Alternance : pourquoi les apprentis vont perdre 146 euros par mois en 2025

Les jeunes en alternance vont voir leur salaire net diminuer dès le 1er mars 2025. La réforme du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025 prévoit la fin de certains avantages fiscaux pour les apprentis, avec une baisse moyenne de 146 euros par mois. Pourquoi une telle mesure ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 14 février 2025 à 6h19
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Angry couple claiming and shouting to an office worker - © Economie Matin
277,5 MILLIONS €L’État espère ainsi économiser 277,5 millions d’euros par an grâce à cette mesure.

L’apprentissage est souvent présenté comme une voie royale vers l’emploi, combinant formation et rémunération. Pourtant, à partir du 1er mars 2025, cette équation va devenir moins avantageuse pour les jeunes en alternance. Le gouvernement prévoit en effet de réduire les exonérations de cotisations sociales pour les apprentis, entraînant une baisse directe de leur salaire net. Cette réforme, inscrite dans le PLFSS 2025, doit permettre à l’État de réaliser 1,265 milliard d’euros d’économies. Mais à quel prix pour les jeunes concernés ?

Un changement de salaire pour les apprentis… à la baisse !

Depuis plusieurs années, les contrats d’apprentissage bénéficient d’un régime fiscal favorable. Jusqu’ici, les apprentis étaient exonérés de cotisations sociales sur 79 % de leur rémunération, ce qui leur permettait de toucher un salaire net plus élevé. Avec la réforme du PLFSS 2025, cette exonération sera réduite à 50 % du SMIC, et les apprentis seront désormais assujettis à la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et à la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS). Concrètement, cela signifie qu’un apprenti rémunéré au SMIC verra son salaire net amputé de 146 euros par mois.

Jusqu’ici, un apprenti au SMIC conservait environ 1 422 euros nets après exonération. À partir du 1er mars 2025, ce montant tombera à 1 276 euros, car la part de son salaire soumise aux cotisations augmentera. En clair, les jeunes qui avaient fait le choix de l’apprentissage pour son équilibre entre formation et rémunération vont devoir faire face à une perte de pouvoir d’achat.

Cette réforme concerne tout le monde. Elle s’appliquera à tous les nouveaux contrats signés après le 1er mars 2025, sans distinction d’âge ou de niveau de qualification. Les plus touchés seront les apprentis employés dans des entreprises de plus de 10 salariés, qui perdront une partie de leur avantage financier. Pour les moins de 21 ans, cette baisse de rémunération pourrait représenter une perte de 300 à 500 euros par an.

Tableau récapitulatif des apprentis concernés par la baisse de leur salaire

Catégorie d'apprentis Impact de la réforme Explication
Apprentis en contrat signé après le 1er mars 2025 ✅ Concernés Tous les nouveaux contrats seront soumis aux nouvelles règles fiscales.
Apprentis rémunérés à plus de 50 % du SMIC ✅ Concernés La partie du salaire excédant 50 % du SMIC sera désormais assujettie aux cotisations sociales, à la CSG (9,2 %) et à la CRDS (0,5 %).
Apprentis employés dans des entreprises de plus de 10 salariés ✅ Concernés Les grandes entreprises perdront l'exonération de charges sur une plus grande part du salaire, ce qui impactera directement la rémunération nette des apprentis.
Apprentis en contrat signé avant le 1er mars 2025 ❌ Non concernés Les contrats en cours conserveront les avantages d’exonération d'avant la réforme.
Apprentis rémunérés en dessous de 50 % du SMIC ❌ Non concernés Seuls les salaires dépassant ce seuil seront soumis aux nouvelles cotisations.
Apprentis dans des entreprises de moins de 10 salariés ❌ Non concernés Ces structures continueront à bénéficier d'exonérations spécifiques.

En résumé, les apprentis signant un contrat après mars 2025, percevant plus de 50 % du SMIC et travaillant dans une entreprise de plus de 10 salariés verront leur salaire net baisser. Les jeunes déjà en contrat avant cette date ne seront pas concernés, tout comme ceux employés dans des petites entreprises ou ayant un salaire inférieur à 50 % du SMIC.

Pourquoi cette baisse de salaire ?

Derrière cette décision, un objectif clair : réduire le coût des aides publiques à l’apprentissage, qui a explosé ces dernières années. En 2024, le soutien public à l’alternance représentait 25 milliards d’euros, une somme jugée insoutenable par le gouvernement. Le coût des exonérations de cotisations sociales atteignait à lui seul 1,5 milliard d’euros en 2023, selon l’Inspection générale des finances (IGF). Pour maîtriser ces dépenses, l’exécutif a choisi de réduire la part du salaire exonérée de charges et d’imposer aux apprentis des prélèvements dont ils étaient jusque-là dispensés.

L’État espère ainsi économiser 277,5 millions d’euros par an grâce à cette mesure. Officiellement, cette réforme vise à rééquilibrer les finances publiques, mais elle suscite une forte opposition du côté des organisations de jeunesse et des centres de formation. Selon l’ANAF (Association nationale des apprentis de France), cette décision risque de fragiliser l’apprentissage, un dispositif qui a pourtant prouvé son efficacité en matière d’insertion professionnelle.

Les conséquences pour les apprentis et les entreprises

Cette baisse de salaire risque d’avoir un impact direct sur l’attractivité de l’apprentissage. Pour de nombreux jeunes, la rémunération joue un rôle déterminant dans le choix de leur formation. Une diminution de 146 euros par mois représente une contrainte financière supplémentaire, notamment pour ceux qui doivent financer un logement ou des trajets quotidiens. Cette perte de pouvoir d’achat pourrait décourager certains d’opter pour l’alternance et les pousser à se tourner vers d’autres voies, comme les études universitaires classiques.

Les entreprises, de leur côté, risquent également d’être affectées par cette réforme. Jusqu’ici, l’apprentissage était un moyen efficace de former des jeunes tout en bénéficiant d’aides financières attractives. En augmentant le coût du travail pour ces contrats, le gouvernement envoie un signal contradictoire aux employeurs. Certaines entreprises pourraient être tentées de réduire le nombre d’apprentis recrutés, notamment les grandes structures soumises aux nouvelles règles fiscales.

Les centres de formation s’inquiètent également des conséquences indirectes. Moins de candidats en apprentissage signifie moins de financements pour ces établissements, qui pourraient voir leur fonctionnement fragilisé. Certains experts du secteur redoutent même une augmentation des abandons en cours de formation, si les apprentis peinent à joindre les deux bouts avec un salaire réduit.

Avant la réforme Après la réforme (à partir du 1er mars 2025)
Exonération de cotisations salariales jusqu’à 79 % du SMIC. Exonération réduite à 50 % du SMIC.
Pas d’assujettissement à la CSG (9,2 %) et CRDS (0,5 %). Tous les salaires dépassant 50 % du SMIC seront soumis à la CSG et CRDS.
Un apprenti au SMIC conserve environ 1 422 euros nets. Un apprenti au SMIC perd 146 euros par mois, soit environ 1 276 euros nets.

« C’est une catastrophe pour les apprentis, qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois avec leur loyer et leurs frais de transport », alerte Jean-Philippe Audrain, président de la Fédération nationale des directeurs de Centres de formation d’apprentis (Fnadir), cité par Capital.

Baisse des salaires des apprentis : une réforme contestée aux effets incertains

La baisse des salaires des apprentis en 2025 s’inscrit dans une logique de réduction des dépenses publiques, mais elle pourrait fragiliser un système qui a jusqu’ici prouvé son efficacité. Moins d’exonérations, plus de charges pour les apprentis et des entreprises moins enclines à recruter, autant de conséquences qui font craindre un ralentissement du développement de l’alternance en France.

Si le gouvernement mise sur un équilibre budgétaire à long terme, les opposants à cette réforme dénoncent un coup dur pour les jeunes en formation. La question reste ouverte : cette mesure permettra-t-elle réellement de rationaliser les finances publiques sans nuire à l’emploi des jeunes ou signe-t-elle le début d’un recul de l’apprentissage en France ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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