Le numérique ne doit plus seulement être pensé en termes d’innovations technologiques et de bouleversement des usages. Correctement valorisée, la donnée peut porter des valeurs d'éthique et de transparence, et servir l'intérêt général.
Notre vie est désormais pilotée par la donnée. Des ordres de Bourse passés par des robots au diagnostic médical automatisé en passant par l'affectation des étudiants à l’Université avec Parcoursup, des algorithmes prennent un nombre croissant de décisions à notre place. On espère pour le meilleur. Cette intermédiation pose toutefois la question de la transparence et de l’éthique de ces algorithmes et de la valorisation de la donnée.
En elle-même, la donnée a de multiples valeurs. Elle a tout d'abord une valeur intrinsèque. Une fois nettoyée, qualifiée et enrichie, la data va optimiser des processus existants ou créer des services innovants. Ces nouveaux services permettront par exemple, d’améliorer l'expérience client, de mieux identifier les risques d’attrition clientèle ou d’améliorer la prise en charge des patients d’un hôpital. A ces fins, la donnée doit être traitée sans biais afin de pas altérer ses résultats.
La donnée est aussi porteuse d'une éthique. En introduisant le principe du "privacy by design", le RGDP assure la protection des données personnelles dès la conception d'un service ou d'un produit. Et certains veulent déjà passer à l'étape suivante qui est l'"ethics by design". L'intelligence artificielle véhicule beaucoup de fantasmes. Les notions de transparence et d’explicabilité des modèles doivent contrecarrer l’effet "boîte noire" des algorithmes afin de gagner la confiance des utilisateurs. J'ai coutume de dire qu'en torturant la donnée, elle finit par avouer n'importe quoi.
A l'inverse, un algorithme bien paramétré peut se révéler moins discriminant qu'une personne humaine. Un chargé de recrutement introduit des biais conscients - en privilégiant telle école ou tel parcours - ou inconscients. Cette posture le conduit à éliminer des candidats "atypiques" qui se seraient pourtant révélés parfaits pour le poste.
La data science au service des défis de nos générations futures
Enfin, la donnée peut servir l'intérêt général. La mouvance du "data for good" se donne pour objectif de valoriser la donnée au profit de la résolution de problèmes sociaux, sociétaux, environnementaux ou sanitaires. On a évoqué la discrimination à l'embauche mais la data science peut servir la cause de nombreux combats comme l'égalité femme-homme, la lutte contre le cancer ou la transition écologique.
Une entreprise de services du numérique (ESN) qui a la responsabilité d'accompagner ses entreprises clientes sur des projets d'intelligence artificielle doit intégrer ces dimensions. Bien sûr, elle est attendue sur le terrain de l'expertise technique mais pas seulement. Une ESN doit pouvoir délivrer un conseil avisé sur ces questions. Signataire d'un code de conduite, elle s'engage, par ailleurs, à refuser tout contrat qui ne respecterait pas ses valeurs.
Statisticien de formation, j'ai signé une charte de déontologie à l’entrée de mon cursus universitaire. Je vois avec plaisir qu'aujourd'hui des data scientists ont pris la relève. Leur "serment d'Hippocrate" invoque les notions d'intégrité, d'équité, de transparence et de responsabilité. Je serai tenté de rajouter la diversité. Pour avoir beaucoup œuvré à l’étranger, je reste intimement persuadé que la différence nous enrichit.
Une ESN éthique et humaniste verrait son attractivité renforcée. Les jeunes recrues des générations Y et Z souhaitent donner un sens à leur travail. Il suffit de constater le succès remporté par le mécénat de compétences et le nombre de jeunes diplômés qui partent rejoindre des startups estampillées CivicTech, HappyTech ou Tech for Good, plutôt que d'accepter les ponts d'or de structures purement et simplement commerciales. Je suis convaincu que d’ancrer l’éthique dans les valeurs de l’entreprise permet de recruter et fidéliser des talents à fort potentiel. Au-delà des expertises, cette quête de sens de nos forces vives, va mécaniquement nous permettre de nous améliorer dans l’exercice de nos responsabilités, en nous rappelant constamment de conserver notre ADN éthique et humaniste.
J'appelle de mes vœux l'émergence de sociétés de services qui, tout en menant une activité commerciale rentable, portent haut ces valeurs humanistes. Les deux ne sont pas contradictoires, bien au contraire. C’est la mission que je me suis fixée en lançant l’aventure SixFoisSept au sein du groupe 42 Consulting. Nous partageons avec 42 la même éthique et les mêmes ambitions humanistes. Il était naturel qu’un tel projet trouve dans le groupe 42, présidé par Stéphane LAURENT – co-fondateur de SixFoisSept – le terreau fertile pour créer cette aventure !