Audiences radio : pourquoi France Inter est l’éternel premier (avec tout le service public ?)

Médiamétrie, qui analyse et enregistre les audiences des radios et télévisions françaises, a publié le 11 janvier 2024 les audiences des radios de France pour la période novembre-décembre 2023. France Inter a une nouvelle fois été sacrée première radio de France. Mais pourquoi est-ce qu’elle arrive toujours en première place ?

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 17 janvier 2024 à 20h53
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radio, france, médiamétrie, france inter, rmc, rtl, audiences - © Economie Matin
13,7%France Inter détient une part d'audience de 13,7%.

France Inter : première radio de France

« Avec 6 935 000 auditeurs (+84.000 en un an), soit une audience cumulée (AC) de 12,5% (+0,1 pt) et une part d’audience (PDA) de 13,7%, France Inter confirme sa place de 1re radio de France. » Dans un article publié à la suite des résultats de Médiamétrie, Radio France, groupe dont fait partie France Inter, se félicite du nouveau succès.

Il faut dire que France Inter est largement devant ses concurrentes. Deuxième au classement, RTL, avec 11,4% de PDA, suivie de RMC (6,2% de PDA) qui clôt le Top 3 des radios françaises. Mais est-ce que le classement de Médiamétrie est juste ? En fait, il y a une particularité qui fait que France Inter arrive toujours en première place.

La question des émetteurs radio : toutes les stations n’ont pas la même couverture

Pour écouter la radio, il faut que le signal arrive à l’appareil. Ça paraît logique, mais ça a des implications majeures concernant les parts d’audience. Car toutes les radios ne sont pas émises par tous les émetteurs disponibles sur le territoire français.

Selon le CSA, qui a publié en 2021 un rapport sur les émetteurs de Radio France, pas moins de 2.423 émetteurs diffusent les stations du groupe public. France Inter, à elle seule, bénéficie de 630 émetteurs (au 31 décembre 2020) contre, par exemple, 466 émetteurs pour France Bleu, 500 émetteurs pour France Musique ou encore 31 émetteurs pour Mouv’.

Le nombre d’émetteurs influence directement la part de la population française couverte par les ondes radio de chaque station. Ainsi, France Inter couvrait 62,7 millions d’habitants, sur un peu plus de 67 millions de Français. La différence est notable avec le Mouv’ qui, de son côté, ne couvrait que 25,1 millions d’habitants. Or, plus le nombre d’habitants qui peut écouter une station est élevé, plus les chances d’avoir une PDA importante augmentent.

RTL, deuxième radio de France, ne dispose de son côté que de 270 émetteurs qui ne lui permettent de couvrir qu’un peu plus de 50,4 millions de Français, selon les données de 2019.

Combien de Français écoutent France Inter ? RTL ?

Grâce aux données de Médiamétrie, on peut découvrir qu’en France, 38,723 millions de personnes ont écouté la radio en novembre-décembre 2023, nombre par ailleurs en baisse par rapport aux 39,347 millions de la période novembre-décembre 2022.

Pas moins de 6.935 millions de Français ont écouté France Inter, contre 5,366 millions pour RTL et 3,184 millions pour RMC. Là aussi, France Inter arrive à la première place du classement, avec 1,5 million d’auditeurs de plus que la numéro deux.

Et si RTL avait autant d’émetteurs que France Inter ?

Grâce à son nombre d’émetteurs près de trois fois supérieur à celui de sa rivale RTL, France Inter semble logiquement avantagée : la station est captée par plus de 10 millions de Français de plus. Mais une simple règle de trois permet d’harmoniser les audiences.

Si France Inter est écoutée par 6,935 millions de Français grâce à 690 émetteurs, alors chaque émetteur offre à France Inter environ 10.000 auditeurs (10.050 très précisément). Le même calcul pour RTL et ses 270 émetteurs donne plus de 11.000 auditeurs par émetteur (11.790 très précisément). Et là, le classement s’inverse.

Si RTL disposait du même nombre d’émetteurs que France Inter, alors, en conservant la comparaison, la station serait écoutée par 8,135 millions de Français. Et serait, de fait, numéro 1 de France.

L’autre avantage de France Inter : l’absence de publicité

Mais ce n’est pas tout. Outre un nombre d’émetteurs supérieur à toute la concurrence, France Inter a un autre avantage : la publicité, ou plutôt son absence. Financée par l’État en tant que service public, France Inter (comme FranceInfo et France Bleu) peuvent diffuser des publicités. Mais pas beaucoup. « Sur la tranche 7h/9h, la publicité ne peut pas ainsi excéder 3 minutes en moyenne annuelle par jour. La durée moyenne maximale par jour et par chaîne est limitée à 17 minutes calculée pour chaque trimestre. Il existe par ailleurs un plafond maximal quotidien de diffusion de publicité établi à 30 minutes par chaîne », peut-on lire sur le site de Radio France.

Or, on le sait : la publicité, personne n’aime vraiment ça. Et on a tous changé de chaîne de télévision ou de station de radio lorsque la durée des spots publicitaires commençait à être trop longue. Grâce au financement public, les stations de Radio France, et donc France Inter, n’ont pas ce problème. Contrairement à RTL qui, comme toute radio privée, doit se rémunérer avec de la publicité qui peut faire fuir l’auditeur. À une heure de grande écoute, une radio ou une télévision privée peut consacrer 15 minutes, voire plus par heure à la publicité !! On est loin, très loin des 3 minutes maximum par heure de France Inter... et ça aussi, évidemment rend la comparaison entre radios privées et radios publiques absurde, ou en tout cas, fondamentalement biaisée...

Si l'on ajoute le fait évident que disposer d'une fréquence, le fameux 87,9, qui se trouve être au tout début de la bande FM, première station sur laquelle les postes analogiques autrefois, numériques aujourd'hui, se synchronisent... on comprend aisément que la première place de France Inter n'est pas seulement une question de qualité (indéniable) du travail des journalistes et équipes techniques de cette radio de service public, mais aussi la conséquence de choix assumés de longue date de la part de l'État...

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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