Pour que les entreprises se portent mieux, faut-il y intégrer de l’empathie ? Certains spécialistes s’accordent à dire que oui, et assurent qu’une meilleure prise en compte des émotions au travail serait même facteur de performance. Décryptage…
L’échec des hiérarchies autoritaires dans les entreprises
Pendant longtemps, l’entreprise était un lieu où les émotions n’avaient pas nécessairement leur place. Les qualités de compassion ou d’empathie étaient plutôt perçues par les dirigeants comme de la vulnérabilité, annonçant une forme de faiblesse professionnelle. Certains chefs d’entreprise privilégiaient donc des approches plus autoritaires, voire agressives, avec leurs employés, convaincus de tirer davantage de bénéfices et d’efficacité.
Mais on connaît aujourd’hui les conséquences de ce type de management sur les salariés (mal-être au travail, burn-out, suicides, etc.). Force est de constater que l’entreprise est un lieu où réside l’humain et que les émotions y sont, de fait, présentes. D’autant qu’il est possible d’en tirer de réels bénéfices et de les utiliser comme de véritables moteurs. Ce sont, en effet, les émotions qui rythment les journées professionnelles, donnent l’impulsion aux différents projets à mener et dynamisent les relations professionnelles. Dans un certain sens, les nier reviendrait à être contre-productif.
Plus intéressant encore, le Global Empathy Index, chargé de mesurer le niveau d’empathie dans les entreprises, a mis en évidence que la prise en compte des émotions d’autrui dans le cadre professionnel favoriserait le succès financier des sociétés. Les entreprises qui intégreraient le plus l’empathie dans leur fonctionnement seraient aussi celles qui seraient les plus performantes. Et difficile d’en douter lorsque l’on voit s’afficher sur le haut du podium Facebook, Alphabet (Google), ou encore LinkedIn.
Vers l’émergence d’entreprises dites « empathiques » ?
Durant de nombreuses années, les entreprises permettaient aux salariés de répondre à leurs besoins primaires (sécurité économique, stabilité professionnelle, etc.). Mais le développement de la mondialisation, l’intensification de la crise économique et la montée du chômage, a mis à mal un besoin tout aussi fondamental : le besoin d’appartenance.
Pour se sentir heureux au travail, les salariés ont, en effet, besoin de sentir une cohérence entre leurs valeurs personnelles, éthiques et morales et les pratiques de l’entreprise. Cette cohérence peut transparaître à travers la culture d’entreprise et faciliter ainsi le fonctionnement d’une organisation.
Si l’on reprend l’exemple de Facebook, le groupe semble avoir intégré l’empathie au cœur de sa culture d’entreprise, comme une marque de fabrique. Il a notamment mis en place un laboratoire d’empathie, dont l’objectif est de permettre à ses ingénieurs de découvrir par eux-mêmes de quelle manière leurs clients utilisent leurs produits, qu’ils soient malvoyants ou malentendants.
En prêtant davantage attention à ses clients souffrant de handicap, le géant mondial a su véhiculer auprès de ses salariés un message empreint de valeurs fortes. Il a ainsi renforcé naturellement le sentiment d’appartenance de ses collaborateurs et donc leur engagement pour la société.
Les vertus du management empathique
Intégrée au système de management, l’empathie serait tout autant bénéfique à l’entreprise. C’est ce que tendent à démontrer les récents travaux de la Singapore Management University, qui indiquent que plus le leader développe des qualités d’attention, de présence et d’ouverture, plus ses collaborateurs se sentent bien, sont engagés et donc performants.
Ce que les anglo-saxons appellent le « Resonant leadership » permettrait de créer une atmosphère plus positive au travail, améliorant la motivation et la performance des collaborateurs, et donc, les résultats de l’entreprise. Un management plus humain qui s’avère être profitable sur tous les plans, que l’entreprise se porte bien ou qu’elle soit confrontée à difficultés financières ou organisationnelles, telles que les plans sociaux.
Alors, bien sûr, tous les managers ne sont pas naturellement enclins à l’empathie ou à l’altruisme. Par contre, certaines techniques appliquées au leadership, comme la sophrologie, permettent justement de faire émerger ces aptitudes. La méthode amène par exemple à développer ses capacités d’attention pour les autres, à percevoir le positif et à l’insuffler au sein des équipes. Elle aide aussi les managers à mieux gérer leurs émotions et, ainsi, à préserver leurs collaborateurs d’une pression ou d’un stress inutile.
Intégrer l’empathie au sein des équipes
Dans ma pratique de sophrologue, j’ai régulièrement été confrontée à la question du mal-être au travail, lors de mes interventions en entreprise comme des consultations en cabinet. La question des relations interprofessionnelles était régulièrement mise en avant par les personnes en proie à la souffrance professionnelle. Nombre d’entre eux soulignaient la présence de tensions en interne et de comportements jugés égoïstes ou dénués de solidarité. Face à ce constat, les salariés préféraient se mettre en retrait, creusant ainsi leur sentiment d’isolement et de vulnérabilité.
On sait aujourd’hui qu’un salarié qui se met marge de son équipe est aussi un salarié confronté au risque de burn-out. On sait aussi, à contrario, que la bonne ambiance fait partie des facteurs de bien-être au travail. Une ambiance positive qui, pour beaucoup, se traduit par des comportements d’entraide, de compassion et des marques d’intérêt de la part des collaborateurs.
Là encore, ces qualités peuvent être développées au sein des équipes, le plus souvent par la mise en place d’ateliers spécifiques ou de pratiques collectives. Les séances de sophrologie font partie des activités les plus prisées par les entreprises car elles offrent l’avantage d’aider chacun à développer son potentiel tout en forgeant, au fil des séances, une vraie dynamique de groupe.
Certaines séances, axées sur le développement de la collaboration, renforcent la cohésion de groupe ainsi que le travail en commun. Elles aident les salariés à s’ouvrir davantage aux autres, à développer un comportement altruiste ou à renforcer leur sentiment d’appartenance au groupe.
Alors si l’empathie n’est pas l’unique clé menant au succès d’une entreprise, elle semble en tout cas y contribuer largement. Et ce n’est pas étonnant si elle s’installe dans les entreprises les plus en vogue. Ce qui est sûr, c’est que ses bénéfices sont recherchés dans d’autres types d’organisations. C’est ainsi que l’on voit émerger dans les écoles des projets innovants où les élèves apprennent à décrypter leurs propres émotions et à mieux prendre en compte celles des autres. Une forme d’éducation à l’empathie, aux résultats déjà prometteurs, et qui, j’en suis sûre, portera ses fruits dans les entreprises de demain.