Depuis plusieurs années, l’Assurance Maladie utilise des algorithmes dans le cadre de sa politique de lutte contre la fraude. Mais comme le révèle une enquête menée par La Quadrature du Net, relayée par 20 Minutes, les critères utilisés par cette dernière cibleraient certains profils plus que d’autres.
Faux arrêts maladie : l’Assurance Maladie accusée de faire la chasse aux mères célibataires
L'algorithme anti-fraude utilisé par l'Assurance Maladie, censé identifier les bénéficiaires suspects, suscite une vive polémique. En cause, sa méthode de notation qui est jugée discriminatoire par l'enquête de La Quadrature du Net, cette dernière affirme qu'il cible en particulier les mères célibataires et les plus précaires, souvent bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire (C2S).
L'Assurance Maladie épinglée pour son algorithme anti-fraude
D’après des documents internes de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), analysés par l’association La Quadrature du Net, le profil type détecté par son algorithme anti-fraude serait « une première demande dont le demandeur est une femme de plus de 25 ans avec plus d’un majeur et au moins un mineur dans le foyer ». Selon leurs conclusions, cette catégorisation algorithmique attribuerait un score de suspicion plus élevé aux femmes répondant à ces critères, et qui sont, pour la plupart d'entre elles, souvent bénéficiaires de la (C2SG). Conséquence : plus de contrôles, des suspensions de droits parfois injustifiées, et dans certains cas, la fin d’accès aux soins pour la famille.
Aujourd'hui nous dévoilons le code source de l'algo utilisé par l'Assurance Maladie pour noter 6 millions de personnes précaires bénéficiant de la Complémentaire Santé Solidaire. Si cette note se dégrade, un contrôle est enclenché. Explications.https://t.co/zal2MCPvR3
— La Quadrature du Net (@laquadrature) December 5, 2024
« En 2022, le directeur de l’Assurance Maladie annonçait que la fraude à l’ensemble de la C2S était estimée à 1% de son coût, soit 25 millions sur plus de 2,5 milliards d’euros. En revanche, le taux de non-recours à cette prestation sociale était lui estimé à plus de 30%, soit un « gain » d’environ… un milliard d’euros pour la CNAM » ajoute l'association. La Quadrature du Net dénonce « la généralisation de ces algorithmes de notation à des fins de contrôle de notre système social », considérants qu'ils entraînent des « risques tant en termes de surveillance numérique que de discriminations et de violence institutionnelle ». Les chiffres de l'association révèlent un taux d’anomalie détecté de 23,73 % en 2019 sur 19 128 dossiers contrôlés, engendrant un préjudice financier de plus de 1,3 million d’euros. Malgré les critiques, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) réfute ces accusations. Interrogée par Le Monde, elle assure que « l'algorithme actuellement utilisé ne comporte aucune variable relative au sexe du demandeur, ni à son âge ».
Le Conseil d'état saisit
L'impact de ces pratiques dépasse largement le cadre des fraudes. Pour les mères célibataires, dont une partie vivent en situation de précarité, ces contrôles les stigmatisent. « Sous couvert de lutte contre la fraude, on met en place un système qui automatise les biais sociaux existants », vilipende le rapport de La Quadrature du Net. La Cnam de son côté maintient que « tous les bénéficiaires sont traités de manière équitable », assurant utiliser une version plus récente de son algorithme.
En réaction, plusieurs associations ont saisi le Conseil d’État pour demander un encadrement strict de ces algorithmes. Leur crainte est double : une surveillance renforcée des bénéficiaires et une déshumanisation des processus de contrôle qui pourraient, à l'avenir, intégrer des critères de plus en plus précis tels que le handicap, les soins, leur fréquence etc.