La première phase du Top14 a rendu son verdict le week-end dernier. Et si elle a couronné un Stade Toulousain record, c’est un autre club en rouge et noir qui a retenu mon attention cette saison, tant son ascension vers les plus hautes sphères semble inéluctable.
Ce club, c’est bien évidemment le LOU Rugby qui a progressé d’année en année pour terminer cette saison à une très solide troisième place du Top14, faisant de lui le principal outsider au Bouclier de Brennus. Une récompense qui ne semble pas pouvoir échapper, dans un avenir proche, à un club dont le modèle économique est exemplaire. J’en ai parlé à Yann Roubert, son président.
Un projet 100% rhodanien
D’entrée, ce dernier tient à nous rappeler le passé prestigieux de son club « plus que centenaire créé en 1896 et double vainqueur du bouclier dans les années 30 ». Une façon de s’affranchir de l’image d’un nouveau riche sans histoire qui pourrait lui être accolée, comme pour d’autres avant lui. Champion de France quelques décennies avant son voisin footeux, le LOU est en effet une institution à laquelle le groupe GL Events a su redonner un second souffle.
Depuis l’arrivée de son actionnaire majoritaire alors qu’il végétait en Pro D2, le club a réussi à se construire un projet à dimension internationale tout en restant très ancré localement. GL Events est ainsi une société lyonnaise et contribue à profiter du principal atout du club : être adossé à une métropole et une région particulièrement dynamique économiquement. Une région où, contrairement à ses rivaux du sud-ouest qui se marchent sur les pieds, il ne doit pas partager public et sponsors avec trop de concurrents.
Yann Roubert insiste d’ailleurs sur l’importance de « la population d’1,5 million autour de Lyon pour développer et pérenniser son public et les revenus commerciaux qui vont avec ». Un avantage commercial, mais pas seulement. La région lyonnaise, c’est aussi une véritable tradition rugbystique avec 60 000 licenciés. Un terreau idéal de recrutement pour les équipes de jeunes qui ont pris le relais de Bourgoin-Jallieu comme porte-étendard de la région. C’est bien simple, si l’on élargit au quart Sud-Est du pays, le seul rival de premier plan est le RC Toulon. Cela laisse de la place.
Un club construit autour de son stade
Ce potentiel sportif et économique, Yann Roubert souhaite l’exploiter en s’adossant sur un outil exceptionnel, le Matmut Stadium de Gerland. Depuis qu’il a investi les lieux - non sans faire grincer des dents Jean-Michel Aulas - en janvier 2017, le LOU a centré toute sa stratégie de développement autour de l’exploitation de l’ancien stade de l’Olympique Lyonnais. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le club n’a pas fait les choses à moitié !
En effet, selon son président, pas moins de 40 millions d’euros ont été investis pour « transformer le stade en véritable lieu de vie regroupant toutes les équipes du club de l’école de rugby jusqu’aux pros, le siège social, une brasserie, une boutique, des espaces réceptifs accueillant 200 événements par an… ». Un pari ambitieux mais rentable puisque le club a signé un bail emphytéotique de 60 ans avec la mairie lui garantissant, à l’année, l’exploitation exclusive de l’arène de 35 000 places. Du pain béni lorsque l’on sait que le cœur de métier de son actionnaire majoritaire est l’organisation d’événements…
Un avantage concurrentiel majeur que le club est pourtant encore loin d’exploiter au maximum, il suffit de jeter un œil aux statistiques pour s’en convaincre. Alors, qu’avec 35 000 places, le LOU possède le plus grand stade dédié au rugby en France, il n’a atteint qu’un taux de remplissage moyen de 59%, le troisième plus faible du championnat. Et malgré cela, l’affluence moyenne est la sixième plus importante du Top 14. Une marge de progression considérable dont ne bénéficient pas la grande majorité de ses concurrents.
Le bon élève du Top 14 décidé à régner
D’ailleurs, en dépit de ce potentiel inexploité, le club rhodanien est celui qui a, et de très loin, réalisé le plus de bénéfices la saison passée. Le rapport de la DNACG, organe de contrôle des comptes des clubs professionnels n’a d’ailleurs pas manqué de saluer le bon travail réalisé par le club, montré en exemple. Avec un bénéfice net de 6,7M€, le LOU a atteint un niveau inédit dans le rugby professionnel français. La comparaison avec les 18M€ de déficit du Stade Français est édifiante.
S’il s’est refusé à confirmer ou commenter ces chiffres, Yann Roubert a cependant confirmé que l’exploitation immobilière des « Jardins du LOU», un ensemble de 28 000 m2 de bureaux, devaient permettre au club d’avoir des rentrées d’argent substantielles, à même d’asseoir son fonctionnement sur un socle particulièrement stable et solide. Selon la DNACG, pour la saison dernière, le LOU présentait déjà le chiffre d’affaires le plus important du Top 14, loin devant le Racing 92 ou Clermont. Un club auvergnat dont Yann Roubert concède volontiers s’inspirer, notamment dans son ancrage local et son fonctionnement avec Michelin.
Finalement, on est très loin du “rugby cassoulet” et des clubs dépendants de la générosité d’un mécène. À défaut d’être la danseuse d’un vendeur de jus de fruits ou de médicaments, tributaire du bon vouloir d’un “papy gâteau”, le LOU Rugby se construit patiemment pierre après pierre.
Certes, il est encore un outsider médiatique. Selon l’infographie d’IQUII Sport ci-dessus, le club lyonnais (125.000 fans) est pour l’instant le moins suivi des qualifiés pour les phases finales du Top 14 sur les réseaux sociaux. Il reste un grand retard à combler sur le Stade Toulousain (964.000 fans), presque millionnaire en abonnés.
Mais il est un réel exemple de développement économique rationnel et pérenne qu’il convient de saluer et que nombre de ses rivaux seraient bien inspirés de suivre s’ils veulent exister sur la durée. Puis, cette stabilité amènera résultats donc engouement populaire, qui ne seront que bénéfiques pour le LOU Rugby.
Quoi qu’il arrive lors des phases finales, il va désormais falloir compter avec Lyon qui pourrait bien déplacer vers l’est l’épicentre du rugby hexagonal pour devenir, très rapidement, la capitale du ballon ovale. Ce n’est qu’une question de temps.