Le marché des locations saisonnières en France amorce une transition majeure avec l’adoption récente d’un projet de loi par les députés. Cette législation vise à réguler plus fermement le secteur, notamment les acteurs en ligne tels qu’Airbnb, accusés de contribuer à la crise du logement en favorisant les locations touristiques au détriment de la location à long terme.
Airbnb : la loi sur les locations saisonnières en question
Élaboration d’un projet de loi
La proposition de loi sur l’encadrement des locations saisonnières, porté par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (PS), a connu un processus législatif complexe. Initié au printemps 2023, son adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, le 29 janvier 2024, a été précédée par des débats intenses. Des amendements ont été proposés, des compromis ont été atteints, et, finalement, l’Assemblée a validé le texte, par 100 voix pour et 25 contre.
Les mesures phares du texte
Une des mesures phares de cette proposition de loi est la réduction du taux d'abattement fiscal dont bénéficient les revenus issus des locations de meublés touristiques. Actuellement, cet abattement est de 71 % ou 50 %, mais la nouvelle législation le réduirait à 30 %. Une exception est toutefois prévue pour les « zones rurales très peu denses », où l'abattement resterait à 71 %.
« Il s’agit d’éviter que les propriétaires ne basculent leur logement de la location classique à la location saisonnière, plus intéressante fiscalement », précise la rapporteuse du texte Annaïg Le Meur.
Au-delà, la loi renforce le pouvoir décisionnel des maires. Ils pourront notamment abaisser de 120 à 90 jours par la durée maximale de location d’une résidence principale, ou interdire la location des logements de classe thermique G, considérés comme des « passoires thermiques ». Les municipalités auront même le droit d’instaurer des quotas de logements autorisés à la location saisonnière par quartier, comme ce qu’a mis en place Saint-Malo. Rien ne les empêchera d’interdire purement et simplement les locations touristiques dans certaines zones.
Les propriétaires souhaitant louer leur bien en location touristique devront non seulement informer leur commune (comme c’était déjà le cas), mais également leur syndic de copropriété.
Des réactions contrastées
Les réponses à ce projet de loi ont été variées et parfois passionnées. Les représentants d'Airbnb ont exprimé leur préférence pour une collaboration avec les municipalités plutôt que pour des réglementations strictes. Peu étonnant quand on connaît l’histoire de cette entreprise et sa lutte constante contre les normes et législations encadrant son activité.
Les défenseurs des droits des locataires ont quant à eux logiquement salué cette initiative, appelant même à la suppression de tous les avantages fiscaux favorisant les locations saisonnières de court terme.
Une réponse à la crise du logement dans les zones touristiques ?
Des élus locaux, en particulier dans les zones touristiques tendues, dénoncent la pénurie de logements provoquée ou fortement renforcée par la prolifération des locations saisonnières. Dans de nombreux centre-villes ou dans des quartiers à proximité d’une attraction touristique, une part croissante du parc locatif est réservé à la location saisonnière, et indisponible pour les habitants de ces villes. Les citoyens peinent à y trouver des logements abordables, créant parfois de terribles réactions en chaîne : fermeture d’écoles et des commerces du quotidien, au profit de commerces à destination des touristes, poussant encore plus les habitants hors de ces quartiers recherchés.
Ces élus locaux tirent la sonnette d'alarme, affirmant que cette crise du logement est devenue une véritable « bombe sociale » à désamorcer. Plusieurs législations encadrent déjà la location saisonnière, et certaines portent spécifiquement sur les plateformes en ligne de type Airbnb. Mais cette option est tellement rentable pour les propriétaires que ces mesures d’encadrement peinent à enrayer le phénomène, d’autant que les locations illégales demeurent très nombreuses, et que les plateformes font preuve d’un zèle tout relatif pour les combattre.
La proposition de loi d’Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz doit désormais être examinée par le Sénat, avant de revenir devant l’Assemblée nationale.