En interne, on les surnomme les « équipiers ». Tous membres de la Force d’Action Rapide du Nucléaire (FARN) créée après la catastrophe de Fukushima, ces « pompiers du nucléaire » sont spécialisés dans la conduite, la maintenance, la radioprotection et la logistique nucléaires. Formés pour intervenir en moins de 24 heures sur n’importe quel site français, ils sont mobilisés en cas de situations extrêmes et les équipes qu’ils constituent font partie intégrante du dispositif de gestion de crise. Un renforcement des mesures de sûreté mis en place par la France après Fukushima, qui pourrait bien devenir un nouveau standard international.
Le « noyau dur »
Onde de choc d’ampleur internationale, l’accident de Fukushima, survenu le 11 mars 2011, a confronté l’industrie nucléaire à ses failles. Déjà sourcilleuse sur le sujet de la sécurité de ses infrastructures, la France n’en a pas moins décidé de passer au crible les dispositifs existants, et de les amender. Au lendemain de l’événement, à la demande de François Fillon, Premier ministre d’alors, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à été chargée de réaliser un vaste audit de sûreté sur l’ensemble des installations nucléaires françaises. Des « Evaluations complémentaires de sûreté » (ECS) ont par ailleurs été réalisées. Elles avaient notamment pour objectif de déterminer les marges de sûreté dont disposaient les centrales nucléaires vis-à-vis des risques extrêmes de séisme et d’inondation. Analysées par l’ASN, appuyée pour l’occasion de l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) et du Groupe permanent d’experts chargés des réacteurs (GPR), elles ont conduit à l’invention du concept de « noyau dur ».
Mais que recouvre exactement ce concept ? Le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer entend par « noyau dur » « un nombre limité de dispositifs matériels et organisationnels destinés à assurer les fonctions vitales pour la sûreté des installations y compris en cas d’événements extrêmes au-delà des marges de sûreté actuelles ».
La FARN, la force d’intervention d’élite du nucléaire
Conséquence de ces exigences de renforcement sécuritaire, la création, dès 2012, de quatre bases régionales sur les sites nucléaires de Civaux (Vienne), Dampierre (Loiret), Paluel (Seine Maritime) et Bugey (Ain). Véritables centres de crise « bunkerisés » équipés de moyens autonomes de réalimentation en eau, en air et en électricité (groupes électrogènes, diesel d’ultime secours de moyenne puissance et de grande capacité, appoint d’eau ultime, etc.), ces centres de crise servent également de bases stratégiques et d’entrepôts de stockage de véhicules d’intervention aux membres de la FARN.
Agents volontaires sélectionnés selon leur compétences pour représenter l’intégralité des corps de métier présents dans une centrale nucléaire, ces hommes et femmes spécialement formés (obtention de permis poids lourd, mise en condition lors d’exercices grandeur nature etc.) partagent leur temps de travail entre entrainement et activité professionnelle.
Concrètement, il s’agit pour les exploitants de centrales de disposer d’équipes de spécialistes du nucléaire, capables d’apporter soutien logistique et capacité d’appui aux équipes d’exploitation de centrales confrontées à des scénarios extrêmes (rejets radioactifs, fusion du cœur nucléaire, etc.) en un temps record (moins de 24 heures selon EDF).
En investissant plus de 150 millions d’euros dans la création de cette force d’action rapide sur les 10 milliards consacrés au renforcement de la sécurité des centrales, EDF devient le premier exploitant au monde à se doter d’une force spéciale complémentaire à son dispositif de gestion classique de sûreté. Les quatre bases de la FARN devraient compter 300 membres d’ici fin 2016. De lourds investissements qui devraient permettre à l’exploitant nucléaire de prévenir l’éventualité d’une nouvelle catastrophe ou, du moins, d’en limiter considérablement la progression.
La France distinguée par l’AIEA
A ce durcissement des standards de sécurité des centrales est venu s’ajouter un renforcement du cadre réglementaire de sureté nucléaire. Transparence accrue, encadrement du recours à la sous-traitance, principe du démantèlement au plus tôt, suivi renforcé au-delà de 40 ans, contrôles assidus de l’ASN, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 et son ordonnance du 11 février 2016 complètent en l’anticipant le dispositif de réaction matériel et organisationnel mis en place par les exploitants nucléaires.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont les OSART (Operational Safety Assessment Review Team) sont également chargées d’évaluer les centrales françaises, a récemment distingué la France en lui reconnaissant 17 bonnes pratiques en matière de sûreté nucléaire. Parmi elles, la FARN, qui pourrait bien devenir un nouveau standard international en matière de sûreté.