Ce 5 juillet 2024, Amazon fête ses 30 ans d’existence dans le paysage économique international ; l’occasion de rendre hommage à l’une des plus grandes réussites entrepreneuriales de notre siècle. Du choix d’un nom permettant d’optimiser le référencement du site jusqu’à l’entrée dans la course à l’intelligence artificielle, l’histoire de l’entreprise est une succession de décisions stratégiques qui lui a permis de se hisser d’une petite start-up de la bulle internet à la cinquième plus grande capitalisation à l’échelle mondiale.
Amazon fête ses 30 ans !
Pourtant, malgré son ascension au sommet, la société va devoir redoubler d’effort pour maintenir durablement sa position. La guerre commerciale qu’elle doit désormais mener se situe sur deux fronts : elle doit à la fois faire face à la concurrence des acteurs majeurs du secteur des courses en ligne, mais également se positionner parmi les meneurs de l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle. Face à ses forces opérationnelles et aux nouvelles menaces qui pèsent sur son écosystème, il est temps d’établir le bilan d’Amazon et de déterminer ses perspectives d’évolution future.
Un rare survivant de la bulle internet
Tout a commencé en 1994 dans un garage à Seattle, avec un jeune entrepreneur issu du milieu de l’informatique et de la finance, Jeff Bezos, et une idée : fonder la plus grande librairie en ligne. L’activité est lancée en 1995 et sera financée par les parents de Bezos à hauteur d’environ 250 000 dollars. La bulle internet stimulera rapidement une forte croissance des revenus et l’entreprise diversifiera sa gamme de produits, mais les faibles marges sur les ventes ne permettent pas à la société d’être rentable. C’est d’ailleurs pourquoi Amazon décidera de faire appel au financement public via son introduction en bourse en 1997.
Paradoxalement, Amazon est l’une des rares entreprises à survivre à la bulle internet, et parvient même à réaliser ses premiers profits à la fin de l’année 2001. L’annonce des résultats marque le début d’une longue tendance haussière pour l’action, et les flux de trésorerie réinvestis permettront de voir émerger en 2003 sa filiale cloud Amazon Web Services (AWS). Cette dernière ancrera durablement le groupe à la pointe de l’innovation technologique et le placera en tête des plus grandes capitalisations boursières de la planète.
Les clés d’une réussite commerciale
On peut entrevoir au travers de cette success story ce qui a permis à Amazon de se hisser au sommet : une approche patiente et méthodique dans son développement commercial.
Patiente, car l’orientation des flux vers l’investissement et la conquête des parts de marché est depuis toujours la priorité sur la réalisation de bénéfices rapides et le bien-être actionnarial. Ainsi, depuis sa création, l’entreprise n’a jamais versé le moindre dividende afin de financer ses dépenses d’investissements, lesquelles sont aujourd’hui les plus fortes au monde avec plus de 50 milliards de dollars sur les douze derniers mois.
Méthodique, à l’image du caractère de son fondateur, qui a su déceler l’opportunité de l’économie digitale suffisamment tôt, identifier des niches commerciales, optimiser son référencement (la lettre “A” de Amazon lui permettant de figurer en premier sur les classements, généralement par ordre alphabétique), diversifier l’activité, et l’ancrer durablement dans la modernité.
Mais en 2021, Jeff Bezos démissionne de sa fonction de DG, nommant Andy Jassy pour assurer cette tâche. Il restera toutefois président exécutif du conseil d’administration. Son successeur s’est-il avéré à la hauteur du pragmatisme de son prédécesseur ?
Les nouveaux défis d’une économie post-covid
Là où Amazon était quasiment toujours en croissance d’au moins 20% en glissement trimestriel de 2017 à juillet 2021, le géant américain a lutté pour afficher ne serait-ce qu’une croissance à deux chiffres d’un trimestre à l’autre suite à sa prise de poste. Cela dit, il est évident que la faute n’est pas nécessairement imputable à la nouvelle tête pensante du groupe, mais à un environnement macroéconomique désastreux pour le secteur technologique post-covid. Après tout, Amazon n’est pas la seule entreprise du Nasdaq à avoir souffert de l’augmentation des taux (le bond du trésor Américain est passé de 1,76% début 2022 à 3,56% un an plus tard) et de l’inflation rampante aux Etats-Unis (8% en 2022). Le Nasdaq avait d’ailleurs perdu 33% en 2022.
Amazon a un autre problème : le groupe atteint progressivement une taille critique. Aux Etats-Unis, le groupe détenait près de 40% des parts de marché du e-commerce en 2022 (très loin devant Walmart avec 6% des parts de marché), ce qui laisse peu de place à une augmentation significative de ce côté, surtout sur un marché qui a fortement ralenti lorsque les consommateurs sont retournés dans les magasins physiques suite au covid (le e-commerce a enregistré sa croissance la plus faible depuis 2009 en 2022).
Une transition nécessaire pour se maintenir au sommet
L’enjeu de taille pour Andy Jassy est donc d’éviter à Amazon d’entrer dans une phase de maturité économique, ce qui serait largement sanctionné par le marché qui valorise le titre sous l’approche d’une entreprise de croissance. Amazon prend du retard parmi les Sept Magnifiques (incluant aussi Microsoft, Nvidia, Apple, Google, Meta, Tesla) sur la thématique de l’intelligence artificielle, le seul vecteur qui lui permettrait de compenser un environnement concurrentiel de plus en plus étroit sur le secteur des courses en ligne, sous le feu d’une guerre des prix avec ses principaux concurrents : Walmart, Target et Shein.
Le segment d’AWS est donc la priorité du moment : il est le plus ancré dans les enjeux et thématiques actuelles et futures, et présente par ailleurs la plus forte rentabilité. En effet, celui-ci ne représente que 17% des revenus mais 61% des bénéfices opérationnels. Il s’agit aussi du segment avec la croissance la plus forte du groupe avec 17% d’augmentation sur un an tout en ayant des marges elles aussi en forte croissance, à hauteur de 37,6% sur le premier trimestre de 2024.
C’est bien sûr sans compter sur le fait qu’Amazon a plus d’un tour dans son sac. Il a été rapporté par des initiés qu’un nouvel assistant virtuel serait développé en coulisse afin de faire concurrence à ChatGPT. Dénommé “Metis”, en référence à la déesse grecque de la sagesse, le projet sera centré sur la conception d’une intelligence artificielle capable de délivrer des informations en temps réel, comme par exemple les cours des actions négociées en bourse. Si Amazon parvient à tenir ses promesses, celui-ci pourrait bien revenir sur le devant de la scène dans le classement des entreprises les plus innovantes en matière d’intelligence artificielle.