Deux des plus importants constructeurs automobiles de Chine, Dongfeng Motor et Changan Automobile, pourraient bientôt ne former qu’un seul groupe. En Chine comme ailleurs, l’annonce de cette potentielle fusion fait l’effet d’un tremblement de terre dans l’industrie automobile.
Automobile : la Chine prépare le nouveau géant

Le 2 avril 2025, le New York Times révélait que deux géants publics de l’industrie automobile en Chine, Dongfeng et Changan, ont entamé des discussions avancées en vue d’une fusion. Si elle se concrétise, cette union placerait la nouvelle entité parmi les plus puissants constructeurs mondiaux avec un volume annuel de près de cinq millions de véhicules, un niveau comparable à celui de General Motors ou Stellantis. Derrière cette consolidation, c’est toute une stratégie industrielle chinoise qui se déploie, visant à renforcer l’autonomie technologique du pays et à réduire sa dépendance aux partenaires étrangers.
Une fusion industrielle née de l’urgence stratégique en Chine
Cette initiative s’inscrit dans un contexte où la Chine incite ses champions publics à s’unir pour affronter les mutations du marché. Dongfeng, longtemps associé à Renault, Nissan ou Hyundai, et Changan, partenaire de Ford depuis plus de vingt ans, font tous deux face à une pression structurelle croissante. Leurs résultats reposent encore fortement sur des coentreprises avec des marques étrangères. Mais cette dépendance est de plus en plus problématique à l’heure où la transition vers l’électrique s’accélère, et où les acteurs privés comme BYD, Xpeng ou Nio gagnent du terrain.
D’après Le Figaro, « les deux entreprises disposent de capacités de production de voitures à essence bien supérieures à la demande ». Le gouvernement espère que la fusion permettra de fermer ces installations devenues excessives, tout en libérant des ressources pour accélérer le développement des gammes électriques.
Un nouveau géant chinois face aux titans mondiaux de l’automobile
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Changan a produit 2,45 millions de véhicules en 2024, contre 2,25 millions pour Dongfeng. Ensemble, ils atteindraient un volume théorique de 4,7 millions d’unités par an. Cela les placerait devant BYD (4,27 millions) et SAIC (4,04 millions), deux références en Chine, et juste derrière les mastodontes comme Toyota (10,16 millions), Volkswagen (9,03 millions) ou Hyundai (7,23 millions).
L’objectif est limpide : gagner en compétitivité via une mutualisation des plateformes, des outils industriels, des achats et des savoir-faire. La nouvelle entité viserait ainsi la sixième place mondiale, en s’affranchissant progressivement des alliances internationales devenues moins stratégiques.
La stratégie de la Chine pour renforcer sa présence en Europe
Au-delà du marché intérieur, cette opération s’inscrit aussi dans une dynamique offensive vers l’Europe. Changan projette d’introduire le Deepal S07, un SUV électrique conçu avec Huawei, tandis que Dongfeng mise sur sa gamme Voyah ou encore la citadine low cost Nammi Box pour séduire les consommateurs européens.
Ces ambitions s’appuient sur une montée en gamme progressive et une stratégie de réduction des coûts via des plateformes communes. Mais si l’objectif est clair, renforcer la compétitivité face aux marques occidentales, la bataille sera rude. L’Union européenne surveille déjà les initiatives en Chine de près, notamment sous l’angle du protectionnisme et des normes environnementales.
Une dimension géopolitique que l’Occident ne peut ignorer
L’aspect purement industriel ne suffit pas à expliquer les enjeux de cette fusion. Comme le souligne The New York Times, Dongfeng est un fournisseur majeur de véhicules militaires pour l’Armée populaire de libération, tandis que Changan est une filiale d’un sous-traitant militaire chinois. La fusion pourrait ainsi engendrer un conglomérat difficile à ignorer d’un point de vue géopolitique, notamment pour les États-Unis, où les liens industriels avec des entreprises liées à la défense chinoise sont de plus en plus scrutés.
Des interrogations se posent déjà sur les implications de cette alliance sur les anciennes coentreprises avec des marques occidentales. Certaines pourraient être révisées ou cesser d’exister si la nouvelle entité choisit de privilégier ses propres marques et technologies.