Urgences hospitalières : certains patients attendent maintenant plus de 8h

Les chiffres du dernier rapport du ministère de la Santé dressent un constat accablant : le système hospitalier français et les urgences sont à bout de souffle.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 19 mars 2025 à 12h24
urgences-hospitalieres-patients-attendent-8h
urgences-hospitalieres-patients-attendent-8h - © Economie Matin
36 %Parmi les plus de 75 ans, 36 % passent plus de huit heures aux urgences.

Le 19 mars 2025, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a publié un rapport accablant sur la situation des urgences en France. La crise est bien plus qu’un ressenti des patients et des soignants : elle est désormais chiffrée, analysée, et sa gravité dépasse toutes les prévisions. La durée médiane d’attente aux urgences a atteint trois heures en 2023, contre 2h15 en 2013. Pour 15 % des patients, cette attente dépasse même huit heures.

Des délais d'attente records : la réalité derrière les chiffres

Le rapport de la DREES dévoile un état des lieux inquiétant du temps de passage aux urgences. En dix ans, le délai médian d’attente a augmenté de 45 minutes, passant ainsi à trois heures. Par ailleurs, une personne sur dix reste plus de huit heures aux urgences, contre 9 % en 2013. Le problème ne s’arrête pas là, car de plus en plus de patients se rendent aux urgences faute de pouvoir obtenir un rendez-vous ailleurs : en 2023, ils étaient 21 % à déclarer cette contrainte, contre 13 % dix ans plus tôt.

Loin d’être un simple désagrément, ces délais records mettent en danger la santé des patients, notamment les plus vulnérables. Parmi les plus de 75 ans, 36 % passent plus de huit heures aux urgences, contre 15 % pour la population générale. Ces conditions d’attente prolongée augmentent le risque de complications médicales, voire de décès.

Pourquoi les urgences sont-elles au bord de l'explosion ?

La crise des urgences est le symptôme d’un mal bien plus profond. Plusieurs facteurs structurels expliquent cette situation dramatique. Tout d’abord, l’augmentation du nombre de passages aux urgences a fortement contribué à l’engorgement. Entre 2013 et 2019, le nombre de patients admis a bondi de 19,6 millions à 22 millions. Ce phénomène s’explique par la pénurie de médecins généralistes et la saturation des cabinets de ville. Incapables d’obtenir un rendez-vous rapide, de nombreux patients n’ont d’autre choix que de se tourner vers l’hôpital.

La suppression massive de lits d’hospitalisation a accentué la crise. Depuis 2013, le nombre de lits disponibles a chuté de 11 %, ce qui représente une perte de 43 000 lits en dix ans. Cette diminution empêche de fluidifier les admissions et contribue à la congestion des urgences. Enfin, la démographie médicale est un autre facteur clé. En 2023, la France comptait 4,5 médecins pour 1 000 habitants, un chiffre en baisse. Le vieillissement de la population et la pénurie de praticiens spécialisés ont un impact direct sur la capacité des hôpitaux à répondre à la demande. Les conditions de travail particulièrement éprouvantes poussent aussi de nombreux soignants à quitter l’hôpital, ce qui ne fait qu’aggraver le manque de personnel.

Les conséquences pour les patients et les soignants

Les patients ne sont pas les seuls à subir de plein fouet cette crise. Les soignants, eux aussi, paient un lourd tribut à cette saturation incessante. Pour les plus de 75 ans, l’attente prolongée aux urgences représente un danger mortel. Une étude française publiée en novembre 2023 a révélé qu’une nuit passée aux urgences augmente de 40 % le risque de mortalité pour ces patients. Le manque de soins adaptés, la surveillance insuffisante et une exposition accrue aux infections aggravent la situation.

Du côté du personnel hospitalier, la situation est tout aussi dramatique. En sous-effectif chronique, les équipes hospitalières sont soumises à une charge de travail insoutenable. Le stress, le manque de sommeil et les tensions avec les patients contribuent à une explosion des cas d’épuisement professionnel. Résultat : les départs se multiplient et la crise s’autoalimente. Dans ces conditions, difficile d’assurer une prise en charge optimale. Entre un temps d’attente rallongé, des diagnostics effectués dans l’urgence et des patients hospitalisés sur des brancards faute de lits disponibles, la qualité des soins se dégrade inexorablement.

Quelles solutions pour éviter le naufrage ?

Face à cette situation intenable, le ministère de la Santé a annoncé plusieurs mesures pour tenter de redresser la barre. Parmi elles, le recrutement massif de personnel hospitalier afin de renforcer les effectifs et améliorer la prise en charge des patients. L’augmentation du nombre de lits d’hospitalisation est également envisagée pour désengorger les services d’urgences et réduire le temps d’attente. Un autre axe majeur concerne le renforcement de la médecine de ville, qui permettrait d’orienter certains patients vers des consultations en cabinet plutôt que vers les hôpitaux. Enfin, une meilleure coordination entre les services hospitaliers est à l’étude pour fluidifier les transferts de patients et éviter les engorgements. Toutefois, ces solutions nécessitent des investissements considérables et une volonté politique forte.

La crise des urgences est un chantier colossal pour le gouvernement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : temps d’attente en hausse, soignants épuisés, patients en danger. Si rien n’est fait, la situation pourrait bientôt devenir incontrôlable.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

Aucun commentaire à «Urgences hospitalières : certains patients attendent maintenant plus de 8h»

Laisser un commentaire

* Champs requis