Production mondiale d’or : vers une chute de 30% en 10 ans ?

Schwartz Or
Par Laurent Schwartz Publié le 24 février 2020 à 5h16
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11,5%En 2019 la production minière d'or s'est effondrée de 11,5%.

Le chiffre a retenu l’attention des professionnels présent début février à une conférence du secteur minier en Afrique du Sud. Mark Bristow, le patron de Barrick Gold (2ème producteur mondial) a affirmé, étude à l’appui, qu’une baisse de la production mondiale de métal jaune de l’ordre de 30% dans les 10 ans à venir était probable.

Recul de la production d’or en 2019

Ces propos font écho aux derniers chiffres du Conseil Mondial de l’Or : en 2019, pour la première fois en plus de 10 ans, la production mondiale de métal jaune a reculé. Une baisse certes modeste, de l’ordre de 1%, mais néanmoins symbolique car elle intervient dans un contexte de cours élevés. D’ordinaire, des cours élevés incitent en effet les sociétés minières à pousser au maximum leur capacité de production…

Mais cela n’est pas toujours possible et l’exemple des Etats-Unis est parlant : en 2019 la production minière d’or s’est effondrée de 11.5%. La faute, selon l’agence géologique américaine, à la chute de la concentration en or dans minerais extraits.

En clair, à mesure qu’elles sont exploitées, les mines s’épuisent. Et Mark Bristow est bien placé pour le savoir : dans les mines de Barrick au Nevada, il a fallu remuer 189 millions de tonnes de roches pour produire 68 tonnes d’or. Soit une concentration de seulement 0,36 gramme d’or par tonne.

Peu de nouveaux gisements…

Pour maintenir le niveau de production d’or, il faudrait donc remplacer les mines qui s’épuisent par de nouvelles. Et dans l’industrie minière, on dit que les budgets d’exploration d’aujourd’hui font les découvertes de demain et les mines d’après-demain.

Mais l’exploration est une entreprise coûteuse et risquée car dans l’ensemble, l’or « facile à trouver » l’a été. Les nouveaux gisements découverts sont moins nombreux, plus petits, plus profond et moins concentré en or que par le passé.

L’exploration est donc de plus en plus délaissée par les grands groupes qui ont pourtant les capitaux pour le faire. Ceux-ci préfèrent sonder autour de leurs sites d’exploitation existants pour découvrir de nouvelles poches, et laisser de petites entreprises prendre tous les risques d’exploration, quitte à les racheter lorsqu’elles ont fait une découverte significative. C’est ainsi que plus de la moitié des découvertes sont faites par de petites sociétés, avec un revers de la médaille : les budgets d’exploration du secteur ont été divisé par presque trois depuis leur plus haut de 2011-2012.

…et encore moins de nouvelles mines

Même si la chance sourit aux chercheurs d’or (qui ne sont aujourd’hui plus armés de pioches, mais d’algorithmes), encore faut-il transformer les gisements en mines. Pour de bonnes raisons (normes environnementales, conditions de sécurité, autorisations, etc.) mais aussi de moins bonnes (pays politiquement instable, manque d’infrastructures, etc.), développer une mine est une affaire complexe et risquée. Certains sites ne seront d’ailleurs jamais exploités, et pour ceux qui le seront, cela prend du temps. On estime ainsi que 20 ans après leur découverte, moins de la moitié des gisements sont en exploitation.

Deux bonnes nouvelles pour le cours de l’or

Quelles conséquences tout ceci pourrait-il avoir ? En premier lieu, le cours de l’or obéissant aux lois de l’offre et la demande, il parait assez clair (toutes choses égales par ailleurs), qu’une baisse de la production de 30% sur la décennie à venir constituerait une bonne nouvelle pour les détenteurs de métal jaune.

Mais il y en a une deuxième, moins évidente : pour toutes les raisons évoquées plus haut, les coûts de production d’une once d’or sont en hausse quasi-constante. Ils tournent aujourd’hui autour de 1000 dollars l’once chez les plus gros producteurs mondiaux.

Pourquoi est-ce une bonne nouvelle ? En raison de ce que les économistes appellent « l’inélasticité de l’offre » : il est en effet difficile d’augmenter la production d’or quand le cours grimpe ; en revanche il est beaucoup plus facile de la réduire lorsque le cours baisse, notamment s’il passe en dessous du coût de revient. Il suffit par exemple de réduire les cadences dans les mines les moins rentables…Ainsi la production d’or s’ajuste plus rapidement à la baisse du cours qu’à la hausse.

Autrement dit, le coût de production agit comme un plancher théorique en dessous duquel le cours ne peut pas durablement baisser. Une sorte de protection pour l’investisseur, et une protection qui se réévalue régulièrement.

Pendant longtemps, pour comprendre l’évolution du cours de l’or on pouvait se contenter d’analyser la demande. A l’avenir, on ne pourra plus ignorer les contraintes de l’offre.

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Schwartz Or

Directeur Général du Comptoir National de l'Or

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