Dans un contexte de dépendance croissante aux importations alimentaires, la France fait face à un défi crucial : maintenir et développer son autonomie agricole. Confrontée à une concurrence internationale féroce et à des enjeux de compétitivité, la première puissance agricole européenne cherche des solutions pour préserver son héritage culinaire et garantir l’accès à une alimentation de qualité pour tous.
Agriculture : est-il encore possible de consommer Français ?
Une agriculture fragilisée
« Développer notre agriculture, ça veut dire produire et retrouver notre souveraineté alimentaire. Il faut arrêter d’importer des produits qu’on pourrait faire chez nous. » Ces propos du Premier ministre Gabriel Attal reflètent la préoccupation croissante face à l'affaiblissement de l'autonomie agricole française. La réalité est alarmante : entre 2019 et 2021, la France a importé 33 % de ses légumes, 37 % de ses fruits tempérés, et une proportion significative de ses viandes. Thierry Pouch, chef économiste à l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture, souligne que les importations ont doublé depuis l'an 2000. Ainsi, environ 20 % de l'alimentation française provient de l'étranger.
Un secteur agricole en mutation
Bien que la France demeure la première puissance agricole de l'Union Européenne, elle a régressé au niveau mondial, passant du 2e au 5e rang d'exportateur. Vincent Chatellier, de l'Inrae, souligne que sans les exportations de vins et spiritueux, le secteur présenterait un déficit considérable. Cette situation démontre une mutation profonde du secteur agricole, qui peine à concilier compétitivité économique et montée en gamme prônée par le gouvernement.
Des défis de compétitivité et de normes
Laurent Duplomb, sénateur et agriculteur, identifie plusieurs causes à cette perte de compétitivité : des charges élevées, des normes strictes, et des erreurs stratégiques. L'écart se creuse entre les exigences de qualité de l'agriculture française et les prix plus abordables des produits importés. Ceci est exacerbé par le retour de l'inflation, mettant une pression supplémentaire sur les consommateurs.
Les accords de libre-échange en question
La politique commerciale est aussi en cause. Les accords de libre-échange, tels que celui envisagé avec le Mercosur, inquiètent les agriculteurs français. Ils craignent une concurrence déloyale de produits ne respectant pas les mêmes normes sanitaires et environnementales. Cette situation soulève des questions sur la cohérence entre la politique agricole française et les engagements commerciaux européens.
Vers un avenir incertain
La capacité de la France à inverser cette tendance est incertaine. La production de lait et de viande bovine a significativement diminué, et le renouvellement des générations d'agriculteurs s'avère difficile. Thierry Pouch et Vincent Chatellier pointent du doigt la nécessité d'une réflexion profonde sur l'avenir de l'agriculture française, qui doit trouver un équilibre entre compétitivité, qualité, et respect des normes environnementales et sanitaires.
La France, malgré sa position de leader agricole en Europe, est à un tournant crucial. Entre la nécessité de maintenir une agriculture de qualité et les défis de compétitivité, elle doit trouver des solutions innovantes pour assurer son autonomie alimentaire. Ce défi n'est pas seulement économique, mais aussi culturel et social, touchant au cœur de l'identité et du mode de vie français.