Apprentissage : porter le voile détruit les chances d’avoir un contrat

Tandis que l’apprentissage est au centre de la formation de dizaines de milliers de jeunes chaque année, et que son importance n’est plus à prouver, le CNRS lâche une véritable bombe : même les apprentis sont victimes de discriminations à l’embauche. Et, malheureusement, c’est toujours les mêmes qui sont visés.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 10 décembre 2024 à 6h30
Apprentissage : porter le voile détruit les chances d’avoir un contrat
Apprentissage : porter le voile détruit les chances d’avoir un contrat - © Economie Matin
2%Le nombre de contrats d'apprentissage signés a augmenté de +2% entre 2022 et 2023

En France, pays des droits de l’homme, une jeune femme portant un voile musulman voit ses rêves brisés avant même de pouvoir les réaliser. L’étude accablante publiée en décembre 2024 par des chercheurs du CNRS met à nu un racisme systémique dans le marché du travail : une femme voilée a 80 % moins de chances d’obtenir un contrat d’apprentissage, quelle que soit son origine. Ces chiffres révèlent un mépris profond pour les principes d’égalité et de liberté. Comment une nation peut-elle se regarder dans le miroir quand elle renie ainsi ses valeurs fondamentales ?

Apprentissage et recrutement : un racisme qui s’affiche sans complexe

Cette étude, menée auprès de 2 000 petites et moyennes entreprises à Paris, dévoile une réalité insupportable. Des paires de candidatures fictives ont été envoyées, strictement identiques dans leur contenu, différenciées uniquement par une photographie montrant ou non un voile. Les résultats sont implacables : les femmes portant un hijab sont massivement rejetées. Ce n’est plus une question d’origine, puisque les candidates voilées d’origine française subissent la même discrimination que celles d’origine maghrébine. On assiste ici à un rejet pur, basé sur la religion, qui dépasse le cadre du préjugé pour s’inscrire dans une logique systémique.

Ces jeunes femmes, qui aspirent simplement à apprendre un métier et à s’intégrer dans le tissu économique, se heurtent à un mur de méfiance et d’intolérance. L’apprentissage, censé être un vecteur d’égalité des chances, devient pour elles une voie inaccessible. Le rejet n’est pas voilé, il est explicite, assumé, et profondément insultant pour les principes républicains.

Critère Réponses positives (%) Différence avec candidates non voilées (%)
Non-voilée française 13,26 % -
Non-voilée maghrébine 7,86 % -40,7 %
Voilée française 2,46 % -81,4 %
Voilée maghrébine 1,19 % -84,9 %

La laïcité ou l’alibi d’une discrimination organisée

Depuis des décennies, la laïcité, pourtant conçue pour garantir la liberté de croyance, est utilisée comme une arme contre les musulmans. Sous couvert de neutralité, des entreprises écartent les femmes voilées en prétendant respecter les attentes de leurs clients ou préserver leur image. Mais qui sont ces clients qui ne toléreraient pas une femme voilée dans un milieu professionnel ? Et pourquoi cette vision étriquée continue-t-elle de prévaloir dans un pays qui se dit ouvert et inclusif ?

Ce n’est pas la neutralité qui est en jeu, mais une hypocrisie profondément enracinée. La loi française interdit formellement la discrimination religieuse, mais dans les faits, elle est rarement sanctionnée. Ces comportements, bien que condamnables, semblent bénéficier d’une tolérance tacite. L’État reste silencieux, les entreprises prospèrent, et des milliers de jeunes femmes sont exclues du système, contraintes de renoncer à leurs ambitions pour satisfaire des préjugés archaïques.

L’apprentissage : un rêve brisé pour des milliers de jeunes femmes musulmanes

L’apprentissage est présenté comme une solution clé pour intégrer les jeunes dans le monde du travail. Avec plus d’un million de contrats signés en 2023, il est un pilier essentiel pour l’économie française. Mais pour les femmes portant un voile, cette promesse se transforme en désillusion. Ces candidates doivent envoyer jusqu’à 200 candidatures pour espérer obtenir une seule réponse positive. Le chiffre est effrayant, révélant une brutalité que peu osent nommer. L’apprentissage, au lieu d’être un outil d’émancipation, devient pour elles un espace de violence institutionnalisée.

Comment la République peut-elle tolérer un tel mépris pour ses valeurs fondatrices ? Liberté, égalité, fraternité : ces mots, gravés sur les frontons des bâtiments publics, semblent avoir perdu leur sens face à l’islamophobie qui gangrène la société française. Ce racisme, bien qu’il se cache sous des discours policés, est omniprésent. Il se manifeste dans les entreprises, mais aussi dans les médias, qui alimentent une méfiance constante envers les musulmans. Il trouve un écho dans les politiques publiques, qui peinent à s’attaquer sérieusement à ces problématiques.

Ce n’est pas seulement la question du voile qui est en jeu, mais celle de la place des minorités dans une société qui continue de valoriser une identité monolithique. Les femmes voilées ne sont pas un problème, elles sont la cible d’une République qui a oublié qu’elle était censée protéger tous ses citoyens, pas seulement ceux qui se conforment à une norme arbitraire.

Comment résoudre un problème aussi bien ancré dans le monde professionnel ?

Cette étude du CNRS ne peut pas rester une simple donnée dans un rapport. Elle doit provoquer un sursaut, une prise de conscience collective. L’État doit mettre en place des mesures concrètes pour sanctionner les entreprises qui discriminent. Les écoles et les associations doivent redoubler d’efforts pour sensibiliser les recruteurs aux biais inconscients. Et surtout, la société dans son ensemble doit se mobiliser pour défendre les valeurs qu’elle prétend chérir.

Car il ne s’agit pas seulement de justice pour ces femmes, mais de l’avenir même de la République. Une République qui tolère la discrimination ne peut être qu’une République affaiblie, trahie, et finalement rejetée par ceux qu’elle laisse sur le bord du chemin. Le temps n’est plus à la réflexion, mais à l’action. Il est temps de rendre à la France sa promesse d’égalité.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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