
Néanmoins, la perspective d’une baisse des péages à l’expiration des contrats reste incertaine. L’ART met en garde contre un « appel d’air » qui pourrait détourner les usagers du rail vers la route, au détriment de la transition écologique. Une solution pourrait être de canaliser une partie des revenus autoroutiers vers le financement du transport ferroviaire, renforçant ainsi la complémentarité entre les modes de transport.
Une transition complexe pour l’avenir des concessions autoroutières
L’échéance des concessions, qui concernent plus de 90 % du réseau concédé, marque un tournant historique pour la gestion des autoroutes françaises. Les contrats actuels, dont la durée varie de 65 à 74 ans après plusieurs prolongations, sont critiqués pour leur longueur excessive. L’ART recommande de réduire ces durées à des périodes plus courtes, de 15 à 20 ans, afin de favoriser une meilleure régulation et une concurrence accrue.
Cette transition nécessitera également une réflexion approfondie sur le modèle concessif lui-même. Si ce système a permis de maintenir des infrastructures de qualité, il a aussi entraîné des tensions entre rentabilité économique et accessibilité pour les usagers. À l’approche de la fin des contrats, le risque de sous-investissement de la part des concessionnaires est réel, ces derniers pouvant être tentés de limiter leurs dépenses pour maximiser leurs bénéfices avant de restituer les autoroutes à l’État.