Manuel Valls aime l'entreprise. Arnaud Montebourg devient entrepreneur. S'il n'est pas question ici de démontrer une quelconque convergence idéologique, l'information n'aura échappé à personne.
Que n'aura donc provoqué chez Arnaud Montebourg la déambulation en marinière Armor Lux ? Ses habits de défenseur de l'industrie française, son idylle consumée avec les start-ups de la French Tech, l'incitent à se convertir en futur créateur d'une entreprise innovante dans le domaine médical. Quel choc ! Lors de ces derniers mois passés à Bercy, il avait pourtant commencé à habituer ses interlocuteurs à une possible candidature à la prochaine échéance présidentielle.
L'ancien ministre aurait-il été touché par l'esprit entrepreneurial ? L'évocation de Lucius Quinctius Cincinnatus, symbole de l'homme politique vertueux et désintéressé par le pouvoir, lors de son discours de passation, nous donne un premier indice.
La parole politique ne fait plus recette auprès des citoyens français. Et cela Arnaud Montebourg l'a bien compris, percevant dans l'entrepreneuriat le mécanisme du renouveau et de la virginité qui manque aux « revenants » et à un personnel politique nécrosé.
Mais son retour, pour être crédible, devra nécessairement passer par la repentance ; car Arnaud avant d'être entrepreneur fut pêcheur il n'y a pas si longtemps encore. Pour comprendre ce qui va se passer, il suffit de se plonger dans les écrits historiques pour y retrouver ce qui deviendra sans doute la référence de notre nouveau repenti : Paul de Tarse, dit Saint Paul. Envoyé à Damas pour persécuter les premiers chrétiens, ce dernier dit avoir reçu une vision du Christ qui provoqua sa conversion à la religion de ses adversaires.
La comparaison avec Arnaud Montebourg est ici facile, ce dernier étant envoyé par le mandat de la primaire socialiste redresser le monde de la finance et punir sévèrement les patrons. Sur son chemin de Damas, le missionnaire aura parcouru les Ministères à caractère économique. Dans les contrées reculées des centres du pouvoir, il aura aussi entendu les Français crier leur désamour des partis politiques : 92 % clament leur défiance (enquête Ipsos Steria de janvier 2014) et seulement 8 % estiment les partis. A l'opposé 84 % des personnes interrogées déclarent avoir confiance dans les PME pour redresser l'économie de notre pays.
Ses convictions en sont bouleversées, contrairement à ce qu'il pensait ces chrétiens entrepreneurs qu'il voulait persécuter, ne sont pas si mauvais. Au contraire, ils seraient bons, bons pour l'économie, bons pour l'avenir du pays. Car les entrepreneurs prêchent la réussite de la France dans une économie mondialisée qui doit se battre constamment si elle veut garder de sa superbe.
Sa conversion est actée par son intégration à l'INSEAD, une école qui forme de futurs cadres et dirigeants d'entreprises à vocation internationale, où il pourra acquérir les codes capitalistiques et appréhender les stratégies de Titan ou Mittal, où il pourra appréhender les vertus de la concurrence qu'il qualifiaient en son temps de guerre des prix ravageuse dans les télécoms. Du non à la démondialisation qui était sa solution, il va au contraire aimer le monde des entreprises responsables dans une économie qu'il faut mieux réguler telle que la conçoit Jean Tirole : une concurrence mais une concurrence qui régule les asymétries qui se créent.
Si le chemin de croix n'est pas encore terminé, Montebourg va nous avouer un jour que la gauche - cette gauche qu'il aime, qu'il veut sauver, qu'il veut emmener avec lui - doit comprendre l'économie telle qu'elle lui a été révélée.
Et naturellement, lui seul pourra garantir aux disciples de cette gauche qu'il ne les trahira pas et lui seul pourra les guider vers un nouveau territoire.
Voila ce que va être sa nouvelle posture : Saint Arnaud, Apôtre des nations et des électeurs de gauche, bâtisseur d'une gauche moderne enfin ouverte à l'économie.