En quelques années, le mouvement MeToo a permis une libération de la parole et une explosion du nombre de plaintes enregistrées. Pourtant, derrière ces chiffres en augmentation, la justice peine à suivre. Malgré des condamnations plus fréquentes, la lenteur des procédures et l’inefficacité des mesures de protection laissent de nombreuses victimes dans l’incertitude et le danger.
Violences conjugales : près de 43% des plaintes sont classées sans suite

Plusieurs rapports ont mis en lumière une progression alarmante des violences conjugales en France. Selon le ministère de l’Intérieur, 271 000 victimes ont été recensées en 2023, soit une hausse de 10 % en un an. Depuis le mouvement MeToo, le nombre de plaintes a bondi de 200 %. Pourtant, seules 14 % des victimes osent porter plainte, et encore moins obtiennent justice rapidement. Alors que les condamnations augmentent, leur efficacité est remise en question.
Les plaintes explosent, une libération de la parole tardive
Depuis MeToo, les chiffres des violences conjugales enregistrés par la police et la gendarmerie sont en forte augmentation. En 2016, on comptait 124 086 victimes identifiées. En 2023, ce chiffre atteint 270 711, soit plus du double en moins de dix ans. Cette explosion s’explique par une libération de la parole et une prise de conscience collective de l’ampleur du problème. Plus de victimes osent témoigner et dénoncer leur agresseur.
Cette augmentation ne signifie pas que les violences elles-mêmes ont augmenté. Pendant des décennies, une grande partie des agressions restait silencieuse, faute de confiance envers la justice ou par peur des représailles. Aujourd’hui encore, 85 % des victimes sont des femmes, et dans 86 % des cas l’auteur des violences est un homme. Malgré l’augmentation des signalements, seulement 16 % des victimes portent plainte. Ce chiffre montre que la peur et le manque de confiance dans le système judiciaire demeurent des freins majeurs à la dénonciation des violences conjugales.
Des condamnations en hausse mais une justice encore trop lente face à l’ampleur du phénomène
Les condamnations suivent-elles l’augmentation des plaintes ? En apparence, oui. En 2023, 41 346 peines d’emprisonnement ont été prononcées pour violences conjugales, soit plus du double par rapport à 2017. Pourtant, la réalité est bien plus nuancée.
Près de 43 % des plaintes sont classées sans suite, contre 34 % en 2017, selon les données du ministère de la Justice. L’absence de preuves suffisantes, la prescription des faits ou l’impossibilité de caractériser juridiquement l’infraction expliquent en grande partie ces classements. Même lorsque les affaires aboutissent, les sanctions restent discutables : 87 % des condamnés écopent d’une peine de prison, mais seulement 30 % purgent une peine ferme.
Malgré une hausse des condamnations, la prise en charge judiciaire des violences conjugales demeure insuffisante, marquée par des lenteurs administratives et un manque de suivi pour les victimes. Ces dernières se retrouvent souvent démunies face à des démarches complexes, sans accompagnement adapté, ce qui en pousse certaines à renoncer à obtenir justice.
Les caractéristiques des violences conjugales : une menace aux multiples visages
Les violences conjugales ne se limitent pas aux coups. Elles peuvent être physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques. Les violences psychologiques, qui comprennent les humiliations, l’isolement, le contrôle et les menaces, sont souvent les plus difficiles à prouver et à sanctionner. Pourtant, elles précèdent très souvent des agressions physiques. En 2023, 373 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences conjugales physiques, sexuelles ou psychologiques.
Quelles solutions pour mieux protéger les victimes ?
Face à ces constats accablants, les associations réclament des réformes structurelles. L’accélération des procédures judiciaires est une priorité, car une plainte qui traîne dans les tribunaux met directement la victime en danger. Il est également essentiel de renforcer les ordonnances de protection et de garantir leur application stricte. Trop souvent, des agresseurs violent ces interdictions sans réelle sanction.
L’augmentation du nombre de places en hébergement spécialisé est un autre axe crucial. Trop de victimes sont contraintes de cohabiter avec leur agresseur faute de solutions alternatives. Les associations demandent également une meilleure formation des forces de l’ordre. Trop de témoignages dénoncent encore un accueil minimisant les faits ou orientant les victimes vers une médiation, alors que celle-ci est interdite en cas de violences conjugales.
Une meilleure sensibilisation du grand public reste essentielle. Briser les tabous et encourager les témoins à signaler les faits est fondamental pour enrayer le phénomène.