Accueil d’un enfant : vers un congé parental plus long et mieux payé ?

Le 12 décembre 2024, la Cour des comptes a publié un rapport très attendu sur la politique d’accueil des jeunes enfants en France. Face à une situation qualifiée de critique, l’institution appelle à des réformes en profondeur.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 13 décembre 2024 à 6h31
Accueil d’un enfant : vers un congé parental plus long et mieux payé ?
Accueil d’un enfant : vers un congé parental plus long et mieux payé ? - © Economie Matin
449 EUROSLe congé parental est indemnisé 449 euros par mois.

Le manque de places en crèche, la pénurie de professionnels et une gestion budgétaire jugée inefficace menacent aujourd'hui l’équilibre du système. Dans ce contexte, la Cour propose plusieurs changements radicaux pour améliorer l’accueil des enfants dans les familles, notamment un allongement des congés parentaux et maternité, une meilleure prise en charge financière et un rééquilibrage entre les modes d’accueil collectif et individuel.

Congé parental : insuffisamment long et pas assez indemnisé

La Cour des comptes recommande d’allonger le congé maternité d’un mois, ce qui porterait sa durée à 20 semaines pour les deux premiers enfants. Objectif : répondre à une crise structurelle. En effet, la France se distingue par un congé maternité relativement court comparé à d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette durée, combinée à un congé parental faiblement indemnisé à hauteur de 449 euros par mois, pousse de nombreuses familles à chercher des solutions d’accueil dès les premiers mois de leur enfant.

Dans son rapport, la Cour des Compte dévoile qu’en allongeant le congé maternité et en augmentant l’indemnisation des congés parentaux, il serait possible de réduire la demande de places d’accueil formelles de 70 000 unités. Ce qui représenterait une économie importante pour les finances publiques, avec un coût net estimé à 360 millions d’euros par an, bien inférieur aux 3 milliards nécessaires pour créer 200 000 nouvelles places en crèche d'ici 2030. Ce changement dans les dépenses traduit une volonté de privilégier des solutions familiales et moins coûteuses, tout en répondant à une réalité : près de 40 % des enfants en bas âge en France n’ont pas de mode de garde adapté.

Cependant, cette proposition soulève des questions. Le coût des congés parentaux prolongés sera-t-il équitablement réparti entre l’État, les familles et les employeurs ? Et comment s’assurer que cette mesure n’aggrave pas les inégalités entre les familles disposant d’un revenu suffisant pour prolonger leur congé et celles qui en sont financièrement incapables ?

Accueil des enfants : préférer les accueils individuels

En parallèle, dans son rapport publié le 12 décembre 2024, la Cour des Comptes plaide pour une valorisation des modes d’accueil individuels, tels que les assistantes maternelles et la garde parentale. Actuellement, les crèches absorbent l’essentiel des financements publics, bien qu'elles soient le mode de garde le plus coûteux. Selon le rapport, la France pourrait gagner en efficacité en recentrant ses efforts sur des solutions plus flexibles et accessibles. En particulier, la garde par des assistantes maternelles, qui représente une alternative souvent négligée, est jugée plus adaptée à de nombreuses situations, notamment dans les territoires ruraux.

Toutefois, cette orientation se heurte à un défi de taille : la moitié des assistantes maternelles en activité aujourd'hui partiront à la retraite d'ici 2030. Cette situation, combinée à la baisse constante du nombre de nouvelles entrées dans la profession, risque de créer un goulet d’étranglement dans les années à venir. La Cour appelle donc à des mesures incitatives pour attirer davantage de professionnels dans ce secteur, notamment en revalorisant les salaires et en améliorant les conditions de travail.

De plus, la Cour recommande une réforme de la prestation de service unique (PSU), le système de financement actuel des crèches. Ce dernier, basé sur une rémunération horaire, incite selon elle à maximiser les taux d’occupation, souvent au détriment de la qualité de l’accueil. À la place, l'institution propose un financement forfaitaire calculé à la demi-journée, une approche qui pourrait alléger les contraintes administratives et limiter la pression exercée sur les équipes.

Dépenses publiques pour les jeunes enfants : l’état en fait trop, les familles riches pas assez

L’un des aspects les plus critiques du rapport concerne la gestion des dépenses publiques. En 2022, les financements liés à l’accueil des jeunes enfants se sont élevés à 16,1 milliards d’euros, financés à 90 % par l’État. La part des familles, quant à elle, reste marginale, avec une contribution de seulement 8 %, tandis que celle des employeurs s’élève à 3 %. La Cour des comptes estime que ce modèle est non seulement déséquilibré, mais également inefficace. Elle propose d’augmenter la participation des familles les plus aisées tout en maintenant des dispositifs d’aide pour les foyers modestes.

Par ailleurs, le rapport souligne des disparités territoriales importantes. Certaines régions, notamment en milieu rural, sont sous-dotées en solutions d’accueil, alors que les zones urbaines souffrent d'une saturation des infrastructures existantes. Une famille sur cinq ne parvient pas à trouver une solution de garde adaptée, et ce chiffre grimpe encore pour les salariés aux horaires atypiques, qui peinent à concilier vie professionnelle et obligations familiales.

Pour répondre à ces défis, la Cour appelle à une refonte globale du système, qui inclurait une meilleure répartition des ressources et une coordination renforcée entre les acteurs locaux, les départements et l’État. Elle insiste également sur la nécessité de développer une stratégie nationale interministérielle, intégrant des objectifs clairs en matière de qualité d’accueil, d’équité et d’attractivité des métiers de la petite enfance.

La qualité d'accueil d'un enfant, un impératif négligé

Au-delà des questions financières, la Cour s’inquiète de l’impact des pressions économiques sur la qualité des services. Selon elle, le système actuel favorise une approche quantitative, souvent au détriment des conditions d’accueil des enfants. Les taux d’encadrement, pourtant réglementés, ne sont pas toujours respectés, et les professionnels de la petite enfance dénoncent régulièrement une dégradation de leurs conditions de travail.

La qualité de l’accueil est pourtant cruciale, non seulement pour le bien-être des enfants, mais aussi pour leur développement cognitif et social. La Cour invite donc les pouvoirs publics à adopter des mesures plus ambitieuses pour améliorer les standards, notamment en renforçant la formation continue des professionnels et en instaurant des mécanismes d’évaluation réguliers.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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