Le 3 avril 2025, une réunion à huis clos s’est tenue à l’Élysée, convoquant autour d’Emmanuel Macron plusieurs ministres, dont le Premier ministre François Bayrou et Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail. À l’ordre du jour : un menu de « pistes d’économies », parmi lesquelles l’assurance-chômage figure en bonne place. Officiellement, aucun scénario n’a encore été retenu, mais l’exécutif ne cache plus son intention de revisiter les règles d’indemnisation, malgré une convention signée en novembre 2024 censée courir jusqu’en 2028.
Assurance-chômage : le gouvernement prêt à rogner encore sur les droits

Cette manœuvre n’a rien d’anodin. Depuis 2017, le régime d’assurance-chômage, et plus précisément l’indemnisation des demandeurs d’emploi, a déjà subi plusieurs coups de rabot. « Le simple fait d’évoquer cette piste retient l’attention », note Le Monde. Les ajustements successifs opérés sous l’impulsion du gouvernement ont peu à peu restreint l’accès aux allocations tout en renforçant les conditions de retour à l’emploi.
Une stratégie budgétaire qui peine à convaincre
La justification avancée est simple, la nécessité de réduire les déficits publics. Le contexte ne laisse guère de marge de manœuvre : une dette publique sous pression, une croissance fragile, et des tensions géopolitiques exacerbées par la guerre commerciale initiée par Donald Trump. Or, selon les projections de l’Unédic, les dépenses d’assurance-chômage devraient s’élever à 45,3 milliards d’euros en 2025, tandis que les recettes stagnent à 45,1 milliards. Résultat : la dette, déjà colossale, se stabilise à 59,5 milliards d’euros, sans espoir de résorption à court terme.
En arrière-plan, les décisions de l’État pèsent lourd : réductions des exonérations compensées, élargissement de l’assiette des cotisations, fiscalité plus stricte. Le régime est sommé d’assumer des responsabilités qu’il ne contrôle plus entièrement. Mais peut-on vraiment parler de rigueur lorsque l’on rogne encore sur les protections sociales ? Pour la CFDT, la réponse est catégorique.
La CFDT monte au créneau : « Ce n’est plus possible ! »
Le 13 avril 2025, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, dénonce un projet « en catimini » : « Si le gouvernement veut toucher encore à l’indemnisation des chômeurs, qu’il ne le fasse pas en catimini, qu’il ouvre le débat ! », martèle-t-elle dans Les Échos. Et de poursuivre : « Ce n’est pas en faisant les poches des demandeurs d’emploi que l’on va résoudre les problèmes du pays ». Les termes sont clairs. Pour la numéro un de la centrale syndicale, le gouvernement persiste à déséquilibrer le système sans en assumer les conséquences sociales.
D’autant plus que la réforme de 2019, déjà décriée à l’époque, a permis de réduire de 12 % la durée moyenne du chômage, mais au prix d’une baisse de 18 % de l’allocation moyenne, soit six euros de moins par jour pour les bénéficiaires. « Je suis lucide sur le besoin de mesures économiques pour préserver l’activité. Mais renvoyer à plus tard la gestion des conséquences sociales, ce n’est plus possible ! », avertit-elle encore, appelant à un travail urgent pour anticiper les destructions d’emploi dans un climat économique dégradé.
Les partenaires sociaux évincés de la gouvernance ?
Au cœur du débat, une question brûlante. À quoi bon négocier si l’État reprend systématiquement la main ? En novembre 2024, les partenaires sociaux, syndicats et patronat réunis sous l’égide de l’Unédic, ont signé un accord équilibré sur la gestion du régime. Ce compromis, agréé par l’État, devait offrir une visibilité de quatre ans. Mais en évoquant déjà une nouvelle réforme, l’exécutif affaiblit leur légitimité.
Cette remise en cause alimente une défiance croissante. Car les partenaires sociaux ne se contentent pas de jouer les figurants, ils sont les garants d’une régulation paritaire du régime. Leur mise à l’écart, réelle ou anticipée, serait un signal politique lourd, à l’heure où la confiance dans les institutions s’effrite.
Le piège de la réforme perpétuelle
Faut-il encore réformer un système dont les paramètres viennent à peine d’être ajustés ? La réforme entrée en vigueur le 1er avril 2025 introduit déjà une mensualisation rigide, supprime certaines règles dérogatoires et revoit l’indemnisation des seniors. Autrement dit, les règles du jeu ont changé… mais le gouvernement semble déjà prêt à redistribuer les cartes. Un jeu de dupes ? En apparence, l’État veut rassurer : l’assurance-chômage n’est qu’une « piste parmi d’autres ». Mais dans les faits, elle revient toujours sur le tapis lorsqu’il s’agit de faire des économies.