Tandis que les coûts climatiques explosent, de nombreux assureurs continuent paradoxalement de soutenir le développement des énergies fossiles. Face à ce dilemme, experts et ONG appellent à des réformes urgentes pour garantir un avenir assurable et durable.
Réchauffement climatique : la faute aux assureurs ?
Assurance : de plus en plus de « pertes climatiques » au sein des pertes assurées
La crise climatique a imposé au secteur de l'assurance une facture sans précédent : plus de 600 milliards de dollars de pertes assurées sur deux décennies, directement attribuées au changement climatique. Les catastrophes naturelles, devenues plus fréquentes et intenses, mettent à mal la capacité des assureurs à couvrir les risques. En 2022, sur 132 milliards de pertes assurées liées à des évènements météorologiques, 52 milliards étaient attribuables au changement climatique. La part des « pertes climatiques » sur l’ensemble des pertes assurées a bondi de 31% à 38% en dix ans, un rythme qui dépasse la croissance globale des pertes assurées.
Pourtant, une contradiction fondamentale persiste : alors que les assureurs alertent sur les risques climatiques, ils continuent de soutenir l’expansion des énergies fossiles, dénonce l'ONG Insure Our Future dans un nouveau rapport. En 2023, les pertes climatiques pour 28 des plus grands assureurs ont presque égalé les primes collectées pour couvrir les projets fossiles (10,6 milliards contre 11,3 milliards). Cette politique maintient un modèle insoutenable où la profession contribue à aggraver les risques qu'elle elle-même assure. Selon Ariel le Bourdonnec, de l’ONG Reclaim Finance (ONG adhérente à Insure Our Future), ce double jeu « alimente le problème tout en augmentant les coûts pour les assurés, voire en les excluant ». Ce paradoxe met en péril la viabilité à long terme du secteur et amplifie les inégalités, notamment dans les régions déjà vulnérables.
L’urgence de réformes : un appel à la régulation et à la transition énergétique
Face à ces défis, les experts appellent à une transformation profonde des pratiques. Les régulateurs, à l’instar de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, proposent d’imposer des charges en capitaux plus élevées pour les actifs fossiles afin de refléter leur risque accru. La Commission européenne est invitée à aller plus loin en interdisant l’assurance de nouveaux projets pétroliers, gaziers et de gaz naturel liquéfié (GNL). Des initiatives existent déjà : l’assureur Generali, par exemple, s'est engagé à ne pas accroître son exposition à l'industrie pétro-gazière..
Parallèlement, la transition vers les énergies renouvelables reste freinée par un déficit d’assurances. En 2023, les primes d’assurance pour les énergies renouvelables représentaient moins de 30% de celles des fossiles, un goulot d’étranglement potentiel pour un secteur qui doit mobiliser 10.000 milliards de dollars d’ici 2030. Les experts insistent sur l’urgence d’élargir les capacités d’assurance pour les renouvelables tout en intégrant des normes strictes, notamment sur les droits humains. Cette transition est également perçue comme un levier essentiel pour restaurer l’équilibre entre coûts et bénéfices pour les communautés les plus exposées.
Les années à venir seront décisives pour l'industrie de l'assurance, qui doit choisir entre accélérer la transition énergétique ou risquer une « insolvabilité planétaire ». La pression monte sur les assureurs pour qu’ils abandonnent les projets fossiles et soutiennent une transition juste, au risque de voir leur rôle sociétal et économique se déliter.