Quand votre nouveau coeur sera imprimé en 3D

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Par Cécile Chevré Publié le 23 septembre 2015 à 5h00
Imprimante 3d Peau Bio Impression
@shutter - © Economie Matin
15 milliards $Le marché de la bio-impression pesait déjà 15 milliards de dollars en 2014.

En mai dernier, L’Oréal, passait une étrange commande… de peau humaine. Rassurez-vous, le géant des cosmétiques n’a aucune intention de faire concurrence à Frankenstein et à ses oeuvres : cette peau humaine ne provient d’aucun cadavre… mais d’une imprimante 3D, ce qui rend la chose à peine moins étrange mais moins macabre.

Précisons un peu, en mai dernier donc, L’Oréal signait en fait un contrat avec la société américaine Organovo, spécialisée – vous l’aurez compris – dans l’impression de tissus humain en 3D.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’impression de tissus humain, dite aussi bio-impression ou bioprint, est déjà une réalité, et elle est en train de prouver son potentiel aussi bien technologique que commercial.

Une imprimante à cellules?

D’un point de vue technologique, ces imprimantes 3D « bioprint » fonctionnent comme une imprimante 3D classique qui superpose les couches de matière pour créer, par exemple, un objet.

Dans le cas de la bio-impression, la matière injectée est une « encre » composée de cellules humaines fortement concentrées. Ces cellules obtenues après culture de cellules souches ou prélevées sur des donneurs. Les cellules et les autres composants (dont les « colles » qui relient les cellules entre elles) sont ensuite empilés, couche par couche, pour former un tissu humain. Si tout se passe bien, ce tissu va prendre, se développer et se composer comme un tissu prélevé sur un donneur.

Pour l’instant, la technologie de la bio-impression reste cantonnée à l’impression de tissus plutôt simples, comme la peau ou la cornée, mais, dans les années à venir, elle devrait permettre d’atteindre un certain graal, l’impression d’organes.

L’impression d’organe, un graal?

S’il y a un petit côté perturbant à imaginer votre nouveau coeur ou un foie imprimé par une machine, les avantages attendus d’une telle technique sont tels qu’ils ont de quoi convaincre les plus réticents.

La bio-impression pourrait en effet résoudre nombre de problèmes auxquels sont confrontés les malades en attente d’un nouvel organe, dont le manque de greffons disponibles ou encore la question des effets secondaires liés au risque de rejet.

Dans quelques années, on pourra peut-être vous greffer un nouveau coeur, un foie ou un rein, parfaitement adapté et compatible puisqu’il aura été imprimé à partir de vos propres cellules. Du sur-mesure en matière d’organes.

L’impression d’organe se heurte actuellement à plusieurs obstacles dont celui de la vascularisation de ces tissus. Si Organovo affirme avoir pu imprimer des tissus composant le foie, les reins, de coeur ou encore de vaisseaux sanguins, l’impression d’un organe entier et viable est encore hors de notre portée technologique.

Un marché en pleine croissance?

Le marché de la bio-impression n’est donc encore qu’à ses prémices mais devrait rapidement croître dans les années qui viennent. Une récente étude de MedMarcket Diligence estimait qu’il devrait passer de 15 milliards de dollars en 2014 au double en 2018.

Les tissus humains bio-imprimés sont en tout cas déjà parmi nous, et ont trouvé des débouchés commerciaux. Entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques sont sur les rangs, avec en toile de fond plusieurs demandes.

Sous la pression des consommateurs et des associations, nombre de sociétés – celles du secteur cosmétique sont en première ligne – abandonnent les tests sur les animaux. Pour cobayes, lapins et autres rats, la peau humaine est un choix qui tombe sous le sens – après tout, on a rarement vu un lapin se complaire à porter du mascara ou du rouge à lèvres. Encore faut-il disposer de suffisamment de peau pour pouvoir mener ces tests indispensables au développement et à la commercialisation de produits d’entretien, d’hygiène corporelle ou de crèmes antirides.

Jusqu’à présent, des groupes comme L’Oréal « récupérait » des échantillons de peau issus d’opérations chirurgicales. Et croyez-moi sur parole, vous n’avez aucune envie d’en savoir plus sur le sujet. Grâce à son partenariat avec Organovo, le géant français devrait pouvoir régler son problème d’approvisionnement. D’un point de vue légal – la commercialisation de produits issus du corps humain étant interdite en France et, très encadrée dans la plupart des pays européens –, le contrat entre les deux sociétés a été passé via L’Oréal US.

La demande pour ce type de peau devrait exploser dans les années qui viennent alors que, en mars 2013, la Commission européenne a interdit que les nouveaux cosmétiques mis sur le marché européen soient testés sur les animaux. La peau imprimée en 3D devrait profiter de ce besoin de solutions de substitutions.

Autre grand usage prévu de ces tissus bio-imprimés, les tests pharmaceutiques. Organovo, toujours elle, a lancé la commercialisation de tissus hépatiques (du foie donc) et a annoncé, en avril dernier, avoir signé un partenariat de plusieurs années avec le géant pharmaceutique Merck. Ce partenariat permettra à Merck d’avoir accès aux tissus hépatiques imprimés par Organovo qui, en échange, verra financée une partie de ses recherches en matière d’impression de tissus humains.

La récente multiplication de start-up spécialisée dans la bio-impression et l’intérêt que leur portent les investisseurs sont la preuve du potentiel de cette technologie.

Et la France dans tout cela ??

Eh bien, en matière de bio-impression, nous n’avons pas à rougir. La recherche dans le domaine est portée entre autres par le laboratoire « Bio-ingénierie tissulaire » de l’Inserm à Bordeaux, qui a développé sa propre technologie de bio-impression assistée par laser et qui est parvenue à imprimer de la peau humaine.

Du côté du privé, la start-up Poietis, créée fin 2014 par un ancien de l’Inserm, n’en est qu’à ses premières armes mais peut se vanter de premiers faits d’armes : un partenariat avec BASF pour le développement d’une peau humaine bio-imprimée et sur-mesure ou des brevets au Japon et aux Etats-Unis protégeant sa technologie. Poietis a lancé cet été une campagne de crowdfunding sur la plateforme WiSEED pour se financer et accélérer son développement.?

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Cécile Chevré est titulaire d'un DEA d'histoire de l'EPHE et d'un DESS d'ingénierie documentaire de l'INTD. Elle rédige chaque jour la Quotidienne de la Croissance, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance. Elle est également rédactrice en chef de La Quotidienne Pro.

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