El Niño : les bailleurs de fonds sont-ils devenus sourds ?

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Par Solidarités International Modifié le 2 mai 2016 à 9h33
El Nino Phenomene Nature Catastrophe
@shutter - © Economie Matin
60 millionsOn estime à 60 millions le nombre de personnes affectées par le phénomène El Nino.

60 millions de personnes sont aujourd’hui affectées par les conséquences du phénomène El Niño. Les besoins sont colossaux, notamment en termes d’accès à l’eau, à la nourriture et à la santé. Malgré l’urgence pour répondre à ces besoins vitaux, l’assistance humanitaire peine à se mettre en place, faute d’engagement financier et politique solide de la part des bailleurs et des Etats.

Les manifestations d’El Niño ont été particulièrement intenses en 2015 et se poursuivent en 2016. Sécheresses, vagues de chaleur, inondations et cyclones ont ravagé silencieusement les moyens de subsistance de millions de personnes (agriculture, bétail, maison, etc). Avec pour conséquence une insécurité alimentaire accrue dans de nombreux pays tels que l’Ethiopie, le Zimbabwe, le Guatemala, le Honduras, l’Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le prix des denrées alimentaires de base à presque doublé dans certains pays. Plus d’un million d’enfants souffrent de malnutrition aigüe sévère en Afrique de l’Est et australe. Le manque d’eau et la destruction des infrastructures sanitaires met également la santé de millions de personnes en péril, entrainant une recrudescence des maladies infectieuses. En première ligne, les populations les plus vulnérables sont les plus durement affectées par ces impacts, et notamment les enfants, les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées.

Alors que les acteurs de terrain sont prêts à agir, les financements ne sont pas à la hauteur. Il manque encore près de 2 milliards d’euros pour répondre aux besoins les plus urgents : boire, manger, être soigné, s’abriter. Conscientes de ces besoins grandissants, plusieurs agences des Nations Unies ont organisé une conférence d’information, suivie le 26 avril d’une conférence des bailleurs de fonds à Genève. Malgré la présence de nombreuses délégations, les Etats se sont montrés peu enclins à augmenter leurs enveloppes. La France n’était quant à elle pas présente à cette conférence, restant sourde aux appels à l’aide internationale des pays gravement touchés par le phénomène.

Nous, organisations humanitaires internationales, appelons les bailleurs de fonds à se mobiliser de toute urgence pour répondre à la crise engendrée par le phénomène El Niño. Tout retard de l’action humanitaire entrainera inévitablement l’augmentation de la vulnérabilité des personnes affectées, de même que le coût final de la réponse humanitaire. Sans compter la très probable venue de La Niña, phénomène climatique qui pourrait encore aggraver la situation.

Cette crise doit être l’occasion de repenser, de manière plus globale, notre système de réponse humanitaire et de développement. La préparation des communautés à de telles crises et le renforcement de leur résilience sont généralement laissés de côté, n’entrant ni dans les budgets consacrés à l’humanitaire et ni dans ceux consacrés au développement. Les systèmes actuels ne permettent pas de répondre de manière adéquate à des chocs climatiques de cet ampleur, ni d’agir assez rapidement pour limiter leurs impacts. L’important travail de développement réalisé ces dernières décennies risque d’être réduit à néant par les chocs climatiques de plus en plus récurrents. Une approche intégrale doit être envisagée, permettant non seulement le financement mais aussi la mise en place de systèmes d’alerte précoce, de mécanismes de réponse rapide et de filets de protection sociale.

Cette approche doit permettre de soutenir l’adaptation et la résilience des populations, tout en réduisant le risque de les voir affectées par des évènements climatiques extrêmes. Le constat est sans appel : un engagement politique et financier majeur est indispensable, tant de la part des Etats que des bailleurs. Sans engagement, nous continuerons à répondre à des urgences humanitaires qui auraient pu être évités.

Mike Penrose, directeur général d’Action contre la Faim
Philippe Lévêque, directeur général de CARE France
Anne Héry, directrice du plaidoyer chez Handicap International
Jean-Yves Troy, directeur général de Solidarités international

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