Les sinistres ? Ils s’accumulent. Mais ce que l’on n’avait pas vu venir, c’est qu’ils ne s’accompagnent plus forcément de déclarations. Face à la montée des primes et à la défiance envers les assureurs, les Français changent leurs habitudes. Quitte à sacrifier la protection qu’ils paient.
Assurance : un tiers des Français cache ses sinistres

Assurance : les Français fuient la déclaration des sinistres
Ce n’est pas un tsunami, mais un glissement lent, insidieux, et parfaitement documenté. Le 3 avril 2025, la néo-assurance Leocare a publié une étude menée avec l’institut Poll&Roll révélant ce que les assureurs craignaient sans jamais oser l’avouer publiquement : près d’un tiers des assurés (30 %) renoncent purement et simplement à déclarer un sinistre. Pas par négligence. Par stratégie économique.
À force d’augmentations — de 8 % à 12 % pour les contrats habitation, et de 4 % à 6 % pour les automobiles selon une étude de janvier 2025 —, l’assurance, censée représenter une couverture, devient un fardeau. Un poste de dépense redouté, surveillé, rationné. Et face à une fuite d’eau ou un pare-brise étoilé, le réflexe n’est plus de contacter son assureur, mais de sortir sa carte bancaire. En silence.
L’arbitrage avant tout : sinistre déclaré ou non ?
La tendance n’a rien d’un accident. Elle est assumée. L’étude dévoile que 46 % des Français évaluent systématiquement s’ils ont intérêt à déclarer un sinistre. Et parmi eux, 21 % reconnaissent être tentés de surestimer le montant des dommages pour améliorer leur remboursement. La tentation est grande : les procédures sont longues, la franchise dissuasive, l’issue incertaine. Dans le fond, la logique devient presque cynique : si on doit payer cher, autant que ça vaille le coup.
Le pragmatisme l’emporte sur le contrat. Ainsi, 59 % des conducteurs ne signalent pas un accrochage avec un trottoir. Et 58 % des assurés passent sous silence une panne d’électroménager. Des micro-événements que chacun gère dans son coin, mais qui, agrégés, forment un système en rupture avec le modèle mutualiste censé faire vivre l’assurance en France.
Assurance : le poids de la bureaucratie et la peur de la sanction
Mais ce renoncement n’est pas qu’économique. Il est aussi culturel. Et presque émotionnel. Le mal est bien français : la phobie administrative. Selon l’étude de Leocare, 65 % des assurés jugent les démarches trop fastidieuses, et un sur deux évoque des délais de traitement trop longs. Et comme si cela ne suffisait pas, 32 % redoutent les interventions physiques liées aux expertises.
Le plus glaçant ? Ce n’est pas la fraude qui explose, c’est la défiance. Car si 89 % des sondés affirment ne jamais avoir fraudé, la peur d’être pénalisé les pousse à se taire. Comme le résume le communiqué : « 66 % des assurés déclareraient plus souvent leurs dommages si le prix de l’assurance ne dépendait pas du nombre de sinistres ». Autrement dit, ce sont les assureurs eux-mêmes qui découragent l’usage de leur propre service.
La fraude, minoritaire mais bien installée
Certes, les fraudeurs existent. Ils sont 11 % à l’admettre : 6 % dans l’auto, 5 % dans l’habitation. 8 % reconnaissent avoir fourni de fausses factures, et 10 % souscrit une assurance après le sinistre, dans un tour de passe-passe qui n’a rien d’illégal à première vue… mais qui brouille la frontière entre ruse et manquement.
En Île-de-France, la tendance est encore plus marquée : 20 % des assurés y déclarent avoir surestimé des dommages pour maximiser leur indemnisation. Une région en tête de la « surévaluation optimisée », où la frontière entre arbitrage financier et délit flirte dangereusement.
Mais attention aux retours de bâton : le fichier national des fraudeurs existe. Et il peut rendre l’accès à une assurance abordable quasi impossible. Sans parler des risques de résiliation ou de poursuites.
Le vrai perdant ? L’assuré, encore et toujours
Ce que révèle cette étude, au fond, n’est pas un élan de fraude massive ni une flambée de malhonnêteté. C’est pire. C’est un divorce entre les Français et leur assurance. Une perte de confiance, de transparence, de réciprocité.
Et le plus ironique, c’est que le grand perdant, ce n’est pas seulement l’assureur. C’est l’assuré lui-même. Celui qui paye, se tait, et se retrouve seul quand le sinistre n’est plus « mineur ».