Alors que les Européens semblent privilégier le temps libre, les Américains boostent leur économie en travaillant davantage. Cette divergence dans l’approche du travail n’est pas sans conséquences sur les performances économiques des deux régions.
Plus de travail, plus de croissance ? Le modèle américain à la loupe
Une croissance plus importante aux États-Unis qu’en Europe
En 2024, les États-Unis prévoient une croissance économique de 2,1 %, suivie d'une progression de 1,7 % en 2025. Par contraste, dans la zone euro, on s'attend à une croissance plus modeste du PIB, estimée à 0,6 % en 2024 et à 1,3 % en 2025. Les perspectives à court terme restent mitigées en raison de conditions de crédit plus strictes, même si la situation devrait s'améliorer progressivement avec le renforcement des revenus.
L'écart important de croissance entre les États-Unis et l'Europe fait réfléchir. On attribue généralement la supériorité économique américaine à ses abondantes ressources naturelles et à une capacité supérieure d'innovation. Cependant, Nicolai Tangen, le dirigeant du gigantesque fonds souverain norvégien, Norges, propose une perspective différente. Il suggère que la véritable raison derrière cette dynamique économique américaine est la quantité de travail fournie par les Américains, qui est nettement supérieure à celle de leurs homologues européens.
Une différence du rythme de travail
En Europe, la réglementation du travail est bien plus stricte qu'aux États-Unis. Des limites sur le temps de travail hebdomadaire, comme la semaine de 35 heures en France, impactent directement le nombre d'heures travaillées. Selon, l'OCDE, un américain travaille 1811 heures par an en moyenne, soit 15% de plus qu’un Européen (1571 heures). En conséquence, le salaire annuel moyen d’un Américain (environ 70.123 euros) est plus élevé que celui d’un Français (environ 40.000 euros). D'ici 2024, les États-Unis devraient offrir les salaires moyens les plus élevés parmi les pays de l'OCDE. Par ailleurs, les droits obtenus par les syndicats, comme les congés payés, tendent à réduire le temps passé au travail comparativement aux États-Unis où de telles régulations sont moins contraignantes.
Les différences culturelles jouent également un rôle majeur. Le modèle américain, où l'on valorise les longues heures de travail et le dévouement au bureau, se traduit par une croissance économique robuste et un PIB par habitant nettement supérieur à celui de nombreux pays européens. Aux États-Unis, la réussite est souvent mesurée par la progression de carrière et l'accumulation de richesses, poussant ainsi les individus à maximiser leurs heures de travail. En Europe, en revanche, un équilibre plus marqué entre vie professionnelle et personnelle est recherché, particulièrement après la pandémie, accentuant le désir des travailleurs de réduire leurs heures au bureau.
Un impact réel sur la croissance économique
Les États-Unis, réputés pour leur modèle économique axé sur une charge de travail importante, affichent une performance économique qui se distingue nettement de celle de l'Europe. En 2023, le produit intérieur brut (PIB) par habitant aux États-Unis s'élevait à 85 370 dollars, illustrant une nette progression depuis 2016, où il était de 58 180 dollars. En comparaison, la France, représentative des économies européennes, a vu son PIB par habitant passer de 38 350 dollars en 2016 à 47 360 dollars en 2023.
Cet écart, qui s'est accru de 50 % à 80 % en sept ans, témoigne d'une croissance américaine plus vigoureuse, alimentée en partie par une plus grande quantité de travail, réfléchissant ainsi une productivité accrue. Bien que travaillant plus, les Américains ne jouissent pas nécessairement d'une meilleure qualité de vie. Malgré un engagement accru au travail, beaucoup aimeraient réduire leurs heures, tandis que les Européens, avec moins d'heures de travail, bénéficient d'une meilleure qualité de vie et d'une espérance de vie prolongée.
La hausse de la fiscalité en cause en Europe et en France ?
En 2021, le taux d'imposition moyen sur le revenu d’un américain était de 15,7% d'après l'OCDE. En comparaison, en France, le taux d’imposition sur le revenu est de 45%. Selon l'économiste Edward Prescott, l'augmentation des taxes sur le revenu en Europe a réduit la motivation à travailler plus, élargissant le fossé avec les États-Unis, où les impôts plus bas encouragent plus d'heures de travail.
Il faut toutefois noter qu’en Europe, les taux d'imposition des travailleurs célibataires à salaire moyen varient considérablement, avec certains pays affichant les charges fiscales les plus élevées. En tête de liste, le Danemark impose à 55,9 %, suivi de près par l'Autriche à 55 %, le Portugal à 53 %, la Suède à 52,3 %, et la Belgique à 50 %. Ces pays sont généralement ceux d'Europe occidentale et parmi les plus développés, reflétant un niveau élevé de services publics financés par ces impôts. À l'opposé, des pays comme la Roumanie, la Bulgarie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, et la Macédoine du Nord ont les taux les plus bas, à seulement 10 %.
Pourquoi les Danois soutiennent-ils leur forte fiscalité ?
Les Danois perçoivent les impôts élevés non pas comme un fardeau, mais comme un investissement stratégique dans l'avenir du pays et la qualité de leur vie quotidienne. Cette perspective est renforcée par le classement constant du Danemark comme deuxième pays le plus heureux du monde, selon le World Happiness Report de 2023. Avec un taux d'imposition atteignant 55,9 %, les citoyens bénéficient d'un niveau élevé de services publics qui contribue directement à leur bien-être général.
L'imposition élevée au Danemark finance une société plus égalitaire, offrant des opportunités uniformes à tous ses citoyens, quel que soit leur sexe ou leur statut socioéconomique. L'éducation, notamment l'enseignement supérieur, est largement financée par l'État, allégeant les charges économiques des familles. De plus, le système de « flexicurité » danois garantit une flexibilité sur le marché du travail tout en offrant sécurité et soutien, notamment à travers des congés parentaux étendus et un filet de sécurité en cas de chômage.