35 heures : avant d’augmenter le temps de travail, d’abord réduire le temps perdu

Oser parler d’emblée d’augmentation du temps de travail pour faire des économies, réduire le déficit et en conséquence la dette de la France, ce n’est pas sérieux. Que l’on juge que le temps de travail est insuffisant est une chose. Que l’on veuille améliorer la performance en est une autre. Souhaiter accroître l’activité, augmenter la croissance, le PIB et les recettes de l’État pour faire croître le PIB, pourquoi pas ? Mais pour ça, il faut réduire le temps perdu. Si l’efficacité est essentielle, c’est l’efficience qui a besoin d’être développée.

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Par Jacques Martineau Publié le 14 octobre 2024 à 5h30
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Cette idée d’augmentation du temps de travail n’est pas récente. On n‘a jamais cessé d’en parler depuis l’installation des 35 heures. Le refrain revient régulièrement. « On augmente, on réduit, on maintient le temps de travail » à chacun sa vérité. D’aucuns oublient que les premiers pas sous la Vème République se faisaient à 45h par semaine, puis 40h et très vite à 35h. Un slogan qui a aussi fait son temps : « en réduisant le temps de travail, on crée de l’emploi … » On voit le résultat…

Évaluation du temps perdu !

Le premier effort à faire est de rattraper le temps perdu. Pour les « dirigeants » de grandes sociétés, comme pour les « patrons » de petites et moyennes entreprises, c’est le gâchis de temps de travail qui est le plus important des handicaps. La haute administration, la fonction publique et la multiplication des organismes et des agences contribuent à ce gâchis.

Pour les plus grandes entreprises, incluant les EPIC, on compte 25% de pertes sèches inopportunes (réunions, déplacements, fréquence, retards, réseaux sociaux, etc.) La non-adaptabilité au poste de travail (manque de formation, âge, etc.), comme le trop-plein de postes inutiles (structures et organisation), s’évaluent à hauteur de 12%. S’ajoutent l’absentéisme naturel ou provoqué facilement chiffrable et le sous-emploi des disparus de l’entreprise (10%). Au total, avec 47% de perte, c’est 53% du temps légal qui est utilisé au travail. Pour compenser ce manque d’environ 10% pour être efficace, un surcroît de travail donc de présence est indispensable. Le temps de présence dépasse les 35h pour s’élever à 38h en moyenne, également dans le public. Pour atteindre les objectifs, ce seront des dépassements d’horaires, et un travail stressant de chaque instant correspondant à un ensemble comptable au moins égal aux 100% légaux. Le tout compensé pardes aménagements d’horaires, des heures supplémentaires, des compensations, des RTT, des primes, etc.

De l’efficacité à l’efficience…

A l’impossible nul n’est tenu. Un temps au travail maximum pour les « grands ensembles » les plus performants est de l’ordre de 65%. Les 35% restants servent à une forme de temps disponible à gérer par le collaborateur. De 53% à 65%, il existe une marge d’amélioration de l’ordre de 10%. Le passage de l’efficacité à l’efficience conduit à la performance, qui va faire la différence. Un management d’expérience saura optimiser l’organisation du travail et de la gestion du temps pour atteindre la performance. A noter que les entreprises de tailles intermédiaires (ETI) se retrouvent dans cette évaluation. Pour les petites entreprises (10 à 49 salariés), le temps réel consacré au travail est de 58%. La marge de progrès est voisine de 7%.

Dans tous les cas, une amélioration sensible de l’efficience, même de quelques pour cent à une retombée directe sur l’activité de l’entreprise, son chiffre d’affaires, son résultat net et ses bénéfices. Ce plus se traduit par de nouvelles embauches, sans parler d’un retour vers les salariés.

En revanche pour l’administrative publique, l’évaluation est plus délicate à cause de la diversité des tâches, de la nature de la gestion, du temps de présence. La notion de moyenne ne peut être interprétée comme généralisable. Le temps perdu est de 55%. Pour les agences et organismes de faible taille, il approche les 65%. Les marges de progrès ne sont malheureusement jamais exploitées, d’autant qu’au départ, le handicap est de l’ordre de 10% avec un horaire hebdomadaire de 33h/semaine. Même si le dépassement de temps de travail est fréquent, la moyenne générale est plus faible que dans le privé.

Alors s’attaquer au gâchis en réduisant le temps perdu, pour être plus performant et retrouver la croissance, est la priorité avant de parler d’augmenter le temps de travail !

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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