Le 27 mars 2025, l’Agirc-Arrco, régime de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, a publié ses résultats financiers pour l’année 2024. Ces annonces attendues surviennent dans un contexte de tension budgétaire croissante autour de la réforme des retraites et de la soutenabilité des régimes. L’occasion de revenir en détail sur le rôle de cette institution incontournable du système français de retraite et de décrypter, chiffres à l’appui, ce que cachent réellement ces fameux « bons résultats ».
Agirc-Arrco : l’excédent record de 2024, un pactole en sursis ?
Des résultats 2024 flatteurs pour le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire
L’Agirc-Arrco, caisse de retraite complémentaire obligatoire pour les salariés du privé, a dévoilé un excédent de 4,6 milliards d’euros pour l’année 2024, contre 6 milliards d’euros en 2023. Ce résultat cumule un excédent technique de 1,6 milliard d’euros — différence entre les cotisations perçues et les pensions versées — et 3 milliards d’euros issus des performances de gestion financière, selon le communiqué officiel du 27 mars 2025.
Malgré une hausse des charges de +5,7 %, principalement due à la revalorisation des pensions (1er novembre 2023 : +4,9 % ; 1er novembre 2024 : +4,6 %), l’institution parvient à maintenir une trajectoire positive. Un tour de force dans un contexte de ralentissement économique et d’augmentation continue du nombre de bénéficiaires.
Mais la bonne santé du régime ne doit pas masquer ses fragilités : les ressources ont crû plus lentement, victimes collatérales d’une économie qui stagne et a du mal à se relancer. La croissance de la France, en 2024, n’aura été que de 0,9 %, et les prévisions pour 2025 restent basses.
La retraite complémentaire Agirc-Arrco : pilier du système privé… et de plus en plus convoité
Créé par les partenaires sociaux et géré par répartition, l’Agirc-Arrco couvre 59 millions d’assurés, dont 27 millions de salarié·e·s actifs, 14 millions de retraités et 1,8 million d’entreprises. Le régime fonctionne sans dette, avec une réserve de 85,6 milliards d’euros à fin 2024. Une manne qui, comme le rappellent Les Échos dans leur article du 27 mars 2025, suscite des convoitises à peine voilées du côté de l’État.
Brigitte Pisa, vice-présidente du régime, résume ainsi cette robustesse dans Le Figaro : « Par ces bons résultats, l’Agirc-Arrco démontre l’efficacité de son pilotage paritaire, orienté vers un seul objectif : garantir le paiement des retraites à chaque génération, sans peser sur les générations futures ».
Pour autant, l'optimisme de façade masque des tensions internes : le succès du pilotage financier cache mal les effets démographiques à venir, d'autant plus que l’État ne cesse de rappeler que « nul fonds de réserve n’est sanctuarisé ».
2024, année charnière pour les règles du jeu de la retraite complémentaire
Cette année a vu la mise en œuvre de plusieurs décisions importantes pour les affilié·e·s. Parmi les plus notables :
- Suppression du coefficient de solidarité (malus) de 10 % qui s’appliquait aux nouvelles pensions liquidées à taux plein, une mesure saluée mais qui représente une perte de recettes estimée à 500 millions d’euros par an dès 2024.
- Revalorisations automatiques des pensions pour compenser l’inflation : une double hausse en novembre 2023 et 2024, fixée respectivement à +4,9 % et +4,6 %.
- Augmentation du nombre de retraité·e·s servis, avec une progression continue liée au vieillissement de la population active.
Quant aux valeurs de points, elles sont désormais fixées à 1,4159 euro pour la valeur de service en 2025 (c’est-à-dire le montant annuel correspondant à un point acquis) et 18,7669 euros pour la valeur d’achat . Ces paramètres définissent directement le montant des pensions pour chaque retraité·e.
Dans son rapport annuel, le régime se félicite d’avoir respecté les objectifs de simplicité, performance et transparence, trois axes de son mandat paritaire. Pourtant, la croissance modérée des cotisations, due au contexte macroéconomique, souligne la vulnérabilité du modèle à moyen terme.
Agirc-Arrco : un trésor sous surveillance pour la retraite
Les résultats 2024 de l’Agirc-Arrco sont à la fois rassurants… et inquiétants. Rassurants, parce qu’ils démontrent qu’un pilotage rigoureux, adossé à une stratégie d’investissement efficace, peut maintenir l’équilibre sans recourir à l’endettement. Inquiétants, car ils risquent d’attirer des pressions politiques croissantes sur une réserve perçue comme un gisement budgétaire par certains responsables publics.