Pour que l’appui technique et juridique apporté à l’État dans le cadre du marché public « Repreneurs » soit efficient et garantisse un résultat mesurable aux banques et investisseurs, il est essentiel d’y inclure l’analyse de la capacité qu’auront les entreprises suivies par le CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle) à mettre en œuvre les mesures prévues par les plans de restructuration.
Face au flot d’entreprises en difficulté, l’appel lancé par Bercy aux cabinets privés doit intégrer la dimension opérationnelle
Fin décembre 2024, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) de la Direction générale du Trésor publiait un marché public pour être épaulé dans la gestion de dossiers de restructuration et/ou transformations d’entreprises[1]. Un sujet « chaud » au regard des derniers chiffres publiés sur les défaillances : près de 66000 procédures collectives enregistrées en 2024 contre 56760 en 2023, soit +17% selon une étude EY publié début février 2025. Récemment, la DGE évoquait des éléments d’explication[2]. Mais les perspectives restent sombres pour 2025, même si EY anticipe une légère accalmie et une stabilisation autour de 64500 défaillances[3].
Ce marché public intitulé « Repreneurs » - comme en 2021 - comprend 6 lots : conseil en stratégie, appui opérationnel, recherche de solutions de reprise ou de réindustrialisation, missions d’audit financier, recherche de financements, missions d’appui juridique.
A la lecture de cette liste, deux points de vigilance semblent à considérer : s’assurer que l’aide apportée à l’Etat par les cabinets retenus porte aussi sur la capacité opérationnelle de l’entreprise à mettre en œuvre le plan de restructuration élaboré. Et que l’expertise technique et juridique soit complétée et enrichie par des retours d’expérience et un savoir-faire terrain, tels ceux que prodigueraient des pairs entrepreneurs. L’analyse financière et juridique seule ne suffit plus en effet pour garantir un rebond durable, a fortiori dans le contexte actuel de permacrise.
Cette approche de recours aux “have-it-done“ (”ceux qui l’ont déjà fait”) a déjà été adoptée aux États-Unis. Fidèles à leur pragmatisme légendaire, les acteurs américains du restructuring s’en sont en effet déjà emparés il y a un peu plus d’un an. Ils ne se contentent plus des diagnostics financiers (ou IBR), ils font également réaliser des diagnostics opérationnels (ou OBR). En combinant une vision financière claire et une analyse approfondie des défis opérationnels, les chances de succès sont accrues.
Ce qu’ils font au travers de l’OBR ? Analyser l’organisation interne, les compétences disponibles, les capacités de production, les points forts autant que les points faibles, sans oublier les facteurs humains type fatigue et stress que vivent le l’équipe dirigeante et les collaborateurs dans les situations de difficultés économiques. Un seul but : s’assurer que le plan à 100 jours post-restructuring atteignent les objectifs fixés et que les efforts consentis soient profitables à moyen terme et assurent la pérennité de l’entreprise.
Leur botte secrète pour que ces OBR soient pertinents et efficaces est de faire appel à des operating partners, c’est-à-dire à d’anciens chefs d’entreprise qui ont été personnellement, financièrement et émotionnellement engagés dans le développement de leur entreprise. Très souvent, outre la réalisation du diagnostic, ils leur confient ensuite la mise en œuvre des actions préconisées afin d’assurer l’exactitude et le réalisme du contenu de l’OBR.
Dans la plupart des cas, et quel que soit le pays, un chef d’entreprise confronté à des difficultés économiques ou à un retournement de marché, commence par ajuster sa stratégie financière sous l’impulsion de la banque, créancier, actionnaire ou acquéreur potentiel. En France, le CIRI peut l’aider à élaborer et à mettre en œuvre des solutions permettant d'assurer la pérennité et le développement de sa société. La clé du succès se trouve néanmoins ailleurs, i.e. dans l’exécution du plan de restructuration. En intégrant la dimension opérationnelle, le CIRI apporterait aux dirigeants un réel atout pour réenvisager l’avenir. Penser les conditions à respecter et dresser des plans pour se relancer, c’est bien, mais c’est avoir la capacité de les appliquer qui garantira un rebond pérenne.