Souveraineté numérique : l’État rachète Alcatel Submarine Networks

Le gouvernement français a annoncé l’acquisition de 80% du capital d’Alcatel Submarine Networks (ASN), leader mondial des câbles sous-marins, pour 100 millions d’euros. Cette opération vise à garantir l’indépendance numérique de la France et de l’Europe. ASN est en effet un acteur-clé pour l’infrastructure de télécommunication mondiale, et ce rachat s’inscrit dans une stratégie de souveraineté nationale.

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By Rédacteur Published on 20 novembre 2024 4h00
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câble, sous-marin, internet, houthis, sabotage, guerre, yemen - © Economie Matin
80%L’État a acheté 80% du capital d’Alcatel Submarine Networks (ASN)

Un secteur stratégique sous haute tension

L’acquisition par l’État de 80% du capital d’Alcatel Submarine Networks (ASN), pour un montant d’environ 100 millions d'euros, marque un tournant dans la stratégie industrielle de la France. Filiale de Nokia depuis 2016, l’entreprise est l'un des leaders mondiaux de la fabrication et de l’installation de câbles sous-marins. Ce rachat vise à renforcer la souveraineté numérique de la France et de l’Europe dans un contexte géopolitique de plus en plus incertain.

La production de câbles sous-marins est en effet essentielle pour assurer la connectivité mondiale, notamment en ce qui concerne le transit des données intercontinentales. Ces câbles, fonctionnant grâce à la fibre optique, transportent près de 99% du trafic de données transocéaniques et régionaux. « Le câble sous-marin, c’est une des trois ou quatre infrastructures critiques de demain », a précisé Antoine Armand, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Ce secteur est d'autant plus vital qu'il assure non seulement la continuité des communications, mais aussi la sécurité des flux numériques mondiaux.

La maîtrise de ces infrastructures est primordiale dans un monde de plus en plus interconnecté où les cyberattaques, les tensions internationales et les défis liés à la protection des données sont de plus en plus prégnants.

Un virage dans la politique industrielle française

Ce rachat de 80% du capital d’ASN marque une rupture par rapport à la politique menée sous la présidence de François Hollande. En 2016, alors ministre de l’Économie, Emmanuel Macron avait donné son aval au rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia, une opération de 15,6 milliards d'euros. À l’époque, le gouvernement français avait choisi de ne pas intervenir dans cette transaction, malgré le caractère stratégique de certaines activités du groupe.

Aujourd’hui, le point de vue de l’exécutif est radicalement différent. « Cet investissement est stratégique pour notre souveraineté nationale et pour notre stratégie industrielle à long terme », affirme ainsi Antoine Armand, soulignant que l’État français s’engage désormais pleinement à soutenir et sécuriser cette activité vitale pour le pays.

Dans les prochaines années, le gouvernement envisage même de porter sa participation à 100% du capital, ce qui renforcerait encore son contrôle sur cette activité stratégique. Nokia reste pour l’heure dans l’actionnariat pour faciliter la transition et accompagner la continuité des projets en cours.

ASN : un acteur mondial du secteur des câbles sous-marins

Fondée en 1858, Alcatel Submarine Networks est un acteur majeur de son secteur d’activité, avec plus de 750 000 kilomètres de câbles déployés à travers le monde et un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros. L’entreprise emploie environ 2 400 personnes réparties sur quatre sites en Europe, dont les deux principaux sont situés en France, à Calais et aux Ulis. ASN dispose également de sept navires spécialisés dans la pose et la maintenance de câbles sous-marins, aptes à répondre à la demande croissante de connectivité numérique mondiale.

L’entreprise, qui détient environ un tiers du marché mondial des câbles sous-marins, est impliquée dans plusieurs projets majeurs de télécommunications mondiales. Ces infrastructures permettent de connecter les continents et de soutenir notamment l'énorme trafic de données entre l'Europe, l'Asie et les Amériques. En rachetant cette société, l'État français ne se contente pas de garantir la souveraineté de ses propres infrastructures numériques, il s'assure également un rôle clé dans un secteur en pleine croissance et de plus en plus stratégique.

ASN devrait d’ailleurs continuer à croître dans les années à venir, avec pour objectif un doublement ou un triplement des revenus dans les prochaines années, notamment grâce à la forte demande en matière de connectivité sous-marine.

Un investissement rentable pour les finances publiques

L’État s’est appuyé sur l’Agence des Participations de l’État (APE), qui gère déjà un portefeuille d’entreprises stratégiques, pour mener à bien cette opération. Ce portefeuille comprend plus de 85 entreprises, dont 10 cotées, avec une valeur totale estimée à 180 milliards d’euros. En 2023, l’APE a également perçu 2,3 milliards d’euros de dividendes de ses participations, contribuant ainsi aux finances publiques.

Selon les projections de Bercy, cet investissement de 100 millions d’euros pour acquérir une entreprise valorisée à 350 millions d’euros mais très endettée, devrait rapporter plus qu’il ne coûte à l’État, à la fois en termes de retours financiers et d’indépendance numérique.

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