Les exploitations agricoles européennes se diversifient pour lutter contre les problèmes d’approvisionnement de denrées alimentaires

Une plus grande diversification pourrait aider l’agriculture à résister aux crises climatiques, économiques et géopolitiques.

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Par Horizon Modifié le 20 février 2023 à 8h40
Agriculture Changement Europe Exploitation
Les exploitations agricoles européennes se diversifient pour lutter contre les problèmes d’approvisionnement de denrées alimentaires - © Economie Matin
8%8% de la surface agricole en Europe est biologique.

Ces derniers temps, les mentions «Les articles de ce rayon sont disponibles en quantité limitée en raison de problèmes de production de nos fournisseurs», «Désolé, article provisoirement indisponible» et «Épuisé» ont fleuri dans les rayons et les bouleversements mondiaux récents ont montré à quel point notre chaîne d’approvisionnement alimentaire peut être fragile.

Nombreux étaient les rayonnages vides dans les supermarchés lorsque la pandémie de COVID-19 a entraîné une interruption du trafic des biens. La guerre en Ukraine a affecté l’approvisionnement en céréales.

Mais l’accélération du changement climatique devrait provoquer des perturbations bien plus importantes encore. D’après les chercheurs, la solution face à ce risque réside en partie dans la capacité des exploitations agricoles à devenir plus polyvalentes et à combiner différentes activités telles que cultures, production animalière et exploitation forestière. Une telle évolution aurait aussi pour avantage de rendre l’agriculture plus durable. 

Pour le docteur Sara Burbi, professeure assistante à l’Université de Coventry au Royaume-Uni jusqu’en décembre 2022 et aujourd’hui chercheuse indépendante, la COVID-19 a entraîné une véritable prise de conscience.

«Tout à coup, nous avons pu nous rendre compte directement de ce qui se passe lorsque les chaînes de valeur ne résistent pas aux crises et lorsque la mondialisation, avec toutes ses subtilités, ne fonctionne plus», indique-t-elle. «Nous avons vu des systèmes agricoles ultra spécialisés s’effondrer parce qu’ils dépendaient d’intrants extérieurs auxquels ils n’avaient pas accès.»

D’après Mme Burbi, le changement climatique pourrait entraîner des crises mondiales encore plus sévères allant de mauvaises récoltes généralisées à des baisses de rendement ou à des dégâts dus aux inondations. Il est essentiel de rendre l’agriculture plus durable pour que les approvisionnements en denrées alimentaires puissent supporter l’impact du changement climatique et des crises imprévues à l’échelle locale, nationale voire mondiale.

Des combinaisons bénéfiques

Lorsqu’elle était en poste à l’Université de Coventry, Mme Burbi a coordonné le projet AGROMIX financé par l’UE, qui court jusqu’à fin octobre 2024.

Dans le cadre de ce projet, des exploitations agricoles pilotes de toute l’Europe essaient de combiner culture et élevage sur un seul site (agriculture mixte) et d’associer des activités agricoles et forestières (agroforesterie). Une approche agricole mixte peut, par exemple, consister à élever des volailles dans des vergers. Les résultats mettent en évidence des synergies intéressantes et des effets prometteurs, notamment des améliorations en termes de qualité des sols.

«Pendant longtemps, les activités forestières et agricoles ont été considérées comme opposées, face aux incitations à une utilisation de plus en plus spécialisée des terrains», explique Mme Burbi. «Ceci a entraîné une baisse de fertilité des sols et un déclin marqué de la biodiversité, ainsi qu’une dépendance accrue aux intrants externes afin de compenser ces désagréments.» 

Un système combiné peut donner un coup de pouce au cycle des nutriments présents dans le sol et nécessaires à la pousse. Il peut aussi aider à réguler la qualité de l’air et de l’eau, prévenir la dégradation du territoire et même fournir sur site la biomasse et l’alimentation nécessaires au cheptel.

Une exploitation suisse a ainsi pu constater que l’agriculture mixte aidait à préserver la qualité du sol tandis qu’une agriculture plus spécialisée avait tendance à l’appauvrir.

Le projet AGROMIX impliquera douze sites pilotes et neuf sites expérimentaux dispersés dans trois zones de climat différent (atlantique, continental et méditerranéen). Le but est ainsi d’adresser des recommandations aux agriculteurs pour les inciter à produire tout en améliorant la durabilité et la résilience de leurs activités face au changement climatique.

Bien que l’agriculture mixte soit pratiquée depuis longtemps, ce n’est que récemment que les scientifiques ont commencé à mesurer les données biophysiques de ces sites et à apporter des preuves réelles des approches qui donnent des résultats.

Le projet a permis de déterminer que la présence d’arbres dans les pâturages apporte des avantages quantifiables en termes de santé et de bien-être animal, en particulier par très forte chaleur, puisqu’ils leur apportent un ombrage plus que salutaire.

Les arbres et bocages peuvent aussi compenser les émissions de gaz à effet de serre générées par le bétail, augmenter la capacité de séquestration du carbone du terrain, offrir un lieu propice à la biodiversité et aider à prévenir les inondations.

Le projet souhaite travailler en étroite collaboration avec les agriculteurs en prenant en compte leurs besoins et leurs priorités.

«L’intégration des connaissances peut autonomiser les principaux acteurs, dans ce cas les agriculteurs, afin de les encourager à évoluer vers une agriculture durable», ajoute M. Burbi.

La prochaine étape consistera à élaborer des systèmes agricoles parfaitement indépendants sur le plan énergétique et, par conséquent, encore plus respectueux de l’environnement.

Action au niveau des forêts

Le projet MIXED de l’Université d’Aarhus, au Danemark, financé par l’UE, s’attache aussi à combiner des systèmes d’agriculture mixte à l’agroforesterie dans le but de rendre l’agriculture encore plus efficace et résiliente.

«Il n’est pas seulement question ici de rentabilité. Une efficacité environnementale et climatique est aussi à la clé», explique le professeur Tommy Dalgaard, coordinateur du projet. «L’agriculture doit pouvoir résister au changement, à tous les types de changements.»

En collaboration avec quelque 100 agriculteurs européens, le projet MIXED a permis de mettre en place des réseaux afin d’étudier les différentes possibilités d’utiliser l’agriculture mixte et l’agroforesterie.

De nombreux enseignements peuvent être tirés des techniques d’agroforesterie traditionnelle utilisées dans la vallée du Tage, au Portugal, un système aussi appelé «Montado».

«Le bétail paît sous de gros chênes lièges souvent centenaires», indique M. Dalgaard. «En hiver, ils peuvent labourer et cultiver de petites parcelles de céréales pour avoir une récolte d’hiver, puis ils peuvent y faire paître le bétail à la saison sèche.»

Ces espaces verts végétalisés sont rendus possibles par les chênes qui créent de l’ombre et maintiennent le cycle de l’eau.

Face au risque induit par la sécheresse pour les chênes, les chercheurs du projet essaient également de trouver le meilleur moyen de protéger le système et de l’adapter à de nouveaux espaces.

Les exploitations danoises ont adopté une autre approche en cherchant des façons d’utiliser le taillis pour créer des puits de carbone. Le taillis est une technique d’élagage qui consiste à couper les arbres au niveau du sol afin de donner naissance à de nouveaux rejets depuis la base pour former un arbuste.

Ces nouveaux arbustes sont généralement coupés tous les dix à vingt ans pour servir de biocombustible. Entre temps, ils offrent un abri et de l’ombre aux animaux de grande valeur élevés en plein air, comme les truies et leurs porcelets. La taille des arbustes pour créer un paillis aide aussi à améliorer la qualité du sol en évitant d’avoir à les brûler.

Le but ultime du projet est de constituer une base de données européenne répertoriant des exemples d’agriculture mixte et d’agroforesterie, afin d’en montrer les avantages tout en formulant des meilleures pratiques. L’objectif est ainsi d’inciter davantage d’agriculteurs à adopter des méthodes d’agriculture mixte et d’agroforesterie et de les y aider.

«Nous avons besoin d’exemples concrets», indique M. Dalgaard. «Nous possédons aujourd’hui des exemples réels d’agriculteurs, de paysages agricoles et de chaînes de valeur qui ont obtenu des résultats en faisant les choses autrement.»

Plus d’infos

AGROMIX

MIXED

Recherches financées par l’UE dans l’agriculture et le développement rural

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

2 commentaires on «Les exploitations agricoles européennes se diversifient pour lutter contre les problèmes d’approvisionnement de denrées alimentaires»

  • « Entre temps, ils offrent un abri et de l’ombre aux animaux de grande valeur élevés en plein air, comme les truites et leurs porcelets ».
    Serait-ce le résultat d’une manipulation génétique ratée ?

    Répondre
    • Merci M. Deligny d’avoir identifié cette coquille.
      Nous l’avons corrigée
      Bien à vous,

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