Confrontés à une augmentation généralisée de leurs charges et de leurs niveaux de remboursements, les assureurs n’ont d’autre choix que de répercuter ces hausses sur leurs clients. Un renchérissement des primes vécu, sur le terrain, comme un mal nécessaire par certains agents généraux, qui n’ont pas le pouvoir d’infléchir cette spirale inflationniste.
Assurances et mutuelles : pourquoi 2024 ne signera pas la fin de l’inflation
Après l'essence, le gaz, l'électricité, les denrées alimentaires et la plupart des biens et services de première nécessité, la spirale inflationniste amorcée à la suite de la guerre en Ukraine devrait bel et bien se répercuter sur le prix des assurances, mutuelles et autres complémentaires santé. En effet, alors que s'achève une année 2023 placée sous le sceau de la vie chère, les assureurs, toutes familles (mutualistes, « capitalistes », etc.) et catégories (santé, habitation, auto...) confondues, annoncent eux aussi des hausses de tarifs pour l'année 2024. Tour d’horizon de ces augmentations de cotisations aussi redoutées qu’inévitables.
Complémentaires santé : assureurs et mutuelles contraints d’augmenter leurs primes
« Bonne année, et bonne santé surtout ». Des vœux qui, à l'heure du champagne et des cotillons, auront cet hiver une saveur peut-être plus amère que d’habitude. En 2024, les tarifs des complémentaires santé devraient, selon le spécialiste du secteur Addactis, enregistrer une hausse comprise, pour les contrats individuels, entre 9% et 11%, et entre 8% et 12,5% pour les contrats souscrits, collectivement, par les entreprises en faveur de leurs salariés. Aussi spectaculaire que généralisée, cette augmentation des tarifs des complémentaires santé s'inscrit néanmoins dans une trajectoire haussière au long cours ; surtout, elle répond en écho à l’explosion des dépenses de ces mêmes organismes.
Nul appât du gain à suspecter a priori. Les raisons invoquées par les mutuelles, assureurs et autres institutions de prévoyance sont, en effet, très majoritairement exogènes. A commencer par la hausse, ininterrompue, du niveau des remboursements que les acteurs du secteur consentent au profit de leurs assurés : alors que les hausses plafonnent traditionnellement entre +2% et +3% par an, celles-ci pourraient atteindre +7% à la fin de l'exercice 2023, d'après Malakoff Humanis, l'un des poids lourds du secteur. « On n'a jamais vu ça », concède auprès de la rédaction de La Tribune un haut cadre du groupe, qui anticipe 1,5 milliard d'euros de dépenses supplémentaires à financer au cours de l'année prochaine.
Comment expliquer une telle hausse des remboursements ? Les complémentaires pointent du doigt l'Assurance maladie qui, depuis la réforme dite du « 100% Santé », a transféré une partie de ses charges aux acteurs privés. Optique, dentaire, audiologie... : depuis le 15 octobre, la Sécu rembourse moins ces divers postes, dont le reliquat, évalué à 500 millions d'euros, repose donc sur les épaules des mutuelles et assureurs. Ultime raison invoquée par ces derniers : la revalorisation des tarifs des médecins qui, en vigueur depuis le 1er novembre, devrait alourdir de 100 millions d'euros supplémentaires l’ardoise des complémentaires santé. Et donc, en bout de chaîne, celle des assurés eux-mêmes.
Auto, habitation… : les tarifs flambent aussi
Le secteur assurantiel n’est pas en reste. De quoi faire grincer quelques dents, y compris du côté... des réseaux d’agents généraux. Le représentant d’un des principaux réseaux français partage son inquiétude que l’augmentation des primes d’assurance ne soit pas comprise des Français, dans un contexte où beaucoup se serrent déjà la ceinture. Tout en mettant en avant le caractère inéluctable de certaines majorations, il confie : « Nous nous trouvons en première ligne. Et si nous sommes forcément solidaires des choix tarifaires opérés par la compagnie, notre souci, c’est surtout qu’on puisse penser que nous en serions les seuls décisionnaires et que cette augmentation nous profiterait largement ! Ce raccourci est doublement faux. »
Car le cercle inflationniste, loin de se cantonner au seul secteur de la santé, devrait l’année prochaine affecter l’ensemble des garanties couvertes par les assureurs, à commencer par les sacro-saintes assurances auto et habitation.
Pour des raisons à la fois proches et distinctes de celles qui justifient l’augmentation des cotisations santé, les tarifs des assurances auto devraient donc, eux aussi, flamber en 2024. Moins spectaculaire qu’en ce qui concerne la santé, l’augmentation devrait être, selon les prévisionnistes, contenue entre 3,5 % et 5 %. Suffisante pour grever encore le budget transport des ménages mais, là aussi, pas d’échappatoire plausible : l’explosion des prix de l’énergie et des matières premières a entraîné celle du coût des pièces détachées qui, elle-même, a fait gonfler les tarifs des garagistes. En deux ans seulement, le coût des réparations automobiles a ainsi grimpé de +14 %, contraignant les assureurs à répercuter ces hausses sur leurs clients. La main-d’œuvre coûte aussi plus cher, et les émeutes de l’été dernier, au cours desquelles des milliers de véhicules sont partis en fumée, ont achevé de convaincre les directions des organismes d’assurance de franchir le pas. Sans réévaluation des primes, c’est l’assurabilité-même de certains risques qui se trouverait remise en question.
Enfin, l’assurance habitation ne fera pas exception. En 2024, les primes pourraient en effet augmenter de +5 % à +8 %. En cause, encore et toujours l’inflation, qui impacte le coût de la construction comme celui des réparations. Mais aussi, et surtout, les conséquences du réchauffement climatique : comme l’ont montré les tempêtes qui se sont récemment abattues sur la France, la multiplication des catastrophes naturelles et l’indemnisation des dégâts qu’elles occasionnent ont un coût important, qui est appelé à bouleverser le modèle économique des assureurs. Des assureurs qui sont, eux-mêmes, assurés par des réassureurs dont les tarifs suivent également cette tendance. Bref, si la courbe de l’inflation alimentaire commence à timidement s’infléchir, les assurés français devront s’armer d’un peu de patience avant d’obtenir du répit.