Marché du travail : et si on anticipait enfin les transitions professionnelles ?

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Par Patrick Levy-Waitz Publié le 2 décembre 2014 à 3h38

Après le Colloque de la Fondation ITG Travailler autrement qui a accueilli le Ministre du Travail, son président livre son analyse sur le marché de l'emploi français, toujours en tension.

Depuis des décennies et singulièrement depuis des mois, le débat français sur l'emploi se joue autour du contrat de travail. Le Contrat unique comme l'alpha et l'Oméga d'une réforme a venir du marché du travail nourrit un débat sans fin. Les uns plaidant pour un CDI unique et les autres pour un CDD unique : la belle affaire.

La dualité croissante du marché du travail est pourtant bien le mal français par excellence. En quelques décennies, deux catégories de salariés se sont développées et ne cessent de s'écarter l'une de l'autre comme une dérive des continents. D'un côté, les insiders, dont l'emploi est garanti par des diplômes solides et des protections importantes. De l'autre, les outsiders, exposés aux grands vents des mutations technologiques et économiques que la mondialisation fait souffler sur nos entreprises.

Notre système social a été pensé à l'époque du CDI automatique avec à la clé 40 ans de carrière dans une même société. Il ne correspond plus à l'économie du 21ème siècle faite de cycles courts et d'adaptation constante. Chacun sait que l'on ne reviendra pas en arrière, que l'on ne rigidifiera pas les statuts comme en 1945.

Ni fuite en avant, ni retour en arrière, nous devons simplement cesser de réformer par le prisme purement juridique, purement technique, qui relègue la vie des personnes, l'enjeu humain et culturel propre à notre pays au rang de commodités.

Un changement de paradigme s'impose. Il nous faut créer un système social qui réponde à une question centrale : la peur du vide, de l'inconnu entre deux statuts, entre deux phases professionnelles qui saisit trop de Français. Ils ont compris que les métiers d'aujourd'hui ne seront pas ceux de demain. Cette anxiété légitime exige de donner à chacun une aptitude à la mobilité.

Face à nous, un enjeu de taille : faciliter les transitions professionnelles de tous ceux qui, par choix mais surtout par nécessité, empruntent des parcours non-linéaires. Selon un récent sondage de la Fondation ITG Travailler autrement, les salariés français sont lucides: 93 % des cadres estiment que « chacun connaîtra dans sa vie professionnelle plusieurs transitions et reconversions » . Dès lors, comment les accompagner et les rassurer pour que ces transitions soient vécues comme une opportunité et non plus comme un drame ?

Tout n'est pas à construire et pourtant, malgré les outils existants, le sentiment d'insécurité domine. Ce paradoxe tient à une cause simple: les Français n'utilisent que très peu les dispositifs de transition professionnelle, qu'ils trouvent complexes ou ne trouvent tout simplement pas.

Prenons l'exemple d'un ouvrier de la chimie, dans une branche en pleine mutation technologique et dont l'emploi est condamné à échéance de trois ans. Dans le meilleur des cas, son entreprise informera le CE quelques mois avant que le couperet tombe. S'engagera une négociation ardue entre partenaires sociaux dans un climat de tension générale qu'il subira.

Imaginons qu'il dispose d'un numéro vert. Au bout du fil, un agent de transition professionnelle lui explique que la filière dans laquelle il travaille n'offre plus de débouchés à horizon des trois ans. On lui propose un rendez-vous pour examiner ses droits et faire un bilan de compétence. Il décide d'utiliser ses droits à la formation sur un tableau de bord présentant l'ensemble de ses droits. La prestation est débitée automatiquement en un seul clic depuis ce site.

Au bout de trois mois de réflexion, il opte pour une formation qualifiante longue de technicien spécialisé dans la recherche du secteur de la santé. Une filière d'avenir que la région où il réside, anticipant le bouleversement dans la chimie, a développé en lien avec le Centre national des mutations économiques. Une technopole a été créé dans ce sens et accueille déjà trois entreprises du secteur, demandeuses de profils comme le sien. Quand l'employeur de l'ouvrier annonce la prochaine fermeture de l'usine, celui-ci sait déjà qu'un nouveau métier l'attend au sein d'une entreprise dans sa région. Une transition accompagnée lisible et sans peur du lendemain.

Une véritable réforme du marché du travail serait une portabilité totale des droits, rattachés à la personne, offrant simplification et lisibilité des dispositifs au service des salariés. A deux conditions : le pilotage des conséquences des mutations économiques d'une part et une ambitieuse utilisation du digital.

Au 21ème siècle, face à des parcours discontinus, les salariés ne doivent plus avoir peur du vide. A nous de leur bâtir de solides passerelles entre deux emplois, deux métiers ou deux statuts. Pour que la souplesse dont ont besoin les entreprises, devienne un enjeu de tous plutôt qu'un combat des uns contre les autres !

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Entrepreneur engagé, Patrick Levy-Waitz est un expert en accompagnement humain du changement et un spécialiste des enjeux managériaux et sociaux. Très actif dans les organisations étudiantes, il commence son activité professionnelle au sein d'une agence de communication. Appelé comme médiateur dans la crise du CIP auprès du Premier Ministre, Patrick Levy-Waitz s'engage ensuite au sein d'Equilibre qui est alors la plus grande organisation humanitaire de logistique et de transport en Europe, et dont il devient délégué général en 1993. En 1996, intègre Dynargie, un cabinet de conseil en stratégie et en management des relations humaines dont il conduit le rachat avec ses équipes en 2000 pour le développer et le fusionner, en 2005, avec le Groupe Altedia. Il devient directeur général adjoint d'Altedia en 2007, chargé du développement et des fonctions supports du Groupe. Parallèlement à ses fonctions de direction, Patrick Levy-Waitz crée en 2001 la société eGoPrism puis eGoPrism Talent Management en 2011, qui proposent des outils d'évaluation et d'accompagnement managérial élaborés en partenariat avec de grands centres de recherche, aujourd'hui utilisés par des multinationales et reconnus parmi les outils les plus fiables du marché. En 2011, Patrick Levy-Waitz conduit le rachat d'ITG, premier groupe français de portage salarial, qu'il préside aujourd'hui. Depuis 2012, il est également Vice-président du syndicat des Professionnels de l'Emploi en Portage Salarial (PEPS). En novembre 2013, il est à l'initiative de la création de la Fondation ITG Travailler autrement, vers les nouvelles formes d'emploi, think-tank qui étudie et met en avant les innovations et les transformations en matière d'emploi et d'organisation du travail. Il dirige aujourd'hui le Groupe Missioneo, comprenant ITG (portage salarial), Missioneo.com (plateforme de missions) ainsi que Trajectoires Missioneo (formation et accompagnement). Patrick Levy-Waitz est l'auteur de deux ouvrages, « J'aime ma boite, elle non plus » (Hachette Littératures, 2006) et « Lapsus Politicus » (Les éditions du moment, 2011).      

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