On oublie souvent que les idées, mêmes les grandes idées, viennent d’individus. Jamais d’un groupe. La démocratie, l’Europe, le billet de banque, la TVA ont tous à un moment été inventés par UNE personne. Le concept a ensuite fait son chemin et finalement transformé la civilisation tout entière.
Le présent article fait suite à un précédent billet où j’évoquais le jour où la publicité est devenue de la manipulation de masse. Je décrivais comment les ressorts de la publicité que nous connaissons avait été élaborés par Edward Bernays, neveu de Sigmund Freund et auteur d’un ouvrage improbable (bien que réel) : “Propaganda, comment manipuler l’opinion publique en démocratie”.
Un jour, est né celui qui allait contrebalancer le côté obscur et rétablir l’équilibre dans la force, Seth Godin.
Le Chuck Norris du marketing
Il mesure autour d’un mètre soixante, mais le flux d’idées géniales qu’il profère se rapproche de la vitesse de la lumière. L’homme est un véritable phénomène. Un look à la croisée entre Bill Gates et Moby, c’est un businessman geek, doublé d’un intellectuel, avec une dégaine incroyablement cool. Après avoir créé plusieurs start-ups, il fonde Yoyodyne, qui propose une nouvelle manière de communiquer à des grandes entreprises internationales. Il séduit alors Yahoo! qui, le 12 octobre 1998, débourse 30 millions de dollars pour acheter sa boîte. Seth est alors propulsé vice président du géant américain.
A partir de là, il ne quitte plus le sommet de la vague (ce qu’on appelle “la lèvre” dans le jargon des surfeurs) :
- En 2006, il crée un site communautaire, Squidro, qui fait partie des 500 plus visités au monde.
- Sa première intervention au TedX a fait près de 1,3 million de vues sur Youtube et il est toujours un des speakers les plus suivis.
- Il a écrit plus d’une vingtaine de livres qui se classent régulièrement dans le top 10 des meilleures ventes d’Amazon et le top 100 des bests sellers du New York Times.
- Il a créé un des 500 blogs les plus lus : sethgodin.com
Mais ce qui nous intéresse, c’est le jour où il a mis fin à la manipulation des masses dans le marketing.
Save the communication, save the world !
On est en 1999. Internet est encore tout nouveau pour le grand public. Google vient tout juste d’être fondé par Larry Page et Sergueï Brin. Facebook n’existe pas encore. L’aube vient tout juste de poindre sur le monde digital. Seth Godin publie Permission marketing. Qu’est-ce que ça raconte ? D’un côté, il y a la publicité qu’on connaît, le marketing d’interruption : le spot publicitaire, le tract dans sa boîte aux lettres, la fenêtre pop up qui envahit notre écran. Un message publicitaire nous interrompt, réclame notre attention et veut qu’on achète tout de suite quelque chose.
Si ça a marché quelques décennies en arrière, aujourd’hui, c’est fini. Trop de marques, trop d’interruptions, trop de publicité partout tout le temps ! Aujourd’hui, le marketing d’interruption agace. Il a donné lieu aux autocollants “stop la pub”, aux SPAM et aux adblockers.
De l’autre côté, Seth pose les bases d’une démarche où l’on donne avant de recevoir. On offre quelque chose (un film informatif, un livret, un accès gratuit pour une période donnée, etc.) pour obtenir l’accord d’une personne à recevoir des communications de l’entreprise. Politesse élémentaire, direz-vous. Parce qu’en fait, le marketing d’interruption est très mal élevé !
Le marketing par permission vise à ouvrir un dialogue afin d’obtenir graduellement des degrés de permission plus élevés d’un individu. L’entreprise tisse une relation où la personne passe d’inconnu à ami, d’ami à client, de client à client fidèle. Pour le dire autrement, dans le marketing par permission, l’entreprise cesse de demander le mariage au premier rendez-vous (mesdames, que pensez-vous d’un homme qui fait ça ?). La communication publicitaire apprend l’art de la séduction.
Un maître Jedi sur la toile
Bien sûr, le marketing était un domaine trop petit pour enfermer Seth. Son blog est un recueil de pensées, qui parle de développement personnel et de philosophie autant que de communication d’entreprise. Juste pour l’exemple, voici ce que Seth Godin publiait en décembre 2017 (j’assure la traduction) :
Commence petit, commence ici
C’est beaucoup mieux que : "commence grand, commence plus tard."
Un des avantages, c’est que le début n’a pas besoin d’être parfait.
Tu peux simplement commencer.
On dirait un aphorisme de Nietzsche (qui serait dans un bon mood) ou un dicton zen. Simple, direct, sans fioriture. Même s’il a désormais un fan club qui l’idolâtre, ce n’est pas la bonne manière de rendre hommage à l’oeuvre de Seth. L’homme devrait être pris plutôt comme une source d’inspiration. Un bon exemple à suivre.
Un dernier (paragraphe) pour la route
Aujourd’hui, je vois beaucoup ce terme “empower” qui est une sorte de mode. Tout le monde veut “donner du pouvoir” à tout le monde. Je me souviens d’un article où une personne proposait sérieusement de traduire empowerment par “empouvrement” ou un truc dans le genre. C’est de la frime ! Avoir de la considération pour les gens, s’intéresser vraiment à eux et vouloir libérer le dialogue avec chacun, voilà ce qui résume à mon sens le livre “Permission marketing”. Seth Godin est sans doute un des pères du véritable “empower people”. Parce qu’il a montré cette potentialité inexploitée du web. Et ça, ça rend le monde vraiment plus intéressant, vous ne trouvez pas ?