Akha : pourquoi la RATP veut faire interdire cette application ?

Le 13 janvier 2025, une vague de réactions s’abat sur l’application Akha. Présentée comme une plateforme de signalement communautaire, elle est au centre d’une polémique qui ne cesse de s’amplifier. En cause : sa fonction principale qui permet de signaler la présence de contrôleurs dans les transports publics franciliens. Une fonctionnalité que Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, qualifie de dangereuse et illégale, justifiant ainsi le dépôt d’une plainte par Île-de-France Mobilités.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 14 janvier 2025 à 6h30
Akha : pourquoi la RATP veut faire interdire cette application ?
Akha : pourquoi la RATP veut faire interdire cette application ? - © Economie Matin
171 MILLIONS €Le montant de la fraude à la RATP s'élève à 171 millions d'euros par an.

Akha : une idée qui divise dès son lancement

L’application Akha, créée par Sid Ahmed Mekhiche, ingénieur logiciel basé dans les Yvelines, se présente comme un outil communautaire pour améliorer la sécurité et le confort des usagers des transports en commun. Depuis son lancement il y a un an, elle a attiré plus de 130 000 utilisateurs et a rapidement grimpé dans les classements de téléchargement sur l’App Store et le Play Store.

Akha promet à ses utilisateurs la possibilité de signaler, en temps réel, des incidents tels que des pannes techniques, des retards ou encore des comportements inappropriés dans les bus, métros et trains. Cependant, ce ne sont pas ces usages qui ont propulsé l’application sous les projecteurs médiatiques. En pratique, la majorité des alertes envoyées via Akha concernent la localisation des contrôleurs chargés de vérifier les titres de transport.

Si cette fonctionnalité s’inspire des applications collaboratives comme Waze, où les automobilistes s’avertissent mutuellement de la présence de radars, son application dans le domaine des transports publics pose une problématique juridique majeure. En effet, signaler la présence de contrôleurs est interdit par la loi française. Selon l’article L2242-10 du Code des transports, une telle pratique est passible d’une amende pouvant atteindre 3 750 euros.

Akha désormais dans le viseur de la justice

Pour Valérie Pécresse, l’affaire Akha est une réelle épine dans le pied. En tant que présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités, elle a rapidement pris position contre l’application. Dans ses déclarations publiques, elle a qualifié Akha de menace pour la sécurité publique, arguant qu’elle encourage la fraude et met en péril le financement du service public de transport. Le 13 janvier 2025, Île-de-France Mobilités a annoncé le dépôt d’une plainte officielle contre Sidox, l’éditeur de l’application. Cette action vise à faire cesser l’activité d’Akha et à dissuader d’autres initiatives similaires qui pourraient émerger à l’avenir.

Valérie Pécresse a également interpellé les géants technologiques Apple et Google, leur demandant de retirer Akha de leurs plateformes de téléchargement. Une mesure qu’elle justifie par le non-respect des conditions générales d’utilisation de ces plateformes, lesquelles interdisent généralement les activités contraires aux lois locales.

Pourquoi IDFM est vent debout contre Akha ?

Les conséquences de l’utilisation d’Akha vont bien au-delà du simple signalement des contrôleurs. La fraude dans les transports en commun représente un véritable fléau économique pour Île-de-France Mobilités. Selon les estimations, elle coûte près de 100 millions d’euros par an, soit une somme équivalente au financement de nouvelles infrastructures ou à l’amélioration des services existants.

Cette perte de revenus affecte directement les usagers honnêtes, qui subissent des hausses potentielles des tarifs pour compenser les déficits. Par ailleurs, la réduction des recettes complique la mise en place de projets ambitieux, comme le développement des lignes Grand Paris Express ou la modernisation des trains de banlieue.

Akha, en facilitant la fraude, remet en question la valeur même de la solidarité qui sous-tend le financement des services publics. Pour Valérie Pécresse, cette application va à l’encontre du pacte républicain qui repose sur la contribution équitable de tous les citoyens. « Akha vient faciliter la fraude dans les transports en localisant les contrôleurs et les forces de sécurité. Sans parler de l’aide qu’elle apporte aux délinquants et criminels... », souligne-t-elle dans son post sur le réseau social X (ex-Twitter).

Les arguments du développeur : un outil mal compris ?

Face à cette avalanche de critiques, Sid Ahmed Mekhiche, fondateur de l’application, a tenu à défendre son projet. Dans plusieurs interviews et publications sur les réseaux sociaux, il affirme qu’Akha n’a jamais eu pour vocation d’encourager la fraude. Selon lui, l’application est avant tout un outil destiné à améliorer le quotidien des usagers, en leur permettant de signaler des problèmes réels, tels que des retards importants ou des incidents de sécurité.

Pour lui, la popularité de la fonction de signalement des contrôleurs n’est qu’un effet collatéral non prévu. Il met également en avant le caractère communautaire de l’application, où les utilisateurs s’entraident pour naviguer dans un réseau de transports parfois complexe et peu fiable.

Cette controverse rappelle d’autres débats similaires, comme ceux autour d’Uber ou d’Airbnb, où des innovations disruptives ont bouleversé des secteurs entiers en défiant les régulations traditionnelles. Dans le cas d’Akha, la question reste ouverte : comment concilier innovation, respect des lois et équité sociale ?

Quel avenir pour Akha ?

Alors que les procédures légales se poursuivent, l’avenir d’Akha reste incertain. Si l’application venait à être retirée des plateformes de téléchargement, cela pourrait marquer un coup d’arrêt pour Sidox et son fondateur. Cependant, la popularité de l’application montre qu’il existe une demande forte pour des solutions numériques adaptées aux réalités des transports en commun.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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