Il arrive que l’honneur s’oppose à des politiques que nous aurions intérêt à suivre. Mais il arrive aussi que l’intérêt et l’honneur nous indiquent la même direction. Ce qui suit montre, que s’agissant de l’agression perpétrée contre l’Ukraine par la Russie, nous sommes dans le second de ces deux cas de figure : l’intérêt de la France, comme son honneur, vont dans le même sens, celui d’un soutien apporté, en coopération avec d’autres démocraties, au refus de l’Ukraine d’être annexée par la Russie.
Ukraine : notre honneur et notre intérêt coïncident
Notre honneur
L’Europe centrale a subi bien des conflits armés, provoqués par le désir que les dirigeants de divers pays ont d’agrandir leur « pré carré ». Plus à l’Est, la Russie soviétique a elle-même subi une tentative d’invasion par l’Allemagne nazie, tentative à laquelle les Occidentaux se sont opposés avec succès : l’immensité du danger hitlérien justifiait une sorte de pacte avec le diable. Après cela, il fallut travailler à protéger les démocraties occidentales contre le péril communiste. La puissance des Etats-Unis permit de conserver l’indépendance totale ou partielle de nombreux pays européens : sans elle, bien des peuples seraient passés à la casserole marxiste !
Malheureusement l’Europe centrale, divisée, est longtemps restée une sorte de ventre mou composé de pays contraints à pactiser avec le communisme, fort d’une armée détenant le feu nucléaire. L’honneur des Européens de l’Est fut de ne pas cesser de regarder vers l’Ouest, qui n’est certes pas une merveille absolue, mais qui est parvenu à se doter de régimes démocratiques, lesquels, en dépit de leur tendance à se reposer excessivement sur le « Grand Frère » nord-américain, ont efficacement œuvré au maintien (et, dans une certaine mesure, au développement) de l’aisance et de la démocratie.
Ce relatif mais néanmoins remarquable succès nous confère des devoirs, dont le premier est la défense de ce qu’il est convenu d’appeler le monde libre. Les décennies qui se sont écoulées depuis l’écroulement du nazisme n’ont pas débouché sur une victoire absolue de la liberté et du progrès. Les pays d’Europe centrale ont pris une certaine indépendance vis-à-vis de l’Ours communiste, mais celui-ci est toujours en vie, et c’est ce qu’il a voulu rappeler aux Occidentaux en décidant de reprendre en main un des pays d’Europe centrale assez avancé sur la voie de l’occidentalisation. Il s’agit donc de défendre notre conception de la vie politique : la démocratie plutôt que la dictature. Tous les pays où la démocratie et la liberté sont des valeurs reconnues et pratiquées, et tous ceux qui progressent en direction d’une organisation respectueuse de la liberté, doivent être soutenus contre les pays qui voudraient leur imposer un régime dictatorial tel que le communisme. C’est à la fois une question d’honneur et une question de bon sens.
Notre intérêt rejoint notre idéal
La planète terre est peuplée de milliards de personnes humaines, et parmi ces êtres humains le nombre de ceux qui sont assujettis à des régimes inhumains est considérable. Si nous voulons vivre en paix dans un pays dont les citoyens jouissent d’une véritable liberté, nous avons tout intérêt à nous entendre avec celles des autres nations qui ont sensiblement les mêmes valeurs. Notre liberté n’est pas une qualité qui existerait sans que l’on ait besoin de la cultiver, de la protéger. La guerre en Ukraine, déclenchée par le plus grand et le plus fort des pays ennemis de la démocratie exception faite de la Chine, à savoir la Russie, doit être contrée par une alliance ou une coopération comprenant le plus grand nombre possible de pays. Soyons heureux que le bon sens et le courage des Ukrainiens se traduise par une résistance à la fois héroïque et bien organisée, que nous pouvons soutenir sans même y engager directement nos régiments. Les envois de matériel n’imposent pas aux Européens de l’Ouest et aux Américains d’avoir à pleurer des dizaines de milliers de morts pour la liberté.
L’armée et le peuple ukrainien font ce qui est le plus éprouvant, nous avons une chance incroyable ! Rendons-nous compte que la liberté des Occidentaux européens dans leur ensemble est efficacement défendue par un nombre assez modeste d’hommes et de femmes qui ont un véritable idéal ! Et faisons avec reconnaissance tout ce qui est possible pour leur fournir ce dont ils ont besoin pour résister puis vaincre.