Voitures électriques : l’UE surtaxe la Chine, la guerre est déclarée

Le 28 octobre 2024, l’Union européenne (UE) a officialisé une mesure attendue et controversée : l’instauration de surtaxes allant jusqu’à 35% sur les voitures électriques importées de Chine. Un nouveau chapitre dans les relations commerciales sino-européennes, déjà tendues, qui vise à rétablir une concurrence jugée « équitable » par Bruxelles face aux pratiques de subvention chinoises.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 30 octobre 2024 à 9h00
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17%Les voitures électriques chinoises captent 17% du marché européen.

La Chine, de son côté, dénonce une approche protectionniste et a saisi l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour contester ces surtaxes, accentuant ainsi les tensions commerciales entre les deux puissances.

Pourquoi l’Union européenne surtaxe les voitures électriques chinoises ?

Depuis plusieurs années, le marché européen des véhicules électriques connaît une croissance marquée de la part des constructeurs chinois. Selon les données de la Commission européenne, les voitures électriques chinoises représentaient moins de 2 % du marché européen en 2020 ; ce chiffre a bondi à plus de 14 % en 2024. Cette montée en puissance s'explique en grande partie par les subventions publiques accordées par la Chine à ses constructeurs automobiles, permettant à des marques comme BYD, Geely et SAIC de proposer des véhicules à des prix compétitifs en Europe.

Pour les autorités européennes, cette situation pose un risque de « préjudice important » pour l'industrie automobile locale, qui représente environ 14 millions d'emplois directs et indirects au sein de l'Union. Le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, a déclaré : « Nous apprécions la concurrence, mais celle-ci doit être fondée sur des règles de concurrence équitables. » C’est dans ce contexte que la Commission a décidé d’instaurer des surtaxes définitives sur les importations chinoises de véhicules électriques, et ce, pour une durée de cinq ans.

Détail des surtaxes appliquées pour les constructeurs chinois

Les surtaxes varient en fonction du constructeur et de leur degré de coopération avec l'enquête menée par l'UE. Voici un tableau récapitulatif des taux de surtaxes appliquées :

Constructeur Taux de Surtaxe (%)
Tesla (usine de Shanghai) 7,8 %
BYD 17 %
Geely 18,8 %
SAIC 35,3 %
Autres constructeurs ayant coopéré 20,7 %
Constructeurs non coopérants 35,3 %

Ces surtaxes viennent s'ajouter aux 10 % de taxes déjà appliquées sur les importations de véhicules chinois, portant le total des droits de douane à un niveau très élevé pour certains constructeurs.

Taxes européennes sur les voitures électriques : la Chine s’insurge et saisit l’OMC

La réponse de Pékin ne s'est pas fait attendre. Le lendemain de la décision européenne, mercredi 29 octobre 2024, la Chine a déposé une plainte auprès de l'OMC, qualifiant les surtaxes de « protectionnistes » et d’« injustifiées ». Selon le porte-parole du ministère chinois du Commerce, « La Chine n'approuve pas et n'accepte pas cette décision. Elle continuera de prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les droits et intérêts des entreprises chinoises. »

En guise de représailles, la Chine a lancé des enquêtes antidumping sur plusieurs produits européens, notamment le porc, les produits laitiers et les eaux-de-vie à base de vin, comme le cognac, exportés vers la Chine. Objectif à peine dissimulé : faire pression sur les États membres de l’UE, dont plusieurs expriment déjà des inquiétudes face aux conséquences potentielles de cette guerre commerciale naissante.

En France, notamment, les taxes sur les spiritueux inquiètent jusqu’aux plus hautes sphères du gouvernement, la Chine étant un gros importateur de vins et alcools français.

Divisions au sein de l’Europe : soutien, opposition et abstention

La décision de l'UE a suscité des réactions contrastées parmi les États membres. Dix pays, dont la France, l'Italie et la Pologne, ont apporté leur soutien aux surtaxes, arguant de la nécessité de protéger l'industrie automobile européenne. Le ministre français de l'Économie, Antoine Armand, a déclaré : « L’Union européenne prend une décision cruciale pour la protection et la défense de nos intérêts commerciaux, alors que notre industrie automobile a plus que jamais besoin de notre soutien. »

Cependant, l'Allemagne, fortement dépendante de son industrie automobile et des exportations vers la Chine, s'est opposée à ces mesures, tout comme la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie et Malte. Les constructeurs allemands, notamment Volkswagen, Daimler et BMW, qui disposent de sites de production et d'une large part de marché en Chine, redoutent des représailles de Pékin. Le lobby automobile allemand (VDA) a ainsi averti que l’UE « prend le risque de déclencher un conflit commercial », ce qui pourrait nuire aux fleurons industriels allemands. Enfin, douze pays, dont l’Espagne et la Suède, se sont abstenus lors du vote.

Des effets sur le marché européen des voitures électriques ?

Les surtaxes appliquées aux véhicules chinois devraient, selon certains analystes, provoquer une hausse des prix de vente sur le marché européen, rendant ces véhicules moins compétitifs face aux modèles locaux. Toutefois, la Commission européenne se montre confiante et estime que les importations de voitures chinoises en stock dans les ports européens permettront d’amortir l’impact immédiat sur les consommateurs.

L’enjeu pour l’Union européenne dépasse largement le secteur automobile. La Chine a déjà manifesté son mécontentement en enquêtant sur d’autres produits européens, ouvrant ainsi la porte à une possible escalade des tensions commerciales entre les deux puissances. De nombreux experts estiment que cette situation pourrait nuire aux relations économiques et diplomatiques entre l’UE et la Chine, compromettant des années de coopération dans des domaines aussi stratégiques que la technologie verte et les énergies renouvelables.

La nouvelle stratégie plus protectionniste de l’Union européenne s’inscrit également dans un contexte de rivalité mondiale, alors que les États-Unis adoptent des politiques protectionnistes similaires sous l'administration Biden, qui a récemment porté les droits de douane sur les voitures électriques chinoises à 100%. L’UE, pour sa part, défend une approche plus équilibrée et se dit ouverte aux négociations, à condition que la Chine accepte des mesures permettant de compenser le préjudice subi par l’industrie européenne.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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