Comment endiguer l’absentéisme ?

L’absentéisme est partout, tant dans l’entreprise que dans les médias. Depuis 2011, le nombre moyen de jours d’absence par an et par salarié a augmenté de 75%, passant de 14 à 24,5 jours1. Sur une période plus récente, entre 2017 et 2022, la hausse est de 36%, passant d’un peu plus de 18 à 24,5 jours d’absence en moyenne par salarié.

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Par Anne France Lucas Publié le 17 octobre 2023 à 6h30
Asbenteisme France Solution Entreprise Lucas
Comment endiguer l’absentéisme ? - © Economie Matin
75%Depuis 2011, le nombre moyen de jours d’absence par an et par salarié a augmenté de 75%

Face à ce contexte et aux actuelles difficultés de recrutement, ma conviction se renforce : seule la prévention permet de réduire l’absentéisme à moyen et long terme.

Pourquoi l’absentéisme ?

Le contexte global peut expliquer en partie l’explosion actuelle du nombre d’arrêts maladie : difficultés conjoncturelles, crise économique, inflation galopante qui contraint certains à cumuler les emplois pour s’en sortir. En conséquence les coûts de l’absentéisme augmentent également fortement. En plus de la masse des remplacements (CDD ou encore intérim) et pour partie de celle des salaires des absents, il convient de rajouter des coûts indirects tels que :

  • Désorganisation du travail
  • Gestion administrative supplémentaire et imprévue,
  • Remplacement du salarié absent : recrutement et formation
  • Baisse de la productivité

Au-delà de ce contexte global, nous nous devons de comprendre la situation de chacun : les réalités économiques individuelles peuvent avoir un impact réel sur l’absentéisme. En effet, nous ne sommes pas égaux face à la maladie, à la sécurité économique et à la couverture sociale. De plus nous n’appréhendons pas tous notre métier et l’occupation de notre poste de manière similaire :

  • Ainsi, plus son métier est apprécié par le salarié, plus sa responsabilité individuelle est engagée, plus son autonomie est importante, plus il est présent : peut-être une explication au fait que l’absentéisme des cadres est très inférieur à celui des non-cadre même s’il augmente ces dernières années.
  • A l’inverse, plus la protection sociale d’un travailleur est importante et sa sécurité contractuelle forte, plus il est susceptible d’être absent : les taux d’absentéisme des fonctionnaires sont plus élevés que ceux des salariés des grandes entreprises, eux-mêmes plus élevés que ceux des salariés des petites entreprises, ceux-ci étant encore plus élevés que ceux des travailleurs non-salariés.

Ce sont des faits et en aucun cas un jugement.

S’inspirer de méthodes éprouvées

Depuis de nombreuses années, les entreprises analysent les accidents de travail et les causes des maladies professionnelles dans le but de les réduire et de diminuer leur impact et obtiennent ainsi des résultats tangibles. Alors, pourquoi ne pas étendre cette méthodologie à la lutte contre l’absentéisme ? Mon inspiration : cette directrice qui, tous les jours, posait cette question très simple aux salariés absents la veille : « Qu’est-ce que j’aurais pu faire pour que tu sois présent hier ? ». Elle ne rejetait pas la responsabilité de l’absence sur les salariés, mais préférait prendre le temps de les écouter et choisissait d’agir pour mieux les accompagner.

Analyser, comprendre et agir

L’absentéisme n’est pas une fatalité, mais un sujet à prendre à bras le corps. La méthode que je propose pour le combattre est la suivante :

  1. Initier un diagnostic quantitatif - analyse des données existantes - et un diagnostic qualitatif – sur la base d’entretiens avec des collaborateurs et des managers.
  2. Rendre chacun responsable et acteur en organisant des groupes de travail impliquant managers d’une part et représentants du personnel d’autre part.
  3. Jouer la transparence en ouvrant le débat et ainsi développer un réel partage de la réalité de l’entreprise et favoriser une prise de conscience collective. Permettre aux managers comme aux représentants du personnel de réagir sur le diagnostic quantitatif et qualitatif, d’identifier des facteurs de cause, d’évacuer toutes les idées reçues et d’éviter, par aveuglement, de passer à coté de la réalité.
  4. Construire tous ensemble un plan d’action étalé dans le temps. Les managers comme les représentants du personnel seront étroitement associés à la conception des pistes de prévention qui pourront alors être présentées au comité de direction. Ainsi, l’entreprise développe tout naturellement une adhésion forte sur la mise en œuvre des actions de prévention.
  5. Transformer le plan d’action en projet collectif, afin que Direction, représentants du personnel, managers et salariés soient acteurs de la prévention de l’absentéisme et de la performance sociale.
  6. Conduire les actions dans la durée avec persévérance : l’absentéisme n’apparaît pas en un jour, il ne peut donc disparaitre du jour au lendemain.

A chaque étape, ayons à cœur de lutter contre toute absence qui aurait pu être évité par une action de prévention. Dans ce cadre, il est essentiel de capitaliser sur la motivation des salariés, en menant des réflexions sur :

  • L’organisation du travail,
  • La prise en considération du bon équilibre vie professionnelle / vie personnelle,
  • Les rituels de management,
  • Les valeurs de l’entreprise et leur déclinaison dans la vie quotidienne des acteurs de l’entreprise,
  • Et également les politiques de rémunération.

Pour aller plus loin…

Il existe de nombreux leviers pour lutter contre l’absentéisme : réglementation, organisation, politiques RH, management, climat social, valeurs de l’entreprise… En complément, il est toujours possible de mener des audits quanti/quali sur de nombreuses questions afin de les transformer en axes de travail concrets :

  • Quid de la médecine du travail et de la prévention médicale de chacun à une époque où les moyens d’y accéder ont été compromis par la pandémie mondiale ?
  • Quid des conséquences du télétravail, imposé à l’occasion des confinements ? A-t-il favorisé l’absentéisme dans les entreprises qui l’ont largement mis en place, ou au contraire, a-t-il contribué à sa diminution ?
  • Quid de l’organisation du travail et du développement des amplitudes travaillées (travail le dimanche, nocturne…) ? Si le citoyen souhaite un accès aux services 24h sur 24, 7 jours sur 7, le travailleur souhaite un équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle…
  • Est-il pertinent de généraliser la semaine de quatre jours ? Comment se faire une intime conviction sur ce sujet avant d’en faire un sujet de discussion interne ?…

A l’heure où nous nous rapprochons du plein emploi, ou nombre de postes restent vacants faute de candidats, prévenir l’absentéisme, c’est voir plus loin que les seules absences, et permettre aux entreprises de bénéficier de la compétence de leurs équipes, dès lors que celles-ci seront motivées et se rendront disponibles.

1 baromètre 2023 Ayming et AG2R LA MONDIALE

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Anne-France Lucas a commencé sa carrière en 1984, à la SNTR Calberson en tant que déléguée aux affaires sociales avant de rejoindre la FNAC. D'abord chargée de gestion du personnel, puis responsable des affaires sociales du magasin du Forum des Halles, elle exerce en tant que directeur des ressources humaines des magasins de la région parisiennes puis DRH de Fnac Paris avant d’être promue directeur des relations sociales. En 2005, elle devient directeur des ressources humaines France d'Yves Saint Laurent Beauté, puis en 2007, directeur des ressources humaines de Conforama France. Elle occupe ensuite le poste de DRH des opérations de la FNAC de 2009 à 2013, avant de devenir Consultante en 2013 et associée du Cabinet Pactes Conseil en 2019. auteur de « Ensemble, soignons l’absentéisme »

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