Les portiques écotaxe ne « deviendront jamais des radars » déclare Royal : pourquoi elle ment

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 29 novembre 2022 à 10h08

Promis juré, la main sur le coeur, les portiques écotaxe ne deviendront pas des radars. Vous pouvez le croire, c'est Ségolène Royal qui l'a dit dans "C Politique" sur France 5. Sauf que cette promesse est tout bonnement intenable, car la tentation sera trop forte.

Quand Ségolène Royal affirme devant Caroline Roux que ces portiques ne serviront pas de radars, on voit très bien qu'elle ne connaît absolument rien à son sujet ! Jugez-un peu : Question : "Est ce que ces portiques vont-être utilisés pour autre chose ?", Réponse de Ségolène Royal : "Oui !". "Comment ?" demande Caroline Roux. "Et bien vous le saurez très prochainement, nous avons déjà plusieurs demandes". "Des radars ?" demande encore Caroline Roux. "Non. Non non." "Vous pouvez pas nous en dire... ?" demande encore Caroline Roux. "Et bien si par exemple des indications pour la gendarmerie euuhhh pour mesurer eeeuuhh les embouteillages, prévenir des intemperies etc. Donc Nous avons plusieurs pistes de revente de ces portiques, d'utilisation des technologies qui sont à l'intérieur de ces portiques".

On veut bien croire que Ségolène Royal ne s'attendait pas du tout à être interrogée sur les portiques ecotaxe. Même si on ne parle que de ca depuis des mois : Bonnets rouges, incendies et destructions massives, deux milliards d'indemnités à payer, hausse des taxes sur le gazole pour compenser... Un tout petit dossier.

L'info trafic en temps réel existe déjà depuis vingt ans

Mais quand même, quand Ségolène Royal affirme que les portiques pourront être "utilisés par la gendarmerie pour mesurer les embouteillages, prévenir des intempéries", on se pince !!! Comme bien des hommes et des femmes politiques, la ministre de l'énergie, de l'écologie et du développement durable, qui chapeaute aussi le secrétariat aux transports, doit passer le plus clair de son temps à l'arrière des voitures avec chauffeur. Sans doute ne sait-elle pas se servir d'un GPS. Et donc, elle ignore manifestement que les autoroutes (et tous les grands axes) n'ont pas besoin des portiques pour "mesurer les embouteillages". Depuis des décennies déjà les chaussées des grands axes routiers, et pas seulement les autoroutes, sont équipées de capteurs mesurant les flux de circulation. Ce sont ces données qui permettent d'afficher sur les GPS depuis parfois quinze ans la fameuse "info trafic" ! Le premier terminal grand public capable d'afficher l'info trafic a même été lancé en... 1997 en France : il s'agissait de Visionaute TM 2000. Les PC sécurité des autoroutes et des grands axes utilisaient déjà ces données depuis encore plus longtemps, bien avant que les GPS ne les rendent accessibles aux automobilistes. L'info trafic a d'ailleurs longtemps été une information payante pour les automobilistes, sur abonnement. Aujourd'hui, on la trouve gratuitement dans Google Maps et toutes les applications de cartographie sur smartphones, et quasiment tous les GPS...

Quant à la météo, pour le coup, les portiques ne seraient que des simples supports, pour des équipements qu'ils resterait à acheter, et dont l'utilité semble douteuse... En 2012, le nombre de morts sur autoroute était de "seulement" 143, soit moins de 4 % de l'ensemble des victimes françaises la même année ! Certes, les portiques ecotaxe sont aussi installés sur des routes nationales, mais la météo n'est pas la cause première des accidents (graves) sur les voies rapides, et de loin. La fatigue, suivie par l'alcool et la drogue et enfin la vitesse forment le trio infernal responsable de la majorité des accidents sur les grandes routes. La météo n'est une "cause secondaire" que dans moins d'un cas sur 10 !

Les portiques ecotaxe, de merveilleux "radars", difficiles à contester

Ségolène Royal ne connaît donc pas son sujet, ou nous banane grave. Les portiques ecotaxe sont en effet tous déjà équipés de caméras, sur toutes les voies de circulation qu'ils enjambent, permettant de prendre en photo les camions non équipés de boitiers transpondeurs à bord ! Ces portiques, plutôt que d'envoyer via Internet des photos des camions contrevenants, sont capables de reconnaître l'immatriculation, permettant ensuite aux autorités de percevoir la désormais défunte ecotaxe. Le tout, automatiquement bien entendu. Il n'y a pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour saisir l'usage qu'il peut être fait de ces équipements : Ces caméras peuvent prendre en photo toutes les plaques de tous les véhicules, et les transmettre avec l'heure de passage précise (à la seconde près). Quand le véhicule immatriculé CB 455 VH passera un autre portique situé sur la même route, il sera aisé (quelques lignes de code informatique suffisent) de calculer sa vitesse moyenne... On appelle cela un "radar de tranche". Et tout ça, pour le prix de quelques ajustements informatiques ! Une caméra qui prend un peu, ou beaucoup de photos, ne s'use pas plus...

Donc, oui, en résumé, attendez-vous à apprendre que les portiques ecotaxe, s'ils restent en place, se transformeront un jour prochain en "radars intelligents". Si votre vitesse est mesurée désormais entre un point A et un point B, et non seulement au passage devant le point A et le point B, bien évidemment, toutes les stratégies "anti-radars", avec avertisseur et coup de frein au bon moment ne servent plus à rien. Si sur 50 kilomètres vous avez fait du 141 moyenne, vous serez bon pour une prune. Et Ségolène Royal passera elle pour une pomme !

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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