OPINION
La Réunion traverse une grave crise actuellement, plus dure qu’en France. Son fort taux de chômage (35 à 40% selon les estimations, plus de 60% chez les jeunes) et la pauvreté désormais majoritaire (52% de la population sous le seuil de pauvreté national, 80% en se basant sur la vie chère locale) démontrent une précarité croissante et omniprésente dans le département.
Ces évolutions négatives ne sont pas sans effet. La délinquance, le crime, les violences gratuites augmentent significativement ces dernières années. Le racisme aussi, jusque dans les plus hautes sphères politiques où la préférence régionale est dressée en projet de société. On n’est pas loin du climat délétère des années 30 en Allemagne avec la montée du nazisme… Climat dont l’aboutissement serait la République bananière et indépendante.
Pourtant la Réunion a tous les atouts pour s’en sortir. Economie peu développée à fort potentiel d’innovation et de création d’emplois, importants budgets publics venus de France et d’Europe, nouvelle génération formée et riche de matière grise, statut d’outre-mer lui ouvrant la voie d’expérimentations sociales telles que l’allocation universelle, lui permettant de négocier avec l’Etat des spécificités économiques comme la défiscalisation, la Réunion a toutes les cartes en main pour se développer, faire jaillir le plein emploi, en finir avec la pauvreté et l’insécurité. Pour prospérer dans la paix et la fraternité. Alors qu’est-ce qui coince ?
Un capitalisme prédateur
Dans une économie classique, ce sont les ménages et les entreprises qui investissent pour créer de nouvelles activités, de nouvelles entreprises, de nouveaux emplois, en somme une nouvelle économie. Les nouvelles entreprises se nourrissant de l’activité des anciennes et vice versa, créant un cercle vertueux, celui du développement endogène.
Malheureusement à la Réunion, il existe de grands groupes issus de la période coloniale qui interdisent ce développement. Par leur position dominante sur l’économie, ils agissent comme des monopoles agressifs pour empêcher toute concurrence et in fine la création d’entreprise. Ces grandes entreprises vont jusqu’à mettre sur la paille des PME innovantes (cf. affaire SOGECORE/Moussajee) pour les empêcher de croître et cela avec la complicité du « milieu » présent jusque dans les institutions, dans la Justice. De fait le secteur privé historique n’est pas favorable au développement, d’autant plus que l’apparition d’une concurrence l’obligerait à réduire ses marges abusives, donc ses profits. Quant aux ménages ils n’ont pas les fonds nécessaires pour investir étant souvent au chômage, sans patrimoine et spoliés par la vie chère.
La dictature des tropiques made in France
Dans un tel contexte, c’est au pouvoir politique d’agir. La France et l’Europe envoient d’importants budgets à la Réunion. Le Département dispose d’1,5 milliard d’euros par an, la Région 800 millions et le FEDER lui octroie 3 milliards tous les 6 ans. Ces fonds sont censés servir le développement, l’investissement afin de faire croître l’économie réunionnaise et ses emplois (comme l’aide internationale dans les pays en développement).
Mais les politiques réunionnais ne le font pas. Ils préfèrent utiliser ces finances pour des contrats précaires dans le public et l’associatif - non productifs - et dont les revenus repartent fatalement dans la consommation d’importations, à l’extérieur de l’île.
Ainsi ce sont 30 000 contrats aidés qui sont distribués chaque année. Ils confortent les élus dans leur pouvoir puisqu’avec les proches des bénéficiaires de ces contrats, ce n’est pas moins d’un tiers des suffrages exprimés qui sont subordonnés aux politiques. De plus les finances publiques sont largement détournées. Quel parti politique réunionnais peut prétendre ne pas avoir dans ses rangs un élu ayant dérobé des millions d’euros d’une collectivité locale, d’une SEM ou d’une association financée par le public ? Aucun…
La corruption est partout. Au grand dam de la population qui reste sur le carreau et à la merci du moindre billet de cent euros offert par le candidat passant dans sa rue. Eh oui, c’est ça les élections à la Réunion… Un concours d’achat de mendiants. Des caisses noires alimentées par le détournement des fonds publics et des appels d’offres des collectivités donnés à l’entreprise la plus reconnaissante en rétro commissions (souvent la plus chère !). Là encore aucun parti ne peut prétendre ne pas avoir d’élu condamné pour fraudes électorales, pour corruption, ces pratiques désastreuses pour la démocratie et le développement.
Cet argent noir est également utile pour payer des nervis, des petites mains, pour faire taire les lanceurs d’alerte, ceux qui voudraient témoigner de la corruption généralisée, y apporter des solutions. Leader d’un mouvement citoyen comptant 10 000 sympathisants, révélateur de fraudes électorales, porteur d’un projet global pour la Réunion, riche de liens avec le monde artistique, associatif et économique, je suis dérangeant pour le système. Harcèlement, insultes, rumeurs, agressions et menaces de mort sont devenus mon quotidien. Rien que ces deux derniers mois, j’ai échappé à un lynchage collectif au sabre et à des jets de pierres.
No future
Alors avec de tels dirigeants peu scrupuleux, la jeunesse – moins malléable que ses aînés - se sent flouée. Parfois il lui arrive d’organiser de chaudes émeutes. Elle exprime ainsi sa colère, sa lassitude d’une vie sans avenir. Son destin est bouché par le chômage de masse et la fatalité des minima sociaux qui ne permettront pas d’affronter la vie chère sans cesse plus forte (29% d’inflation pour le chariot-type juste sur l’année écoulée…).
La Réunion est une bombe à retardement et ses dirigeants croient pouvoir l’apaiser de temps à autre avec des mesurettes pour relâcher la pression sociale. Mais le fait est qu’ils se sont totalement discrédités. Ils sont dépassés et rejetés par la population. Leur illégitimité et leur incompétence est patente. Notre île se retrouve face au mur. Ou elle laisse ces pseudo élus l’envoyer dans ce mur ou elle se réveille de son coma intellectuel pour rejoindre ces Lumières qui ont refusé de pactiser avec le système (j’ai moi-même décliné des postes rémunérés à 6 000 €/mois), qui osent dire la vérité et porter des solutions pour une Nouvelle Réunion.