Comment les écosystèmes alimentaires doivent évoluer pour limiter leurs impacts sur le changement climatique ?

Nous ne sommes pas sans ignorer aujourd’hui l’impact que l’agriculture et l’alimentation peuvent avoir sur l’environnement, dû notamment aux émissions de gaz à effets de serre que celles-ci produisent. La façon dont nous nous nourrissons affecte notre santé, mais aussi celle de notre planète.

Nicolas Bureau
Par Nicolas Bureau Modifié le 10 janvier 2023 à 11h14
Salaire Moyen Agricultueurs 2016 2
Comment les écosystèmes alimentaires doivent évoluer pour limiter leurs impacts sur le changement climatique ? - © Economie Matin
8%8% de la surface agricole en Europe est biologique.

Comme toutes les industries, qui actuellement réfléchissent et effectuent leur transition énergétique, celle de l’alimentation doit elle aussi repenser ses modèles de production et de consommation alors que le défi qui l’attend est de taille : nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse tout en faisant face aux dégâts (sécheresse, inondations, déforestation…) déjà causés par le réchauffement climatique qui impactent l’agriculture.

En France, les modes de production ont parfois de lourdes conséquences sur l’environnement : utilisation d’engrais et pesticides, dégradation des sols et des réserves en eau, forte consommation d’énergie, élevage et alimentation des animaux etc., l’agriculture occupe 54 % du territoire et génère 20 % des émissions de gaz à effet de serre.(1)

Des solutions sont déjà imaginées et mises en œuvre, comme l’expansion des forêts, la restauration des écosystèmes et l'agriculture durable. Elles permettent de limiter l’impact néfaste du secteur, mais nous ne pouvons pas uniquement concentrer nos efforts à restaurer ce qui a été abîmé. Il est également urgent de repenser notre façon de produire et de consommer.

L’agriculture animale au cœur des préoccupations

L'agriculture animale est le principal moteur de la déforestation et la demande de viande mondiale ne fait qu'augmenter. L'expansion des pâturages pour le bétail est responsable de 41 %(2) de la déforestation tropicale, tandis que le soja et l'huile de palme (dont la plupart est utilisée pour l'alimentation animale) en entraînent 18 %(3). Le passage à des pratiques agroécologiques nécessiterait une réduction de 43 % de la consommation de produits animaux (Sustainable Food Trust). C’est avec ces données en tête que les spécialistes à travers le monde combinent tous leurs efforts pour trouver de nouveaux systèmes alimentaires capables de nourrir la population à l’échelle mondiale, tout en étant plus respectueux des ressources de la planète.

La piste principale envisagée est celle de la viande végétale et cultivée. Une industrie qui utilise jusqu'à 95 %(4) de terres en moins et qui permet de satisfaire la demande mondiale tout en créant de l'espace pour la nature. La viande cultivée permet la production de produits animaux à partir de cellules, contribuant ainsi à la résolution des problèmes associés à l’élevage industriel, en matière de bien-être animal, de sécurité alimentaire via une meilleure traçabilité mais aussi d’émissions de gaz à effet serre. Si depuis quelques années, on observe de plus en plus de marques et investisseurs prendre le pas de la viande végétale et recevoir l’appui des gouvernements, la viande cultivée n’en reste encore qu’à ses balbutiements et on observe que la France accuse un retard par rapport à ses voisins. Aux Pays-Bas, le gouvernement a investi un total de 60M€ dans le développement d’un écosystème autour de la viande cultivée, auquel s’ajoutent 25M€ provenant d’investisseurs(5). Selon leurs estimations, d’ici 2050 le marché devrait croître de 1,25 à 2,0 milliards d'euros. Israël est encore plus avancé puisque le gouvernement a investi en 2021 500M de dollars dans l'écosystème et le pays a construit cette année la première structure de production de viande cultivée au monde. C’est encore Singapour qui pourra éclairer le mieux ces pays précurseurs, puisque début décembre 2020, la cité-Etat a été la première à autoriser la mise sur le marché de viande cultivée. Le très respecté GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) considère cette nouvelle alternative comme une solution très enthousiasmante.

Pour les gouvernements les plus frileux, comme c’est aujourd’hui le cas de la France, le danger réside dans le fait que les Français se retrouvent à consommer des produits fabriqués ailleurs, puis importés, et que la France rate l’opportunité de compétitivité qu’offre le développement des protéines alternatives. En matière de viande cultivée, il y a fort à parier que la recherche, l’offre mais surtout les mentalités évoluent au cours de la prochaine décennie, de la même manière qu’elles ont évolué sur la question des protéines végétales au cours des dernières années. En effet, il y a encore 10 ans, peu de personnes auraient parié voir autant de choix de viandes végétales sur les étals de nos supermarchés, mais aussi dans les cuisines de nos chefs, en 2022.

Proposer aux consommateurs des protéines durables

En tant que professionnels du secteur, nous demandons aux gouvernements de consacrer plus de financements publics à la recherche en libre-accès et au développement pour faire progresser la science mondiale. Afin de permettre l’adoption de nouvelles habitudes alimentaires, il est impératif de faire avancer la rechercher pour pouvoir proposer aux consommateurs des protéines durables, avec une texture et un goût irréprochable.

Pour repenser un nouvel écosystème alimentaire, il est également nécessaire de donner la priorité aux politiques axées sur la transition qui facilitent et accélèrent le passage de l'élevage animal à la production durable de protéines alternatives. C’est ici un point crucial pour revitaliser les économies rurales et le maintien des emplois. Changer nos habitudes alimentaires, et donc notre écosystème agricole, devient impératif au vu des challenges auxquels nous sommes confrontés. Mais ce n’est pas une mince affaire. Les gouvernements devraient inclure la transition vers les protéines durables au sein mêmes des plans de lutte pour l’environnement. Scientifiques, consommateurs, agriculteurs, investisseurs, entreprises et gouvernements doivent marcher main dans la main vers une objectif commun. Celui de préserver notre santé et notre environnement.

1 source ADEME : Quel est l’impact de notre alimentation sur l’environnement ?
2 source Nature
3 source Our World in Data
4 source CE Delft
5 source Green Queen

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Nicolas Bureau

Directeur de l’Institut Protéus (ex-Agriculture Cellulaire France)

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