Comment les collectivités publiques ont-elles pu accepter des conditions d'emprunt indexées sur des parités de change et en particulier sur l'évolution de la parité euro/franc suisse ?
Quel intérêt peut présenter ce type de formule pour les élus locaux et les établissements financiers ? Comment le risque de ce type de produit a-t-il pu être autant sous-estimé par les décideurs ? Ces questions brûlent les lèvres de tous les observateurs.
Le cocktail explosif des emprunts toxiques
Prenez un zest de créativité des équipes d'ingénierie financière, saupoudrez de compétences insuffisantes en matière de maîtrise des risques les conseillers financiers et directions financières des collectivités publiques et ajoutez-y une vision politique calée sur les cycles électoraux, vous obtiendrez alors le cocktail explosif des emprunts "toxiques".
Un outil d'allègement des charges d'intérêt
Les emprunts structurés ont été présentés comme un outil d'allègement des charges d'intérêt. Pour bénéficier d'un taux bonifié par rapport à celui proposé dans le cadre d'un prêt classique, il fallait trouver une source de revenus pour l'emprunteur qui viendrait compenser les intérêts à payer. Ces revenus proviennent de la vente d'assurances (d'options) contre l'évolution du prix d'une matière première, d'une devise ou de tout autre actif présenté comme non risqué sur la base des évolutions de prix historiques. Le petit plus marketing proposé aux élus est la certitude de bénéficier d'un taux bas garanti pendant une première période qui leur permettra d'aller au bout de leur mandat sans mauvaise surprise. Le gros plus financier pour les établissements financiers tient à l'absence de comparaison tarifaire possible sur ces produits complexes différenciables à l'infini.
Des emprunts à risque
L'argumentaire des conseillers financiers repose sur le risque quasi inexistant d'un actif complètement déconnecté de l'objet de l'emprunt. Pour la moitié des prêts "toxiques" consentis, ce sera la parité euro/franc suisse. L'intervention de la banque nationale suisse (BNS) sur le marché des changes, pour respecter un plancher limitant l'appréciation du franc face à l'euro, est la garantie de ne pas constater le risque. Jamais, l'autorité monétaire helvétique ne laisserait apprécier sa monnaie sous peine de pénaliser ses entreprises exportatrices.
L'histoire de notre système monétaire international est pourtant jalonné d'épisodes d'abandon de parités fixes ou semi-flottantes. La BNS n'a aujourd'hui plus les moyens de suivre le programme d'expansion monétaire décidé par la banque centrale européenne (BCE) le 22 janvier dernier. Ce risque, même s'il n'était pas prévisible au moment où les emprunts ont été contractés, était bien réel puisque qu'il pouvait être couvert sur les marchés financiers !