Le savoir élitiste
Alors qu’aux États-Unis, les résultats obtenus sont le principal critère d’avancement, en France, c’est le diplôme qui donne accès au pouvoir hiérarchique ; les postes de direction sont donc réservés à une élite formée dans les grandes écoles. Pour les subalternes, tout le monde s’accorde à dire que la formation est essentielle, mais qui se soucie vraiment du rôle des managers dans ce domaine ?
C’est pourtant le manager qui est censé connaître à la fois les acquis de son équipe et ses besoins en connaissances complémentaires. Le manager compétent forme son équipe, l’incompétent n’a aucun savoir à transmettre ; il adresse des reproches à ses collaborateurs mais il est bien incapable de leur montrer la bonne voie. Le manager expérimenté, au contraire, ne délègue pas la formation car sa compétence lui confère le devoir de transmettre son savoir et son savoir-faire. Il saisit donc toutes les opportunités de la relation de travail pour faire preuve de sens pédagogique.
Cette pratique oblige le bon manager à :
- Conceptualiser ses connaissances.
- Donner une dimension pédagogique à son propos.
- Aligner ses propres attitudes et comportements sur ses préceptes, autrement dit, être exemplaire.
- S’impliquer dans les formations dispensées par des tiers.
- Veiller à la mise en application des acquis par son équipe.
Lorsque la formation est dispensée par des tiers, le manager peut se désolidariser du contenu de l’enseignement ou simplement l’ignorer, ce qui ôte toute crédibilité au plan de formation et au propos du formateur.
La somme des connaissances acquises dans une entreprise est un trésor et le défaut de transmission de cet héritage, un gâchis impardonnable. Il ne faut pas croire que le progrès – notamment technologique – soit continu. Il a ses avancées et ses reculs. Ainsi, les chirurgiens de la Rome antique savaient opérer de la cataracte et désinfecter le patient avec du vinaigre ; leur savoir-faire a été complètement oublié pendant toute la durée du Moyen-Âge. Il appartient aux anciens de transmettre aux plus jeunes le patrimoine culturel de l’entreprise :
Chez un constructeur automobile où l’on pousse dehors les seniors, une quantité de défauts de conception fait son apparition sur un nouveau modèle. On entend alors cette remarque désabusée d’un responsable de bureau d’études : « Que voulez-vous, chez nous, les gens qui savaient concevoir les voitures sont partis ! »
Nous avons certainement en France une interprétation trop formaliste de la transmission du savoir. Nous mettons en oeuvre une logistique lourde avec plans de formation, consultants extérieurs, séminaires… alors qu’en réalité, la formation doit être un réflexe quotidien du manager.
La démarche qui consiste à confier à des tiers une formation dont la hiérarchie méconnaît le contenu, conduit directement à ne jamais mettre en application les connaissances acquises :
Dans un atelier où on fabrique des roulettes de caddys, un opérateur coupe à longueur les profils servant d’arbre de roue. L’usure de l’outil produit une bavure qui entraîne une non-conformité : l’opératrice affectée au montage fait pénétrer les arbres dans les axes de roues à coups de marteau !
Grâce à une formation à la qualité et à la confection d’un calibre ad hoc, l’opérateur apprend à changer l’outil de coupe avant l’apparition du défaut ; les non-conformités disparaissent et la productivité de l’opératrice s’améliore sensiblement, mais le chef d’atelier, non impliqué dans cette formation, exige le retour à la pratique antérieure, prétextant que la priorité est d’économiser l’outillage !
Au cours d’une formation au management destinée à des cadres, le consultant est interpellé par les stagiaires : votre exposé contredit les pratiques de nos patrons ; qui faut-il croire ?
Le rôle du manager est donc de recenser les formations nécessaires, de les promouvoir, d’y participer dans toute la mesure du possible, d’en apprécier la pertinence et surtout, de veiller à la mise en application des connaissances acquises. De quelles connaissances s’agit-il ?
La conduite des affaires dans une entreprise actuelle fait appel à un nombre impressionnant de savoirs spécialisés (juridiques, comptables, scientifiques, techniques…). Un seul thème est commun à l’ensemble des activités, le management. Paradoxalement, c’est le domaine que les managers connaissent et transmettent le moins !
Ceci est un extrait du livre « S.O.S. Management en détresse ! : Diagnostic et traitement d'un mal profond » écrit par Jean-Pierre Percy et Clarisse Kachkémanian paru chez Gereso Édition (ISBN-13 : 978-2-35953-678-2). Prix : 20 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation des auteurs et de Gereso Édition.