Alors que bon nombre d'entreprises en sont encore à mettre en place des plans de transformation digitale, arrive maintenant, avec l'avènement de l'IA, une vague encore plus profonde qui s'apparente à une vraie révolution industrielle. La désintermédiation et la digitalisation des métiers a déjà été un premier choc que beaucoup de secteurs ont pris de plein fouet. Il ne faudrait pas qu'il en soit de même avec l'IA.
L'IA, une révolution pour toute l'industrie
Après la robotisation, la mondialisation de la production, l'« Ubérisation » des services, l'IA est une révolution pour toute l'industrie, au même titre que l'a été l'électricité après la vapeur. « AI is new electricity » répète à qui veut l'entendre Andrew NG le créateur de Google Brain. En venant aider, remplacer et optimiser, l'IA va révolutionner tous les métiers mais surtout les structures de coûts des entreprises et donc leur compétitivité. Celles qui intégreront l'IA dans leur stratégie de développement assez tôt, en transformant et en optimisant leurs métiers, pourront se prémunir contre de nouveaux entrants et garder le même niveau de compétitivité face à leurs concurrents avant qu'ils ne s'équipent à leur tour. Ainsi, au-delà de la transformation digitale telle qu'elle est envisagée aujourd'hui, l'introduction massive de l'IA dans l'entreprise devient un challenge pressant, voire une nécessité pour survivre. Il y aura en effet ceux qui ont fait le choix de l'électricité et ceux qui seront restés à la vapeur.
L'IA telle qu'elle est aujourd'hui a cela d'extraordinaire qu'elle peut apprendre en se nourrissant de l'expérience de l'entreprise, de son historique, de ses données et du savoir-faire de ses métiers. Ces technologies de L'IA, qui apprennent plus qu'elles ne se programment, vont permettre d'automatiser des tâches dans tous les process de l'entreprise tant dans l'administration ou la gestion de celle-ci que dans son cœur de métier. Car c'est bien de gains de productivité immédiat qu'il est question ici, tant sur les coûts liés à la gestion et à la production que sur la valeur créée en optimisant des services ou en imaginant de nouveaux jusqu'alors impossibles, voire même impensables sans l'aide de l'IA. C'est la marge qui se trouvera directement impactée, que ce soit à travers des réductions de coûts de l'ordre de 30 à 50% ou de l'apparition de services qui généreront de nouvelles sources de revenus obtenues pratiquement à coût marginal.
Citons à titre d'exemple ces cabinets comptables équipés d'outils permettant non plus de lire mais de comprendre les factures de leurs clients et de les classer automatiquement dans les bons plans comptables. Ou encore ce grand assureur français qui a automatisé l'allocation d'un de ses fonds avec de l'IA en reprenant l'historique des dix dernières années pour obtenir, au final, de meilleurs scores que ses pairs humains et devenir un des fonds vedette de ce secteur. L'IA apprend de l'expérience, de l'historique et cette intégration peut être réalisée dans toutes les fonctions et dans tous les métiers. Mais encore faut-il comprendre ses capacités, ses limites et la forme qu'elle va revêtir.
Cette disruption technologique s'apparente au lent déploiement des systèmes d'information dans l'entreprise dans les années 80-90 qui a permis au final de structurer les process pour un meilleur pilotage des activités et de déboucher sur une première utilisation des données et du big data : la Business Intelligence (Le Descriptive Analytics). L'introduction de l'IA s'inscrit dans cette continuité mais va beaucoup plus loin en franchissant l'étape ultime de la recommandation et de l'action (Le Prescriptive Analytics).
Cette transition va s'opérer à travers les systèmes d'information où des parties entières de process encore absents, encore manuels ou semi-automatisés vont se trouver remplacés dans un premier temps par des outils « standalone » développés par de géniales start-up, puis par des produits standards avant d'être enfin intégrés dans les suites logicielles de gestion que sont les ERP. Restera le métier – comme d'habitude servi en dernier – sur lequel comme au bon vieux temps des systèmes d'information, des solutions sur mesure seront trouvées. C'est sur cette dernière partie que se trouvera le plus grand challenge des entreprises lorsqu'il faudra définir des priorités.
Mais cette évolution ne viendra pas des métiers eux-mêmes qui se sentent menacés par l'IA plus que mis en valeur sans toutefois connaître la teneur de son apport réel. La résistance au changement est tenace, alimentée par les fantasmes millénaristes générés par une technologie basée sur de nouveaux paradigmes. Il faudra accompagner ce changement en dédramatisant, en expliquant les tenants et les aboutissants de l'IA, montrer que l'humain reste au centre, maître de son activité mais surtout en remettant au goût du jour les bons vieux schémas directeurs qui, malgré leur lourdeur, ont structuré les systèmes d'information de nos entreprises quitte à repasser ensuite en méthode Agile. Les entreprises ne feront pas l'économie du schéma directeur IA sous peine de ne pas faire les bons choix le moment venu.
Les potentiels de gains de productivité et d'augmentation des profits sont tels que L'IA est une opportunité unique pour les nouveaux entrants, les followers, les challengers de ravir des parts de marché voire même le leadership aux belles endormies. Au-delà de la technologie en elle-même, c'est donc une nouvelle guerre économique qui s'annonce et qui ne cache pas son nom quand on entend le gouvernement Chinois en faire une cause nationale ou les Etats Unis investir des milliards de dollars. C'est dans cette perspective que les directions générales doivent prendre conscience des enjeux et se préparer à déployer tout en formant leurs salariés aux grands principes de l'IA pour qu'ils adhèrent au mieux à cette nouvelle collaboration entre l'humain et la machine.