L'information révélée par Toutsurlesimpots.com, qui a soigneusement consulté le Journal Officiel du 8 octobre dernier, fait l'effet d'une bombe. Désormais, un organisme versant des prestations sociales comme la CAF, mais aussi une banque ou même... un bailleur peut accèder à votre avis d'imposition le plus simplement du monde sur Internet. Comment ? En consultant le fichier du SVAIR, le "service de vérification de l'impôt sur le revenu".
Ce service est destiné à lutter contre la fraude aux documents et déjà accessible sur le site des Impots.gouv.fr, mais suscite la polémique. En effet, pour consulter le fichier du SVAIR, il suffit de connaître le numéro fiscal et l'avis de référence de l'impôt, deux informations qui figurent sur la première page... de votre avis d'imposition. L'idée, bien entendu, est de permettre à tout ceux qui demandent déjà ces documents (souvent, une photocopie avec l'original à côté) pour étudier des droits, monter un dossier de crédit, louer un logement, de vérifier que ceux-ci n'ont pas été falsifiés.
L'avis d'imposition en accès libre
Mais le problème soulevé d'ailleurs par CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés), dans un avis du 12 septembre dernier paru au Journal Officiel plus d'un mois après, le 15 octobre, c'est que l'accès de ces données sur Internet n'est pas assez sécurisé. La rédaction d'Economie Matin a procédé au test auprès de deux "Centres des Finances Publiques". Prétendant n'avoir pas reçu "notre" avis d'imposition, nous avons pu obtenir par téléphone le numéro d'identifiant fiscal et le numéro de l'avis en déclinant simplement "notre" identité (en l'occurence, celle de deux collaborateurs d'EconomieMatin.fr). Ce qui veut dire que toute personne mal intentionnée (voisin, adversaire politique, escroc) peut désormais facilement connaître le montant déclaré et les impôts de tout un chacun !
La CNIL s'en étonne sobrement dans son avis "Il s'ensuit que toute personne disposant de ces deux numéros pourra accéder directement à SVAIR" écrit-elle. Rentrant dans le détail technique du service, la CNIL pointe du doigt plus précisément le danger : " les données de connexion font l'objet d'une journalisation se traduisant par la conservation pour chaque connexion des dates, heures et, a priori, de l'adresse IP, la requête effectuée (c'est-à-dire la commande informatique lancée depuis un formulaire vers le serveur quand un usager a fini de remplir le formulaire et clique sur « envoyer » par exemple), le système d'exploitation et le navigateur. Ces données ne permettent donc pas de connaître directement l'auteur des requêtes.
La connexion se fait soit à partir du site www.impots.gouv.fr, soit à partir du site collectivites-locales.gouv.fr, mais, aucune identification n'étant exigée de la part des organismes, toute personne disposant des deux identifiants requis peut effectuer cette consultation."
Sécurité des données personnelles : La CNIL tire le signal d'alarme
La CNIL s'émeut en plus du fait que le ministère de l'Economie et des Finances n'a pas attendu l'avis de la CNIL pour mettre en ligne le service, "contrevenant ainsi aux dispositions susvisées de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978". Autrement dit, le service devait d'abord être agréé par la CNIL, autorité administrative indépendante, avant de démarrer...
L'histoire ne dit pas si la CNIL saisira la Justice ou pourquoi pas le défenseur des droits, Dominique Baudis, mais en attendant elle insiste sur le fait que "ce type de traitement engendre nécessairement des risques pour la vie privée des contribuables, d'autant plus que l'identification des personnes ayant recours à SVAIR n'est pas assurée"
La CNIL propose que tout ceux qui consultent le service de vérification des avis d'impôt sur le revenu "s'identifient au préalable ou se connectent par l'intermédiaire de leur espace en ligne, ce qui donnerait un sens à la conservation des données de connexion".
En pleine polémique sur le "matraquage fiscal" dixit Michel Sapin, et la transparence du patrimoine et des revenus des hommes politiques, l'accès quasi libre de tout un chacun aux avis d'imposition de quelques 38 millions de foyers fiscaux risque de renforcer un peu plus, si c'était possible, l'aversion aux impôts et à ceux qui décident de ses taux et assiettes...